Un vote sans surprise ?
Dimanche 27 novembre 2016
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Sujets traités :
- Sociologie du 1er tour des primaires LR ;
- Quels programmes ?
- Le débat du jeudi 24 novembre ;
- Quand la victoire de François Fillon apparaît à certains comme une divine surprise…
- De l’autre côté de l’Atlantique…
- Fidel Castro est mort.
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1. Sociologie du 1er tour des primaires LR
Il n’est jamais sans intérêt de s’interroger sur qui vote et pour quoi. Et, s’agissant du 1er tour de « la primaire de la droite et du centre » qui s’est déroulée dimanche 20 novembre et avant que ne soit connu le résultat du 2ème tour, rappelons que c’est environ 10 % du corps électoral qui s’est exprimé ce jour-là – et non le pays tout entier, comme certains ont tenté de la faire accroire par leurs commentaires ou présentations trompeuses – et que ces 10 % là sont très loin d’être « un échantillon représentatif » des Français. Il suffit pour s’en convaincre d’aller chercher quelques études, en particulier celle demandée par BFMTV à l’institut ELABE réalisée le jour du vote (auprès d’un échantillon de 8002 personnes dont ont été extraites 1892 personnes ayant effectivement voté à la primaire). L’intégralité de l’enquête peut être consultée ici. Cette enquête a un double mérite : rappeler les marges d’erreur (l’intervalle de confiance à 95 %, comme on dit en statistiques) et, en regard de chaque résultat, la réalité de l’ensemble du pays sur une base INSEE qui, elle, ne souffre guère contestation.
Qui est allé voter à cette primaire et pour quoi ?
1. À l’inverse de la composition du corps électoral du pays, des hommes et des “vieux” (plus de 65 ans) :
On notera que, et cela peut sembler contradictoire avec le résultat, s’agissant du vote selon le sexe, 62% des électeurs de François Fillon sont des femmes quand elles ne sont que 37 % pour Alain Juppé.
2. Si l’on regarde maintenant l’activité professionnelle, là encore, le hiatus est évident : les classes dites « moyennes ou supérieures » sont surreprésentées à l’inverse des « classes populaires » et, surtout – mais ceci est évidemment corrélé avec ce qui est dit plus haut de l’âge de ces électeurs – les retraités écrasent le scrutin (43 % !).
En d’autres termes, et pour résumer à ce stade, ce sont de vieux “bourgeois” inactifs qui vont dicter à de jeunes actifs les réformes qu’il convient de faire tant en termes de temps de travail que de contrat de travail ! Si d’aventure François Fillon devait se retrouver à la tête de l’État en juin prochain, il ne faudrait pas s’étonner que les réformes libérales qu’il entend faire passent mal…
3. Au rayon des croyances, ce que l’on subodorait se confirme : ce sont bien les catholiques qui sont à la manœuvre. Mais, surprise peut-être, ils sont plus nombreux à se déclarer tels chez les votants d’Alain Juppé (76 %) que chez François Fillon (68 %). Pour autant, ce ne sont peut-être pas exactement les mêmes. On sait que François Fillon a largement été aidé par l’avatar de « La manif pour tous » rebaptisé « Sens commun » et sa blogosphère très active sur les « réseaux sociaux ». En d’autres termes, le vote « catho » a très probablement été plus moteur dans le vote Fillon que dans le vote Juppé. Les campagnes « nauséabondes » dont Alain Juppé s’est dit être victime ne sont sans doute pas étrangères à cette réalité.
4. S’agissant de la préférence partisane des électeurs, la question était de savoir si les électeurs dits « de gauche » iraient perturber le scrutin. Il est difficile d’être formel en la matière car, symétriquement, se sont glissés en proportion équivalente des électeurs FN, ce petit monde n’ayant pas forcément les mêmes raisons d’aller voter. On peut se demander si, par exemple, les électeurs de gauche ne sont pas allés soutenir plus volontiers Alain Juppé afin d’éliminer Sarkozy et dans un environnement sondagier qui faisait de Juppé le favori tandis que les électeurs FN seraient aller voter Fillon en raison de ses positions sociétales sur le mariage homosexuel, l’adoption, etc. autrement dit relevant davantage de la ligne Marion que de la ligne Marine…
On notera au passage que si l’on agrège UDI-Modem, on arrive à 14 %, autrement dit le même poids que le FN ou la « gauche ». Ceci explique sans doute en partie la déconvenue d’Alain Juppé qui pensait que cet électorat pèserait davantage en sa faveur suite au ralliement de l’UDI et à l’évident soutien dont il bénéficiait de la part de François Bayrou. Petite remarque en passant : il est quand même quelque peu consternant d’entendre un « politologue », accessoirement chargé de cours à l’IEP de Paris, dire tout de go lors du « téléphone sonne » de France inter de ce vendredi que « 15 % des électeurs de gauche ont voté à la primaire », confondant, donc, derechef et sans sourciller, les 4 millions d’électeurs de ce 1er tour avec l’ensemble des français. Et dire que ce sont ces gens-là qui forment nos « élites »…
Une hypothèse se fait jour, hypothèse qui mériterait d’être regardée de plus près : les électeurs de ce 1er tour des primaires venant de la gauche ou du FN ont évidemment, pour beaucoup, fait un choix « stratégique » ayant en commun de vouloir éliminer Sarkozy, par détestation bien comprise pour ceux de gauche, par crainte de le voir à nouveau siphonner les voix du FN pour les autres. Dans ce contexte, vu la quasi certitude affichée par les sondages de voir Alain Juppé passer le premier tour, il convenait dès lors, pour éliminer Sarkozy, de faire porter sa voix sur François Fillon. D’où le score de François Fillon. Amusant, non ?
Néanmoins, un sondage Harris-Interactive réalisé pour LCP-Public Sénat consultable ici contredit cette hypothèse. En effet, 6 % des voix de François Fillon viendraient de la gauche, soit 2,64 points, et 10 % viendrait d’électeurs FN, soit 4,4 points. Au total, donc, 7 points des 44 qu’il a obtenus. Et même si l’on y ajoute les 15 % des « Sans préférence partisane », cela fait 6,6 points de plus pour un total, donc, de 13,6 pts, largement inférieur à l’écart qui sépare Fillon de Sarkozy.
Au passage, on peut légitimement s’étonner qu’Alain Juppé n’ait obtenu que 25 % du vote centriste UDI-Modem… Tant d’efforts pour un si faible résultat…
Pour autant et s’agissant du vote de défiance à l‘égard de Nicolas Sarkozy, ce fut bien un moteur du résultat final puisqu’il apparaît, au vu de ce même sondage, que 42 % des électeurs expliquent leur vote ainsi, même si, sans doute, ce ne fut pas là la cause unique de leur vote. Et, donc, cela interroge la solidité du vote des deux finalistes car maintenant que NS est éliminé, quel choix vont-ils faire ? Les électeurs de NS vont-ils suivre la consigne et dans quelle proportion ? C’est sans nul doute l’une des raisons qui poussent les supporters d’Alain Juppé à y croire encore… Même si, au vu de l’écart entre les deux au premier tour et des ralliements enregistrés par François Fillon, la probabilité d’une inversion de tendance paraît faible.
Enfin, et c’est sans doute de moindre importance, 31 % des électeurs de cette primaire ont choisi dans les trois derniers jours, autrement dit après le débat télévisé. À noter que s’agissant du vote Fillon, ce taux monte à 53 % tandis que pour Juppé, ils ne sont que 16 % dans ce cas. Et, s’agissant des débats télévisés, ce sont deux électeurs sur trois qui ont suivi le dernier débat, celui du 17 novembre sur France 2 ou Europe 1. Loin de la « campagne de terrain » dont il se prévaut, ce débat a pesé lourd dans la victoire de François Fillon puisque ce sont 43 % de ses électeurs qui déclarent avoir changé leur vote à la suite de ce débat (quand ils ne sont que 4 % à l’avoir fait chez Alain Juppé). Bien évidemment, il ne s’agit pas de dire ici qu’un illustre inconnu ayant fait la même chose ce soir-là eut obtenu le même résultat. François Fillon, est-il besoin de le préciser, n’est pas un inconnu. N’ayant jamais eu la moindre activité professionnelle, c’est un « politique » à 100 % et on peut penser qu’une bonne part des électeurs de cette primaire ont préféré l’image de « jeune homme sérieux » (62 ans) qu’il a à celle du bling-bling et des casseroles judiciaires d’un Sarkozy. Pour plus de détails, voir ici.
2. Quels programmes ?
En préambule, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que le même sondage dont il est fait état ci-dessus a tenté de faire la part entre « programme » et « personnalité » du candidat :
Et, donc, s’agissant du programme des candidats, chacun s’accorde à penser que le rayon « libéral » est commun, sans doute plus accentué dans le cas de Fillon que de Juppé, mais davantage sur la méthode que sur le fond. En gros, Fillon serait plus brutal tandis que celui qui est connu pour être « droit dans ses bottes » serait plus soft, plus habile, le souvenir de 95 à n’en pas douter…
En commun, clairement, des suppressions massives d’emplois dans la Fonction publique et une « politique de l’offre », entendez des cadeaux au patronat via des réductions de « charges » massives. Autrement dit, l’accentuation de la politique de François Hollande. Ces politiques auront, on le sait, ils le savent, des effets récessifs certains ce qui les amène à remettre à des jours meilleurs l’objectif des 3 % de déficits publics des traités européens. Sans doute, cela ne plaira-t-il pas à la Commission européenne et à celle qui donne le la en ce domaine, à savoir l’Allemagne, mais les impétrants font le pari qu’une fois encore, l’Europe voudra bien fermer les yeux sur cette incartade au motif que, cette fois, c’est pour la « bonne cause », à savoir la réduction du périmètre de l’État, la remise en cause du pacte social issu de la Résistance.
Dans le détail : tous deux entendent…
- supprimer l’ISF qui concerne 1,7 % des contribuables ;
- augmenter la TVA (actuellement de 20 %), d’un point pour Juppé et de deux points pour Fillon ;
- réduire l’impôt sur les bénéfices des sociétés qui concerne 1/3 des entreprises, François Fillon souhaitant le passer de 33,3 à 23 % ;
- passer à 65 ans, au lieu de 62 actuellement, l’âge légal de départ à la retraite (autrement dit à 70 ans l’âge de départ sans décote !) ;
- réformer le statut des fonctionnaires (5 millions de personnes aujourd’hui) ;
- supprimer des postes dans la Fonction publique, 500 000 pour FF vs 300 000 pour AJ ;
- réduire le « train de vie » de l’État en économisant 100 milliards ;
- augmenter la durée légale de travail – actuellement de 35 h et qui est, de fait, le seuil de déclenchement des heures supplémentaires – dans la Fonction publique et dans le secteur privé ;
- faciliter les licenciements ;
- réformer le code du travail et augmenter les « seuils sociaux », François Fillon ne souhaitant garder de ce code que ce qui concerne les normes sociales fondamentales (150 pages actuellement) et renvoyant le reste (3400 pages, dont la plupart relèvent de la jurisprudence) à la négociation dans l’entreprise ou dans les branches, le référendum d’entreprise étant requis en cas d’impossibilité d’obtenir un accord ;
- réformer par ordonnance, ce qui évite de longs débats au Parlement ainsi qu’on l’a vu avec la loi El Khomri et, par conséquent, a le mérite, à leurs yeux, de squeezer la contestation potentielle des salariés et de leurs syndicats.
La liste n’est pas exhaustive, hélas, mais comme on peut le voir, la différence est maigre entre les deux finalistes et on a envie de dire « n’en jetez plus »… Et ce ne sont pas les maigres augmentations « au mérite » promises aux fonctionnaires qui viendront contrebalancer le désastre annoncé. Les policiers qui manifestaient il y a peu rappelaient en effet que le « mérite » avait surtout bénéficié aux chefs, aux commissaires. Les fonctionnaires se souviennent en effet que, durant la mandature Sarkozy (avec Fillon comme seul 1er ministre), les mêmes promesses leur avaient été faites en échange du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et que cela s’était traduit par le gel du point d’indice en 2010, gel que les socialistes au pouvoir ont ensuite prolongé jusqu’à juillet 2016…
La droite, qu’elle soit « juppéiste » ou « filloniste », a fait une croix sur cette part du salariat. Sa « clientèle » est ailleurs, elle cultive la division entre fonctionnaires réputés fainéants, en surnombre et jouissant de « privilèges » et entrepreneurs, les seuls à produire de la valeur et, donc, les seuls à en avoir.
Ce discours, évidemment, passe très bien auprès du « cœur de cible » (voir analyse sociologique du chapitre précédent) mais aussi auprès d’une population salariée fragilisée qui peut trouver là et à bon compte un dérivatif salutaire. L’État leur fait défaut, l’État les abandonne, haro sur ceux qui le servent !
3. Le débat du jeudi 24 novembre
Une purge, un clystère pour un spectateur dont la sensibilité, on l’aura compris, ne se situe pas exactement dans la mouvance « de la droite et du centre »…
Alain Juppé, au soir du premier tour, se devait de changer de stratégie. Le favori des sondages l’avait joué « au-dessus de la mêlée », assuré alors, au vu de sondages flatteurs, de remporter la mise. Et puis, patatras, il se retrouve largement devancé par Alain Fillon en ce dimanche 20 au soir avec 16 points de retard, un François Fillon à 44 % et il lui faut « renverser la table », d’autant que son ennemi juré, Nicolas Sarkozy (21 %), ne l’a pas ménagé en déclarant le soir même voter pour Alain Fillon, c’est-à-dire, en fait, appelant ses électeurs à voter pour ce dernier. Si l’on ajoute à cela que seule NKM avec ses maigres 3 % se rallie à lui, l’affaire semble pliée dimanche prochain. Seul espoir – mais est-ce bien réaliste ? – la bascule en faveur de Fillon s’est majoritairement faite dans les trois jours qui ont précédé le vote, autrement dit après le débat télévisé. Mais comment obtenir un tel résultat ? Il ne peut espérer le faire qu’en mettant en évidence les différences sur :
- la « radicalité » du programme économique de François Fillon et la difficulté à le faire accepter avec le risque de voir le pays bloqué par des mouvements sociaux d’ampleur ;
- les positions de François Fillon sur le « sociétal » (avortement, mariage gay, PMA, GPA, etc.) ;
- le ralliement de Nicolas Sarkozy et de son équipe à François Fillon avec l’espoir de motiver les électeurs « de gauche » en sa faveur ;
- la difficulté pour Fillon de faire l’unité la plus large à la présidentielle face à Marine Le Pen ;
- la proximité affichée de François Fillon avec Vladimir Poutine réputé peu populaire dans ce pays.
Ces « différences » ont déjà été soulignées les jours précédents par Alain Juppé et ses soutiens au point que certains amis de François Fillon ont crû nécessaire de crier « halte au feu ! », François Fillon se croyant obligé d’expliquer qu’il n’était pas dans ses intentions de revenir sur la loi Veil ou encore de préciser que la réduction prévue des effectifs de la Fonction publique ne ferait que ramener le pays à l’état dans lequel il était dans les années 2000, le pays n’étant pas alors suspecté d’être sous-administré… À quoi Alain Juppé répondit « qu’il ne fallait pas jouer les chochottes »…
8,5 millions d’auditeurs ou téléspectateurs ont suivi le débat pour tout ou partie. Nombreux étaient ceux d’entre eux qui s’attendaient à ce que cela saignât un peu… Les amateurs du genre furent déçus. Tout juste quelques petites piques entre gens de bonne compagnie, à fleuret moucheté, comme on dit. Un débat de technocrates, d’accord à peu près sur tout sauf, comme on l’a dit, sur la méthode ou le rythme. En clair, avec un peu de vaseline ou pas du tout. Tout ou presque y passa, la politique étrangère, seul clivage un peu consistant, occupa sept minutes d’un débat qui dura un peu moins de deux heures, les deux candidats sachant trop bien que l’élection ne se joue pas sur la politique étrangère. Les médecins libéraux eurent leur heure de gloire. Haro sur l’hôpital public ! En gros, il faudrait faire en sorte que les nouveaux médecins aillent s’installer dans les endroits où il en manque cruellement mais, ce, sans toucher, bien sûr, à la sacrosainte liberté de s’installer de la médecine libérale. Quand, en outre, on sait la difficulté d’attirer à l’hôpital public les dits médecins, on se pince… Mais, clientèle oblige, nos humanistes médecins votent à droite, alors… S’agissant de la santé des français, François Fillon fait très fort : sans doute conscient que les baisses de charges qu’il donnera aux entreprises aggraveront le déficit de la Sécurité sociale, il prévoit de concentrer les remboursements de celle-ci sur les seules maladies graves. À charge aux usagers, s’agissant du reste, de se couvrir via mutuelles ou assurances privées ! Outre que l’on sait que cela fera des ravages dans les populations fragilisées, outre que l’on sait que cela reviendra beaucoup plus cher à l’arrivée avec une augmentation des maladies graves de gens qui ne se seront pas fait soigner faute de couverture, il est quand même consternant de penser que cette population vieillissante qui a participé à la primaire, cette population qui va coûter extrêmement cher à la Sécurité sociale dans un proche avenir, cette population globalement aisée se propose de mettre à la tête de l’État quelqu’un qui propose d’arrêter de soigner des pans entiers de la population ! Quelle honte !
Sur le reste, on eut confirmation de ce que les deux candidats entendaient frapper fort d’entrée, autrement dit de gouverner par ordonnances – ainsi que le permet cette délicieuse Ve République – durant les deux ou trois premiers mois afin que les salariés et leurs organisations syndicales, en vacances, soient incapables de s’y opposer. François Fillon propose, en outre, de passer par la voie référendaire pour inscrire dans la constitution « l’égalité des régimes sociaux » – il faut sans doute là comprendre la fin du régime de retraite des fonctionnaires – et, accessoirement, la diminution du nombre de parlementaires. Sur les suppressions de postes dans la Fonction publique, accord sur l’essentiel, Alain Juppé expliquant que le plan Fillon de suppression de 500 000 postes sur le quinquennat revenant à ne recruter personne durant cette période, cela ne se pourrait pas. Accord également sur l’augmentation de la durée du travail, Alain Juppé allant même jusqu’à user de l’argument fallacieux selon lequel les français travaillent moins (les Allemands, exemple à suivre s’il en est pour ces gens-là, travaillent en moyenne 32,5 h/semaine). Et ce fut sur ce mode deux heures durant… Une purge, un clystère, vous dis-je…
Pour ceux et celles qui veulent revoir ce grand moment, c’est ici.
4. Quand la victoire de François Fillon apparaît à certains comme une divine surprise…
On sait que du côté du PS et plus particulièrement de l’Élysée, on rêvait d’une victoire de Nicolas Sarkozy. Au lendemain du 1er tour des primaires LR, le rêve s’étant évanoui, on se reprend à en nourrir d’autres avec la victoire probable de Fillon. Il se dit que le programme thatchérien de Fillon est pain bénit, si l’on ose dire s’agissant de ce candidat réputé catho grand teint… En effet, pense-t-on, quoi de plus mobilisateur pour un électeur de gauche que de voir sortir vainqueur un candidat « traditionnaliste » sur les mœurs et néo-libéral sur le social. Même si, sur ce terrain, le quinquennat en a déçu plus d’un, en particulier chez les fonctionnaires, les CSP-, la radicalité du programme économique de Fillon aurait vocation à ne faire apparaître la « politique de l’offre » menée durant tout le quinquennat que comme une plaisanterie, un péché véniel… Et, sur le terrain « sociétal », n’a-t-on pas fait « le mariage pour tous », mère de toutes les batailles pour la boboïtude chérie…
En foi de quoi, il se murmure mezza voce que François Hollande annoncera sa candidature sous peu – le 1er décembre selon certains –, obligeant la gauche du PS ou réputée telle (Montebourg, Lienemann, etc.) à jouer le jeu de la primaire en en acceptant le résultat mais aussi Manuel Valls à rentrer dans le rang et attendre cinq ans de plus.
Le même raisonnement vaut d’ailleurs pour Emmanuel Macron, désormais candidat affiché, de croire qu’avec Fillon et son programme seraient facilement oubliées les turpitudes sociales dont il est largement coresponsable et voir s’ouvrir un espace politique au centre.
Petits calculs, comme d’habitude, pour la chronique d’un échec annoncé. Après un quinquennat placé sous la seule direction de la droite du PS, sans la moindre ouverture au centre, se mettant à dos chaque jour un peu plus la gauche, les couches populaires, autrement dit se refusant à faire de la politique, l’échec est garantit. Le risque, pour eux, dès lors, est en effet, non seulement de se voir durement sanctionnés mais de se voir dépassés par le seul à même de rallier « le peuple de gauche », à savoir Jean-Luc Mélenchon qui pourrait être alors le bénéficiaire du « vote utile ». Pourquoi un électeur « de gauche », sensible, c’est selon, à la défense des conquêtes sociales, aux réformes sociétales, à l’écologie, etc. irait-il remettre un bulletin PS – quel que fut le candidat que celui-ci se sera donné – et subir peu ou prou la même politique que celle contre laquelle il a pesté cinq année durant ? On avait déjà été très étonné en 2002 de voir Lionel Jospin se mettre à dos une bonne partie de la gauche, en particulier les chevènementistes, sponsorisant de surcroît la candidature de Christine Taubira via les parrainages qu’elle eut été incapable de trouver sans eux. On connaît le résultat : ce fut le 21 avril avec Le Pen père éliminant Jospin. Manifestement, ces gens-là n’apprennent rien, enfermés qu’ils sont dans leurs certitudes libérales, méprisant tout avis contraire, ne sachant faire aucun compromis, insultant l’avenir avec méthode et constance. Le quinquennat de François Hollande fut de cette veine et les fruits risquent fort d’être de la même aigreur…
S’agissant de la « gauche », on apprend ce samedi que les radicaux de gauche ont décidé de présenter une candidate, Sylvia Pinel et, donc, de ne pas participer à la primaire du PS. Plus que le score immense que cette candidate fera, c’est là un revers pour la « belle alliance populaire » de Jean-Christophe Cambadélis car on voit mal, dès lors, avec en outre un Emmanuel Macron candidat, comment le sortant de cette primaire pourrait être considéré comme « le » candidat de la gauche, comme autre chose que le candidat du seul PS. Par ailleurs, que la pseudo-gauche – PS, Radicaux de gauche, écologistes gouvernementaux, Emmanuel Macron – se retrouve ainsi divisée peut renforcer l’effet « vote utile » au 1er tour des présidentielles en faveur de Jean-Luc Mélenchon…
Sans doute êtes-vous de ceux qui ignorent qui est l’immense Sylvia Pinel, députée « cassoulet » et ex ministre du Logement ayant dû céder la place à Emmanuelle Cosse lors du dernier remaniement… Dites-vous que vous vous n’êtes pas seul en ce cas. Pour en savoir plus sur cette candidate, c’est ici.
Du côté de la gauche, la vraie, si l’on ose dire, les choses bougent et plutôt dans le bon sens. Les adhérents du PC étaient appelés entre jeudi et samedi midi dernier à choisir entre deux options : soutenir Jean-Luc Mélenchon vs présenter une candidature du parti. On sait que le Conseil national du parti s’était porté majoritairement à 57 % des voix en faveur de la seconde option. Les adhérents ont tranché en sens inverse, à 53,6 % avec un taux de participation de 72 %. Comme quoi, il ne faut pas toujours désespérer… De fait, une des conséquences de ce vote, outre l’absence d’une candidature PC « pur jus » qui eut privé JLM d’un ou deux points, est que cela va permettre de lever l’hypothèque des 500 signatures de « grands électeurs » indispensables à tout candidat et créer une dynamique supplémentaire légitimant la candidature de JLM dans le « peuple de gauche ». Ce n’est pas rien en ces temps troublés…
5. De l’autre côté de l’Atlantique… chez Donald.
Donald Trump a gagné, on le sait. Pour autant, et à ce jour, on compte encore les voix ! Dans l’État réputé être le plus puissant du monde, le plus grand, le plus fort, le plus moderne, trois semaines ne suffisent pas à décompter les suffrages ! Ça laisse rêveur… Et, donc, pour ce que l’on en sait aujourd’hui, Hilary Clinton aurait obtenu plus de deux millions de voix de plus que Donald Trump ! Un record ! Et, bien sûr, dans le camp démocrate, le fait ne passe pas inaperçu. Passons sur ces sympathiques manifestants qui, sur la base de cette réalité, affichent « Not my président ». La Constitution de ce côté de l’Atlantique est un texte fondateur intangible. En d’autres termes, qu’elle puisse donner un résultat à ce point peu conforme au réel importe peu. Dura lex, sed lex…
Au passage, on apprend ce vendredi 25 qu’une des explications possibles à la défaire d’Hillary serait à chercher dans une fraude visant les machines de vote électronique, en particulier dans le Wisconsin où, bizarrement, là où étaient en place ces machines, Hillary a eu, en moyenne, 7 points de moins que là où l’on votait « à l’ancienne ». De quoi, selon les spécialistes, faire basculer les résultats dans cet État. Les mauvaises langues suspectent la main de Moscou… (pour plus de détails, voir ici)
Quelle que soit l’issue de cette péripétie, nombre d’adhérents du parti démocrate s’interrogent. Les soutiens à Bernie Sanders sont en effet convaincus que, contrairement à Hillary Clinton, leur favori eut pu gagner dans les « swing states », Ohio, Wisconsin, Michigan, etc., ces États de la « rust belt » qui ont tant fait défaut à Hillary.
Est-il besoin de rappeler à ce propos que les sondages, avant la convention démocrate, le donnaient vainqueur contre Trump avec bien plus de points que sa concurrente. Celui de NBC News/Wall Street Journal du 15 mai lui donnait 15 points d'avance face au républicain, contre seulement trois pour Clinton. Douze jours plus tôt, il en comptait 13 de mieux que le milliardaire dans l'étude publiée par CBS News/ New York Times, contre six pour elle.
Ressurgissent donc au sein du parti les tricheries et autres vilenies de la direction du parti à l’endroit de Bernie Sanders qui aboutirent à ce qu’il n’obtint pas l’investiture et, comme on le sait, que le parti perdit la présidence sans regagner ni le Sénat, ni la Chambre des représentants.
L’histoire n’est pas sans rappeler ce qui se passe depuis plusieurs mois au sein du « Labor Party » britannique où l’on vit il y a peu les députés du parti tenter un putsch contre le leader honni d’eux, Jeremy Corbyn. De profil comparable à celui de Bernie Sanders, lui a obtenu du vote direct des adhérents d’en être le chef avec, en septembre dernier, 61,8 % des suffrages contre Owen Smith, candidat des hiérarques. Au parti démocrate américain, une telle procédure n’existe pas. Il sera donc intéressant de s’intéresser à qui va prendre la tête du parti. Bernie Sanders, avec ses 75 printemps, semble hors course mais des noms circulent et, par delà les noms, la question essentielle est de savoir sur quelle ligne politique (voir ici). Il est toutefois hélas à craindre que, comme de ce côté de l’Atlantique, les caciques du parti ne se choisissent un démocrate « modéré », autrement dit incapable de reconquérir les voix de tous ces exclus de la « rust belt », ces voix populaires dont le parti démocrate, comme le parti travailliste ou le PS, se sont détournés depuis si longtemps avec une politique entièrement au service des puissants.
S’agissant du vainqueur, Donald Trump, tout laisse à penser que nombre des points extrêmement controversés de sa campagne seront mis sous le boisseau. Le renvoi de 10 millions de latinos, mexicains pour beaucoup, est déjà revu à la baisse avec un chiffre de trois millions voisin du nombre d’expulsions opérées sous la mandature Obama. Le mur destiné à séparer USA et Mexique va se limiter à quelques chevaux de frise supplémentaires et, bien sûr, il n’est plus question de le faire payer par le Mexique… On a envie, à ce stade, de dire « etc. ». Va-t-il, comme il l’a promis à ses électeurs, faire de l’isolationnisme en rétablissant les barrières douanières ? Il est d’ores et déjà question de remettre en cause l’ALENA via l’article 2205 du traité. Le Mexique et le Canada, cosignataires de ce traité, s’y sont déclarés prêts mais dans des limites qui ne semblent pas relever de ce que Trump avait déclaré vouloir souhaiter à ce sujet, à savoir d'imposer des tarifs pouvant empêcher des constructeurs automobiles de fabriquer au Canada des voitures destinées au marché américain. Une chose est sure, dans un tel contexte, le TIPP (accord de libre échange avec l’Europe) qui était déjà bien mal en point sera, à coup sûr, remis à des jours meilleurs, le comble étant, pour nous, qu’il faille remercier Trump de cela et non nos eurocrates de la Commission…
6. Fidel Castro est mort.
On le savait peu en forme, certains l’avaient même enterré avant l’heure lors de sa maladie, ses apparitions publiques se raréfiaient, son frère Raoul lui avait déjà succédé et, avec l’entregent de quelques autorités religieuses, l’embargo fut pour partie levé. Fidel Castro, donc, est mort ce 25 novembre. On ne va pas refaire ici l’histoire de ce « règne », histoire connue et controversée de celui qui aura su dire non à l’impérialisme américain à une époque de « guerre froide » où les USA considéraient l’Amérique latine comme relevant de son pré-carré pour le plus grand bénéfice de ses multinationales. On se contentera d’observer que, lorsque Castro prit le pouvoir, il n’était en rien communiste et ne souhaitait rien moins que de permettre à son pays de vivre en bonne intelligence avec son puissant voisin, sans que celui ne décide pour autant de son sort comme il avait coutume de le faire dans l’ensemble de son « pré-carré ». C’était beaucoup trop aux yeux des gouvernements américains, Kennedy compris, et ils firent tout pour lui faire rendre gorge, y compris par de multiples tentatives d’assassinat qui toutes ont échoué. Mais, ce faisant, ils ont précipité Cuba dans les bras de l’URSS, seul contrepoids véritable à la puissance de l’Empire. On sait ce qu’il en advint, obligé de s’appuyer sur l’URSS, le petit pays des Caraïbes ne put dès lors, pour survivre, que faire dans le « socialisme tropical » avec pour corollaire le bâillonnement et la répression de toute opposition. Cette réalité contrastée est bien sûr aujourd’hui la seule chose que nos media mainstream retiennent. La mort de Fidel Castro est pour eux l’occasion de marquer une fois encore leur allégeance la plus crade à l’Empire au prix de l’occultation de ce que tout le régime cubain aura apporté à sa population, éducation et santé de haut niveau dont nombre d’Étasuniens rêvent encore. Il suffit pour relativiser cette propagande de regarder et de comparer, à puissance économique égale et sans embargo, ce qu’ont fait l’ensemble des États comparables dans la même période et se convaincre que, s’il est vrai que le régime castriste ne fut pas sans défaut, il fut néanmoins toujours soucieux de donner à sa population le minimum qui lui est et a été refusé partout ailleurs. Que ce soient les États d’Amérique centrale ou, plus près, les États de la Caraïbe – St Domingue ou, pire encore, Haïti – tout plaide en faveur de Cuba. Ajoutons qu’on ne connaît aucun État du monde qui, quel que soient ses travers, eut à subir plus de soixante années d’un embargo aussi strict. Les Cubains savent ce qu’ils ont perdu – la dictature de Batista et leur pays transformé en bordel des USA – et savent ce qu’ils ont conquis et préservé : leur indépendance et leur fierté. Ce bilan mitigé, nos media se refusent à le dresser, n’ayant de cesse de donner la parole à ces exilés haineux qui ont fait de l’anticastrisme leur moyen de subsistance. Leur partialité et leur soumission les jugent, en ce domaine comme en d’autres.
@ suivre…
P.S. : elle est pas mignonne, cette couv’-là ?
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