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Déclin ou rebond : deux mois décisifs

Vendredi 10 janvier 2020

 

Déclin ou rebond : deux mois décisifs

 

  1. Réforme des retraites… déclin ou rebond ?
  2. Moyen-Orient : la politique du pire à l’œuvre

 

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  1. Réforme des retraites… déclin ou rebond ?

 

39ème jour, si l’on compte bien, que le pays est en ébullition, du moins cette partie du pays qui ne consent pas au sort que lui promet le pouvoir avec la mise en place d’une réforme « systémique », la « retraite à points » conjuguée à une réforme « paramétrique », l’âge « pivot » de 64 ans.

 

Nous n’allons pas revenir ici sur les arguments qui s’opposent, ils sont connus et aucun de ceux qu’avance le pouvoir sur les bienfaits de la réforme ne résiste à l’évidence : tous perdants, ou presque… En tête de ces perdants, et ce sont bien sûr les plus mobilisés, les « régimes spéciaux », SNCF, RATP, danseurs de l’Opéra, etc. Parmi eux, le pouvoir a pris soin de mettre de côté les « corps habillés », policiers et militaires et on comprend trop bien pourquoi puisque ce sont les seuls à être armés, ce sont les derniers remparts du pouvoir ainsi que l’a montré la séquence Gilets Jaunes… Le pouvoir a d’ailleurs quelque peine à expliquer que sa réforme vendue comme « progressiste », « juste », « sociale », etc. doit être appliquée à tous… sauf à ceux-là. Parmi les perdants, bien sûr, les fonctionnaires et tout particulièrement les enseignants qui sont à la fois mal payés et n’ont de surcroît que fort peu de primes de sorte que l’inclusion de ces dernières dans le nouveau mode de calcul serait sans grand effet. Le ministre Blanquer a beau expliquer que leurs carrières seraient revalorisées en sorte qu’il ne perdraient rien, le gel de la valeur du point qui sert de base au calcul de leur rémunération étant gelé depuis dix ans, ce gel étant reconduit en 2020, la promesse fait sourire... jaune. Les revaloriser à hauteur du manque à gagner sur les retraites reviendrait à devoir les augmenter de 40 %. Chacun a bien compris que c’était hors de question…

 

Et puis, il y a tous les autres, tous ceux qui sont dans le secteur privé à qui l’on essaie de faire croire qu’un calcul de leur retraite sur l’intégralité de leur activité serait meilleure que sur les 25 meilleures années. Sauf à être totalement demeuré, nul ne peut sérieusement le croire…

 

Cerise sur le gâteau, on apprend que les plus hauts revenus, ceux des hauts cadres, ceux qui gagnent plus de 10 000 €/mois, 120 000 €/an, verraient leurs cotisations réduites au-delà à hauteur de 2,81 % au titre de la « solidarité » au lieu des actuels 22 % pour un plafond de 27 000€/mois, 324 000 €/an, à l’AGIRC. On parle ici d’environ 300 000 actifs. Conséquences d’un tel dispositif : la part patronale, 60 %, actuellement payés par leur patron, disparaîtrait ce qui, outre le bénéfice réalisé par leurs patrons, creuserait un trou dans les régimes complémentaires. Et, bien sûr, tous ceux hauts cadres n’auraient alors pour seule solution pour compenser le manque à gagner que de se tourner vers des systèmes par capitalisation. Et ça tombe bien, puisque la loi PACTE, récemment votée par le parlement en avril 2019, a prévu de défiscaliser ces mêmes cotisations. De sorte que l’on comprend mieux pourquoi arrive sur le devant de la scène BlackRock et son patron, Larry Flink, reçu en grande pompe le 10 juillet dernier par Emmanuel Macron dans le « salon Murat » et, accessoirement, pourquoi le représentant de BlackRock France, Jean-François Cirelli, énarque pantoufleur passé par la direction de GDF-Suez devenu Engie, s’est vu gratifié de la Légion d’Honneur en ce début d’année. Coût de la mesure : 3 milliards d’euros en année pleine ! Des « smarties » pour BlackRock, comme dit a osé le dire Agnès Pannier-Runacher sur BFMTV (voir ici, 14ème minute de l’interview).

 

Emmanuel Macron reçoit Larry Flink, patron de BlackRock, le 10 juillet 2019 dans le "salon Murat"

 

Bref, par-delà la propagande gouvernementale que relaient complaisamment les médias, on commence à mieux cerner les objectifs de la réforme. Un « haut du panier » qui, à l’image de ce qu’est déjà sa vie aujourd’hui, s’exonère de la règle commune et va se réfugier dans les fonds de pension au prix d’une « solidarité » ridiculement faible et une baisse du niveau des pensions pour la multitude que sanctifie la règle du plafonnement du coût des pensions à 14 % du PIB alors que la démographie va irrémédiablement augmenter le nombre de pensionnés.

 

Le pouvoir, « maître des horloges », a décidé de laisser pourrir le mouvement. Premier temps : arriver jusqu’à la période des fêtes de fin d’année réputées être un étouffoir de mouvement social. On fait traîner, on convoque quelques réunions « de concertation » sans grand objet, etc. Seulement voilà, ceux qui sont en mouvement n’entendent pas « plier les gaules ». SNCF et RATP continuent le mouvement entraînant des dégâts sévères dans le commerce en cette période décisive pour eux. Grèves et manifestations continuent et, passé le discours de nouvel an du chef de l’État, déjà oublié tant la performance fut aussi inutile que ridicule, c’est reparti avec une « journée nationale » du 9 janvier qui réunit à travers tout le pays des centaines de milliers de manifestants.

 

Manifestation parisienne, 9 janvier 2020

 

Selon une règle maintenant bien établie, les médias ont choisi de se focaliser sur la manifestation parisienne, lieu de violences, pour ignorer celles qui, en province, sont tout à la fois fournies et sans heurts. À Paris, le préfet Lallement est à la manœuvre et, comme il fallait s’y attendre, tout a été fait pour que cela dégénère : très grosse présence policière, charges policières d’une rare violence, nassages, gazages et tabassages en règle, la routine. BFMTV, CNews, etc. ne retiendront bien sûr du défilé parisien que ces images de violence et prendront un malin plaisir à ne mettre en exergue que les 16 policiers blessés en ignorant soigneusement tous ces manifestants gravement blessés par la police… S’agissant des chiffres, le mot d’ordre de l’essoufflement a été abondamment diffusé. 42 000 manifestants à Paris… loin, très loin de la réalité, bien sûr. Quant aux retraites, un seul point en débat, l’âge pivot, la CFDT et les « mesures d’équilibre » avec, sur les plateaux, et dans le meilleur des cas, des représentants de la CFDT et de l’UNSA venus débiter leurs filets d’eau tiède alors même qu’ils brillaient par leur absence tout au long de la journée. On ne s’étonnera pas dès lors de voir la cote de confiance en ces médias dégringoler toujours plus…

 

Reste que, passée cette journée, la question qui se pose est de savoir si l’on est en présence d’une déclin ou d’un rebond. Si nul ne peut raisonnablement dire que le mouvement s’éteint, que cette journée du 9 janvier fut un échec, il reste que les secteurs mobilisés restent ceux du début du mouvement, SNCF et RATP pour l’essentiel, et que le manque à gagner pour tous ces grévistes ne va pas manquer de peser lourdement. C’est d’ailleurs là-dessus que compte le gouvernement. Même si, on l’a bien compris, cette réforme des retraites n’est pas, et de loin, qu’une question de « régimes spéciaux », le fait que seuls les salariés de ces régimes soient en grève est évidemment une faiblesse de ce mouvement. Comme en 1995 avec la réforme Juppé, il semble que l’on soit en présence d’une « grève par procuration » et que la « généralisation » du mouvement ne se produise pas. Alors, bien sûr, des « caisses de solidarité » pour les grévistes ont été ouvertes. Elles ont un certain succès. Celle de la CGT a, par exemple, reçu plus de deux millions d’euros. Mais, pour importantes que soient ces sommes, elles sont très loin de couvrir le manque à gagner des grévistes dont on sait, par ailleurs que, comme une grande partie de la population, ils ne roulent pas sur l’or. Le pouvoir sait tout cela et en joue sciemment, avec cynisme. Et, afin de donner le signal de fin de partie, il est prévu que le projet de loi, actuellement au Conseil d’État pour avis, soit présenté en Conseil des ministres le 24 janvier, puis examiné successivement par une « commission spéciale de l’Assemblée » à partir du 3 février puis, dans le cadre d’une procédure accélérée, à partir du 17 février, avec une seule lecture à l’Assemblée nationale comme au Sénat et un vote définitif en mars. Faire vite, donc, en renvoyant la plupart des points épineux au rayon des décrets d’application et sans, bien sûr, que ne soit réalisé un simulateur fiable permettant aux citoyens de mesurer l’impact de la réforme, sans que ne soit produite une étude d’impact que demande, par exemple et à grands cris, la CFE-CGC, syndicat majoritaire des cadres. Bref, un passage en force destiné à éteindre l’incendie sur le principe du fait accompli, celui de la loi votée.

 

Du côté des opposants à la réforme, CGT, FO, Solidaires et FSU, pour l’essentiel, on joue gros. Perdre, une fois de plus, serait sans doute une fois de trop. Cela signerait leur incapacité à s’opposer au rouleau compresseur libéral « en marche » dans le pays depuis 1983. Compter sur un mouvement qui parviendrait à passer le cap du mois de mars serait un bien piètre calcul. On a certes vu, dans le passé, une loi devoir être abrogée, celle du CPE en 2006. Mais, outre que la France d’aujourd’hui n’est plus celle d’alors, la jeunesse brille aujourd’hui dans ce mouvement par son absence. Hier, jour de manifestation nationale, les étudiants passaient sagement leurs partiels et les lycéens étaient en cours, du moins ceux dont les professeurs n’étaient pas en grève et les autres ne se montrèrent pas. Bref, du côté de la jeunesse, le gouvernement sait pouvoir dormir tranquille. Quant aux Gilets Jaunes, et quoi qu’il en coûte de la constater, nul ne peut nier que, pour l’essentiel, ils ont repris le cours de leur vie et que seule une petite fraction d’entre eux, celle qui n’est pas allergique au mouvement syndical, se montre encore dans les manifestations. Le « mouvement social », conscient des enjeux, organise donc des manifestations ce samedi 11 janvier avec l’espoir que les salariés du secteur privé  sauront, un samedi, sans donc qu’il leur en coûte, se mobiliser. Et, dans la foulée, a été convoquée une nouvelle journée d’action ce mardi 14. À l’unisson du tempo qu’inflige le pouvoir, le rythme s’accélère et on devrait savoir sous peu sur quel pied danser. À noter que la CFDT et l’UNSA, les « réformistes », entendez ceux qui ont pour tout viatique de grappiller des miettes, viennent de voir l’âge pivot de 64 ans figurer en toute lettres tant dans le projet de loi soumis au Conseil d’État et transmis aux caisses de Sécurité sociale. Ils ont l’air malins… Cela les conduira-t-il à rejoindre le mouvement ? On peut l’espérer mais aussi sérieusement en douter. Quant aux « troupes » qu’elles mobiliseraient alors, ils est fort à parier qu’elles seraient squelettiques. Rien à attendre de cette camarilla si ce n’est sa très étrange et constante vocation à servir le pouvoir en place sans qu’il n’en coûte rien à celui-ci…

 

Sur le plan politique, donc, une seule échéance a désormais dans ce pays une réelle importance, l’élection présidentielle. En clair, 2022. Si d’aventure le mouvement social en cours devait être défait comme l’ont été les mineurs anglais en 1984-1985, le pire est à craindre. La « gauche » est dans un tel état de délabrement, ses divisions sont si profondes que l’ensemble de ceux qui auront été défaits, Gilets Jaunes et « mouvement social » pour simplifier, ne cherchera alors à « renverser la table » qu’à travers un vote Le Pen ou en se réfugiant dans l’abstention. Le « bloc bourgeois » tel que théorisé par Bruno Amable et Stefano Palombarini (voir ici), qui a gagné en 2017 avec Emmanuel Macron, ne peut alors que s’effriter. Et, à l’inverse, comme cela s’est vu aux USA avec l’élection de Donald Trump, ou comme cela vient de se voir lors des élections générales au Royaume-Uni, ceux qui s’y opposent cristalliseront leur vote sur le seul élément apparaissant comme capable de les porter, celui de Marine Le Pen. De ce point de vue, les élections européennes ont été un avertissement. Avec un très fort taux d’abstention, certes, mais qui, dans une hypothèse de second tour Macron-Le Pen, a de fortes chances de se voir reproduire. Qui, au terme d’un quinquennat aussi catastrophique, sera encore sensible au chantage à l’œuvre en 2017 ? La petite-bourgeoisie « éduquée », les C++ de boboland, sans doute. Mais le gros des troupes ? Ce qui se joue en ce moment n’est donc rien moins que le résultat de l’élection de 2022. Avançons ici un pronostic : si le mouvement actuel est défait, Marine Le Pen dirigera ce pays en 2022. Croisons donc les doigts et faisons en sorte qu’une telle aventure nous soit épargnée. C’est maintenant ou jamais !

 

  1. Moyen-Orient : la politique du pire à l’œuvre

 

Comme dans une série télé, on a appris que le « perruqué » qui préside actuellement aux destinées de l’Empire, Donald Trump, avait choisi de « liquider » par voie de drone le général Qassem Soleimani, chef des Gardiens de la Révolution, héros de l’Iran tant par la place qu’il occupait dans le pouvoir iranien que par la lutte qu’il a menée contre les djihadistes en Irak et en Syrie. Les réactions au Moyen-Orient ont été à la hauteur de l’événement. Des millions de personnes ont accompagné la dépouille funèbre du général tant en Iran, bien sûr, qu’en Irak, en Syrie ou au Liban. Comme on y est maintenant habitué, l’Empire nous a servi une sombre histoire de menaces qu’aurait fait peser le général. Comme pour les AdM en 2002 en Irak… Personne n’est dupe. Tout porte à croire que, dans la guerre larvée que les USA livrent à l’Iran, le Commander in Chief ait décidé de l’assassinat du général au seul motif de l’occasion qui lui en était donnée et en vue des prochaines élections US, façon d’appeler à resserrer les rangs autour de lui face à un ennemi dont ses électeurs peineraient sans doute à situer le pays sur une carte du monde. Bien évidemment, côté iranien, il était hors de question de rester sans réagir. Il fut donc procédé à des tirs de missiles sur des bases américaines en Irak, non sans les avoir prévenues au préalable afin d’en limiter l’impact. Nul ne sait si ces tirs ont eu quelque effet notable, les américains faisant en sorte que rien ne filtre. En tout état de cause, suffisamment faible pour que la menace de Donald Trump en retour de frapper 52 sites iraniens, dont certains « de très haut niveau et très importants pour l'Iran et pour la culture iranienne » n’ait pas à être sérieusement examinée. Résultat politique de l’opération : le pouvoir iranien, plus précisément les défenseurs les plus intransigeants du pouvoir théocratique, alors qu’ils étaient en difficulté sur le terrain social, en grande partie du fait des conséquences de l’embargo US, se voient renforcés et les « modérés » se voient marginalisés. En Iran comme ailleurs, quand le pays est attaqué, on sert les rangs et les critiques sont priés de se taire.

 

Du côté des réactions internationales, alors que cet assassinat est évidemment un acte de guerre, on notera l’embarras des européens et, comme d’habitude, leur lâcheté puisque leur seule réaction a été de demander à l’Iran de ne pas réagir… On imagine la réaction d’Emmanuel Macron si d’aventure un drone iranien dégommait un des plus hauts généraux français… Bref, comme d’habitude, ils sont en dessous de tout dès lors qu’il s’agit de l’Oncle Sam à qui, décidemment, il ne faut surtout pas déplaire même s’il est dirigé par quelqu’un qui, chez nous, serait classé à l’extrême-droite.

 

Hommage des iraniens au général Soleimani

 

Bien évidemment, cet assassinat ne réduira nullement l’influence de l’Iran dans la région. Paradoxalement, et alors que cette influence se voyait contestée dans certains pays comme au Liban avec le Hezbollah, la contestation qui la visait se voit réduite là aussi au silence. On peut ne pas être fan du régime iranien, lui trouver bien des travers, ne pas goûter la théocratie en place depuis la prise de pouvoir des mollahs chiites à Téhéran en 1979, mais ne pas suivre tous ces néoconservateurs dans leurs entreprises guerrières visant à établir la démocratie à coup de bombes. Pas plus qu’à Cuba, en Irak, en Syrie où en Afghanistan les « droits de l’Homme » - fussent-ils mâtinés de « droits des femmes » - au nom desquels ces guerres ont été menées n’ont apporté le moindre progrès. Chaque fois, les pays ont été détruits, la situation des populations s’est aggravée et les seuls bénéficiaires de ces aventures ont été les marchands d’armes. On notera d’ailleurs que Donald Trump vient de demander au Congrès d’abonder le budget militaire du pays de quelques 22 milliards de dollars, le portant à 738 milliards de dollars en 2020. Somme vertigineuse qui, évidemment, n’est pas perdue pour tout le monde… À noter, pour ceux à qui ces chiffres ne parlent guère, que le budget militaire de la Chine est de 178 milliards de dollars, celui de la Russie est de 61 milliards, celui de l’Arabie Saoudite est de 50 milliards et le nôtre de 42. Au total, les dépenses militaires US représentent la moitié des dépenses mondiales du secteur. On notera que si les principaux candidats démocrates appellent à la réduction de ce budget militaire, les représentants de ce parti au Congrès ont néanmoins donné leur aval à l’augmentation de budget demandée par Trump et, ceci, juste après qu’il a réduit drastiquement le budget des coupons alimentaires. Où l’on voit qu’ici comme ailleurs, ce sont les pauvres qui payent la facture.

 

@ suivre…

 



10/01/2020
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