Les caves se rebiffent…
Dimanche 23 octobre 2016
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Sujets abordés :
1. Manifestations policières ;
2. Moyen-Orient ;
3. CETA : le grain de sable wallon ;
4. À “gauche”… et à droite
5. À gauche : le programme de Jean-Luc Mélenchon.
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1. « Nuit debout » des policiers
Les manifestations de policiers se multiplient. D’abord circonscrites à la région parisienne, elles s’étendent à la province et semblent échapper à tout contrôle. On a toujours de bonnes raisons de se méfier des révoltes des « corps habillés », fussent-ils, comme c’est le cas ici, parfois sans uniforme. Il est toujours inquiétant, et d’abord pour le pouvoir civil à qui ils sont censés obéir, de voir ceux qui sont en charge du « maintien de l’ordre » manifester illégalement, défiler nuitamment sur les Champs Élysées ou ailleurs. Et, donc, voir ainsi des centaines de « flics » désobéir, s’affranchir de leur « devoir de réserve » n’est évidemment pas innocent. Qu’en outre, tout ce mouvement échappe aux syndicats que l’on sait puissants dans la profession ne laisse pas d’inquiéter le pouvoir. Dans l’incapacité qu’il est de répondre aux revendications de ces policiers, sachant en outre que ceux qui manifestent risquent fort de n’être que la partie émergée de l’iceberg, le pouvoir réputé être « de gauche autoritaire » avec Manuel Valls, qui se veut être le Clémenceau moderne, n’en peut mais. Les coups de menton n’impressionnent plus guère ces policiers qui, pour beaucoup, ont rêvé de servir le bien public et voient jour après jour ce rêve devenir cauchemar, devant faire face à une délinquance qui n’a plus peur d’eux, faisant face à un dramatique manque de moyens tant matériels qu’humains, assurés en outre d’avoir la hiérarchie contre eux à chaque occasion. La Police est malade, les suicides dans la police – avec l’arme de service – se multiplient, les tâches s’accumulent et les effectifs manquent. L’État d’urgence en place depuis presqu’un an n’arrange évidemment rien. Quand, sur ce fond délétère qui dure depuis tant d’années, survient la tentative d’assassinat de quatre d’entre eux, trop c’est trop ! Ras le bol ! Et un simple SMS suffit à en faire défiler quelques centaines avec leurs voitures de service…
Le pouvoir, aux abois, y va alors de son couplet complotiste. Ainsi a-t-on pu entendre Jean-Christophe Cambadélis – Camba pour les intimes – dénoncer « la patte de l’extrême-droite » derrière les manifestations de policiers. L’extrême-droite, de son côté, nie toute implication et joue sa partition avec un Florian Filippot qui tweete « Pas de “patte” mais un soutien sans faille, face à un pouvoir qui a manifestement de la haine pour la police » et la droite qui sait trop bien qu’elle est aussi coupable que le pouvoir socialiste dans le malaise policier, fait service minimum et tacle le gouvernement.
Alors, bien sûr, à gauche de la gauche, où on n’a pas vraiment la culture de « l’ordre », on ne sait comment prendre tout ça, on est évidemment plus à l’aise avec le soutien aux Goodyear ou les manifestations contre la loi travail qu’avec les manifestations de policiers. Disons-le, c’est bien dommage ! S’il est vrai que le pouvoir a fait jouer un rôle bien trouble aux policiers durant les manifestations du printemps, s’il est vrai que certains policiers n’honorent pas leur métier avec certains des actes que l’on a pu alors voir sur les réseaux sociaux – les media « officiels » se gardant bien de les diffuser – il reste que laisser à la « gauche de droite » d’un Manuel Valls ou Malek Boutih ou à la droite voire l’extrême-droite le soin de parler de l’ordre, de la sécurité et de ceux qui sont en charge de l’assurer est un bien mauvais calcul politique. Ces hommes et ces femmes, les policiers, ont un métier des plus difficiles. Chargés de « nettoyer les écuries d’Augias », confrontés à ce que la société produit de plus dégradant, de plus violent, ils ne peuvent en sortir indemnes sans le soutien de la population qu’ils ont en charge de protéger et avec un lien fort avec elle. Ce lien, les événements du Bataclan en février dernier l’avaient considérablement renforcé. Les manifestations contre la loi El Khomri et la gestion imbécile et provocatrice de celles-ci par le pouvoir l’ont défait. Un film, peu récent au demeurant (1992), montre bien les difficultés auxquelles ces fonctionnaires sont confrontés, un film réalisé par quelqu’un qui est peu suspect d’amitiés extrême-droitières, Bertrand Tavernier. C’est, bien sûr, de L627 qu’il s’agit, un film que nous devrions revoir pour mieux comprendre. D’autant, chacun le sait, que la situation s’est, depuis, fortement dégradée dans les commissariats. La « politique du chiffre » largement promue sous Nicolas Sarkozy se poursuit, dans les faits, via la quantification permanente de chaque acte, la remontée mensuelle des « indicateurs », les primes « au mérite » qui conduit chaque officier à faire pression sur ses subordonnés pour que montent les statistiques, quel qu’en soit le prix. De ce point de vue, on notera que cette « maladie gestionnaire » ne frappe pas seulement la police. Le new-management frappe à toutes les portes : Éducation nationale, Hôpitaux publics, La Poste, etc. Et, partout, une hiérarchie de moins en moins en contact avec le métier de ses subordonnés qui ne se retrouvent plus dans la façon dont on leur demande de faire leur métier. Partout, c’est la remise en cause du métier des acteurs de terrain qui sévit. L’aigreur générée est dramatique et il n’est dès lors pas très étonnant de voir ici et là la « cocotte minute » exploser. Jean-Luc Mélenchon a fort opportunément réagi sur sa chaîne Youtube. Rien à voir, fort heureusement, avec la haine du flic qui caractérise si souvent l’extrême-gauche. Un propos « républicain », juste et fort, que le lecteur pourra retrouver ici.
2. Moyen-Orient
Nous avions noté la semaine dernière le grand désappointement de nos media mainstream lorsque l’académie suédoise avait attribué le prix Nobel de la Paix au président colombien au lieu et place de leur favori du jour, les « casques blancs » qui officient à Alep. Un conseil : voyez cette interview de Vanessa Beeley, journaliste d’investigation anglaise, fille d’ambassadeur de la couronne, qui, rétrospectivement, nous rassure sur le choix fait. On l’a échappé belle… Vous trouverez ici cette interview sous-titrée en français. Au passage, elle nous éclaire sur la partition Est-Ouest d’Alep et l’usage que fait Al Nosra, franchisée d’Al Qaïda, de ce qui reste des trois hôpitaux de cette partie de la ville qu’elle contrôle. On comprend mieux à l’issue qu’ils fussent bombardés tant il semble vrai qu’ils n’ont plus d’hôpitaux que le nom qu’ils portaient du temps de la paix et qu’ils ont été depuis lors transformés en abris pour snippers djihadistes.
Du côté irakien, l’offensive sur Mossoul a commencé sans que l’on puisse prévoir le temps qu’elle prendra pour parvenir à reconquérir la ville et sans que l’on sache ce qu’il adviendra ensuite. C’est bien sûr là un point capital puisque l’unité des conquérants ne va pas du tout de soi et la place qui sera laissée aux sunnites à l’issue est une question centrale. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, si les vainqueurs n’obligent pas au compromis entre sunnites et chiites, cette victoire n’aura servi à rien et Daesh renaîtra. On sait combien la destruction systématique de l’armée de Saddam et la mise à l’écart de tous ceux qui l’ont servi a constitué la base de Daesh. Laisser une porte de sortie aux vaincus avait toujours servi de règle d’or comme étant le plus sûr moyen de faire la paix. Ce fut là une première, ce fut là sans le moindre doute la grande faute de l’administration américaine sous influence néo-cons, qui, non contente de justifier sa guerre sur un faux motif – les armes de destruction massive dont nulle trace ne fut jamais trouvée – fut en outre incapable de penser l’après autrement qu’en détruisant l’État de Saddam et ne laissant aucune issue à ceux qui l’avaient servi. On se souvient qu’en 1945, avec un ennemi autrement plus « coupable », les nazis, l’Amérique avait su faire en sorte qu’en dehors d’une partie des chefs qui eurent à affronter la justice à Nuremberg, l’essentiel des fonctionnaires d’Hitler ne fut pas inquiété et n’eut aucun mal à se recycler, les services secrets US n’ayant alors aucun scrupule à enrôler les plus utiles…
En attendant, sur le front irakien, on s’amusera de la déclaration qu’à faite Vladimir Poutine à l’aube de l’offensive de la coalition sur Mossoul : « Nous espérons que nos partenaires américains, et en l’occurrence nos partenaires français aussi, agiront avec précision et feront tout pour minimiser, ou encore mieux, exclure toute victime parmi la population civile ». Il s’agit là, bien sûr, d’une réaction en forme de droit de réponse à la vague anti-russe qui s’est exprimée sur son action à Alep. Rassurons Vladimir, les armes occidentales, qu’elles fussent utilisées par les kurdes ou l’armée irakienne, savent faire la différence entre civils et militaires, entre bons et méchants… et nul n’ira jamais menacer quiconque dans cette entreprise de devoir rendre des comptes devant le TPI… On le voit si souvent qu’on n’y prête plus attention. Rappelons, par exemple et parmi beaucoup d’autres, que plusieurs dizaines de villageois des environs de Manbij, à 100 km au nord-est d’Alep, ont, dans la nuit du 18 au 19 juillet, péri après avoir été bombardés par les avions de la « coalition internationale » conduite par les USA à laquelle participent la France et le Royaume-Uni. Bizarrement, nos media, notre gouvernement n’a demandé nulle enquête du TPI. Rendons donc ici hommage à Rudyard Kipling (à moins que ce ne soit Hiram Warren Johnson) qui a dit « La première victime d'une guerre, c'est la vérité. »
3. CETA : le « grain de sable » wallon
Les « européens convaincus », ainsi qu’ils se nomment, autrement dit ceux qui magnifient le « projet européen » des « pères fondateurs » n’en reviennent pas. Si l’accord avec les USA – TAFTA/TIPP – semblait mal en point, au moins pour quelque temps, celui avec le Canada, nommé CETA, semblait pouvoir passer « comme une lettre à la poste », c’est-à-dire sans que ne se fasse jour de pays s’y opposant. Bien sûr, et selon les us et coutumes de l’Europe, les peuples ne devaient rien savoir de ce traité de libre échange. Mais voilà, la confiance est telle dans les institutions européennes que, quoi qu’ils entreprennent, tout est maintenant regardé avec attention et suspicion. Les peuples semblent ne plus vouloir « marcher dans la combine ». La propagande que mènent quotidiennement les media ne passe plus. Ce malheureux Bernard Guetta a beau délivrer sa chronique eurobéate chaque matin sur France inter, Le Monde parler « d’épisode humiliant », les hommes politiques du « système » défiler en chœur pour expliquer que c’est un bon accord, rien n’y fait. Et il se trouve au cœur de l’Europe, un petit peuple francophone de trois millions d’habitants, doté d’un parlement qui joue encore son rôle, qui se fait le relai du rejet de la population qu’il représente et vote, à une très large majorité, contre la signature du CETA (46 oui, 16 non et une abstention). Ce faisant, la Belgique étant ce qu’elle est, c’est-à-dire un État fédéral dans lequel le premier ministre censé représenter tout le pays ne peut d’affranchir du feu rouge d’un de ses parlements, ne peut donner son accord à la signature du traité. Faute d’unanimité, la commission qui s’apprêtait à signer, à fêter ça avec le Premier ministre Canadien, est obligée de caler et d’ajourner. Les pressions n’avaient pourtant pas manqué. Que n’avaient-ils entendu, les uns et les autres, de l’Apocalypse qu’ils déclencheraient si… Mais, comme avec le Brexit, plus fortes sont les pressions, plus grande est l’opposition. Disons-le, pour le regretter, ce n’est pas chez nous qu’on verrait ça. Nous avons des parlementaires « couchés » et un gouvernement à la main de cette détestable Europe, celle de la concurrence libre et non faussée, celle des marchés qui fait que le « rêve Européen » est devenu cauchemar, que les entreprises ferment, que le chômage s’étend et que partout s’applique une austérité aussi absurde que contreproductive pendant que les riches deviennent plus riches, les pauvres toujours plus nombreux, que partout est déchiré le « contrat social », que la jeunesse ne se voit plus d’avenir.
Alors, bien sûr, tout n’est pas joué. Le chef du gouvernement wallon, Paul Magnette, dit vouloir encore « discuter dans les prochains temps ». Martin Schultz, président du Parlement européen, se montre optimiste sur l’issue et le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, est toujours prévu venir à Bruxelles pour signer le CETA ce jeudi 27 octobre.
À ceux qui doutent encore de la nocivité de ce traité il est conseillé de lire le 4 pages qu’ATTAC France vient de mettre en ligne. Ils pourront le télécharger ici.
4. À “gauche”… et à droite
À “gauche” ou ce qui en tient lieu dans les media, la séquence décrite la semaine dernière marquée par la publication du livre de Davet et Lhomme continue de produire ses effets délétères. La candidature de François Hollande apparaît comme de plus en plus difficile et, du coup, en dehors de ceux qui ont déjà affiché leur candidature à la primaire du PS – Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Marie-Noëlle Lienemann, Gérard Filoche, Jean-Luc Bennahmias, François de Rugy. – on voit poindre ceux et celles qui voient là une occasion inespérée de faire un « come-back » ou une OPA. Le « come-back » serait celui de Ségolène, ministre de l’Écologie qui tente de faire entendre sa différence avec son appel à « arrêter les frais » sur l’aéroport de Notre-Dame des Landes et qui se voit toujours un « destin national ». L’OPA serait celle tentée par Manuel Valls dont tout le monde pensait qu’il jouait « le coup d’après » mais qui, manifestement, l’occasion faisant le larron, se dit qu’avec la faiblesse de FH, il y a peut-être un coup à jouer. Ainsi l’a-t-on entendu ce vendredi tenir meeting à Tours et, avec des trémolos dans la voix, appeler au « rassemblement de la gauche ». De la part de celui qui n’a eu de cesse de rendre ce rassemblement totalement impossible par la politique qu’il a conduite avec FH, ça ne manque pas de sel… Le coup du pompier pyromane, en quelque sorte. Sans doute doit-il penser que si FH se désiste, il récupérera les voix des Hollandais à la primaire… ce qui, conjugué à la défiance du « peuple de gauche » envers le PS et, donc, la faible mobilisation des électeurs à cette occasion conjuguée aux traditionnelles et peu ragoutantes traditions en matière d’élections internes pourrait lui permettre de gagner et, ce faisant, d’obliger tous ces opposants potentiels à se rallier et, a minima… se taire.
Dans la série « publications qui nuisent », à signaler celle de Christian Chesneau et Georges Malbrunot, « Nos très chers émirs » qui dressent un tableau tout à fait édifiant des liens à tout le moins troubles qu’entretient une partie de la classe politique avec le Qatar, au point de choquer Meshaal al-Thani, l’ambassadeur de cet aimable dictature wahhabite sur notre sol qui explique « Je n’ai jamais vu cela, auparavant ! J’ai fréquenté des politiques partout ; mais aucun ne s’est comporté comme certains Français, aucun ne m’a demandé de l’argent aussi abruptement, comme si c’était naturel, comme si on leur devait quelque chose ! On n’est pas une banque. ». Ainsi un officiel à Doha explique-t-il qu’à “gauche”, Jean-Marie Le Guen annonçait clairement la couleur. « Il disait à nos diplomates à Paris : “En tant que ministre en charge des Relations avec le Parlement, je tiens tous les députés et sénateurs de mon camp, via les questions au gouvernement. Je peux bloquer des questions hostiles au Qatar, ou au contraire les alimenter. Mais je n’ai pas à le faire gratuitement”. Bref, il nous faisait littéralement du chantage ». 10 000 €/mois quand même… À “gauche”, toujours, que dire de l’éternel ministre de la Culture, aujourd’hui à la tête de l’IMA (Institut du Monde Arabe) du quai St-Bernard, qui est cité non seulement par l’ambassade du Qatar, mais aussi par celles d’Arabie et des Émirats arabes unis comme un interlocuteur sans scrupules. « Il vient réclamer trois places en Business pour sa femme et son ami, lorsqu’on l’invite à Abou Dhabi, fulmine un membre de l’ambassade des Émirats. Et si jamais on refuse, on court le risque qu’il critique publiquement les Emirats ». À droite, même topo… Rachida Dati, élue du très chic VIIe arrondissement, voulait créer un « club des ambassadeurs », nombreux dans son arrondissement, et réclamait, à cette fin, 400 000 euros à l’ambassadeur du Qatar. Et, bien sûr, il y en a beaucoup d’autres… Pour ceux qui veulent quelques détails, c’est ici.
Alors, comme d’habitude en pareilles circonstances, les incriminés ont usé du très classique « je vais porter plainte pour diffamation ». Sauf qu’on imagine mal des journalistes aussi chevronnés que Christian Chesneau et Georges Malbrunot publier ce brûlot sans biscuits et il est fort à parier qu’aucune de ces plaintes putatives ne sera jamais déposée…
On se souvient d’avoir entendu, en son temps, de bien étranges rumeurs sur ce même terrain pétrolifère s’agissant de Nicolas Sarkozy et ce très étrange lobbying de notre « Platini national » pour le choix de l’implantation de la coupe du monde de football en plein désert, avec des températures frisant les 50°… Mais, bien sûr, ce ne sont là que folles rumeurs et basses vilenies… Et, le comble, sera de voir tout ce petit monde s’offusquer de voir monter le « tous pourris » et avec lui, l’extrême-droite qui, fidèle en cela à son histoire, ne va pas se priver d’en user à nouveau avec un succès qui a tout lieu d’inquiéter.
À droite, les primaires continuent et avec elles le monopole médiatique qu’elle occasionne. Pas un débat sans que l’invité ne soit un des candidats de cette primaire. On a envie de paraphraser la maire de Lille avec un « Les primaires de la droite… comment dire ? Ras le bol ! ». Rien de bien nouveau, en effet, les candidats déclinent leur programme ultra-libéral sans vergogne, convaincus qu’ils sont que les salariés et leurs organisations syndicales seront « KO debout » à l’issue de la présidentielle dont évidemment ils ne doutent pas de sortir vainqueurs. Si tout indique, pour le moment, que leur succès est probable, il ne va pas de soi pour autant que leur victoire électorale obtenue avec les règles de la vie politique de la Ve République, c’est-à-dire avec un vainqueur à la présidentielle qui ne rassemble jamais plus de 40 % des citoyens en âge de voter, suffira à faire passer sans ambages la « purge » qu’ils promettent, d’autant que leur électorat se situe massivement parmi les plus âgés, autrement dit les moins actifs…
Une incise : le candidat du PCD, Jean-Frédéric Poisson, dont nous avions souligné la semaine dernière la bonne tenue et visibilité durant le premier débat des candidats de la « primaire de la droite et du centre », a fait parler de lui cette semaine et suscité l’ire et le courroux de NKM et Estrosi et se retrouve même menacé de disqualification à la primaire. Qu’a-t-il donc dit qui mérite pareille « excommunication » ? Il a osé déclarer dans Nice-Matin : « la proximité de [la candidate à la présidence américaine Hillary] Clinton avec les super-financiers de Wall Street et sa soumission aux lobbies sionistes sont dangereuses pour l’Europe et la France ». Diable ! Qu’Hillary soit à la main de Wall Street n’est, on le sait, plus à démontrer. Qu’il existe aux USA un « lobby sioniste » qui fait la pluie et le beau temps ne serait-ce que par son financement de la campagne des candidats est de notoriété publique et explique pour une part l’indéfectible soutien des USA à Israël. Ainsi, donc, et une fois encore, malheur à ceux qui ont le tort de sortir des clous de la bien-pensance. Et puis un candidat qui affirme « Je suis incapable de faire la différence entre assistanat et assistance, je ne sais pas trier les gens », un ancien DRH dans l’industrie qui a pour deuxième bible l’honni Code du travail, l’aîné d’une famille de quatre enfants qui a vu pendant vingt ans son père enchaîner les emplois précaires et les périodes de chômage et qui se souvient avoir été vu comme « le fils du chômeur de Suze-la-Rousse » pour en tirer « Ma famille en a été détruite. Je sais ce que fait la brutalité des rapports économiques dans un foyer. J’ai une expérience personnelle de la fragilité qui a construit ma vision politique », voilà qui fait tache, voilà qui ne colle pas vraiment avec NKM et consorts. C’est un OVNI, voire un « gauchiste » pour ces gens-là…
Ça ne rend pas le Poisson forcément plus frais pour autant : il a évidemment participé au ridicule dernier défilé de la « Manif’ pour tous » du 16 octobre qui a rassemblé quelques 25 000 personnes dans ce quartier de déshérités qui va de Dauphine au Trocadéro... Mais pourquoi ces bien-pensants ne l’attaquent-ils pas là-dessus ? Sans doute parce qu’ils ne désespèrent pas de capter cet électorat de la droite bien à droite, culs-bénits en tous genres, versaillais mâtinés de chouannerie qui n’ont de cesse de mettre en avant les « valeurs chrétiennes de la France » pour espérer le retour de la calotte et du bâton des bonnes mœurs… Car, de ce côté de l’échiquier politique, le refus des candidats LR, y compris Sarkozy, de revenir sur la loi Taubira apparaît comme une trahison et ils se cherchent une expression politique. Et, donc, faute d’aller jusqu’à se réfugier chez la « jeune blonde » du FN qui n’a pas encore les mains libres, la tante, MLP, n’étant à leurs yeux pas fiable sur le plan des mœurs – divorcée et sous la coupe d’un homosexuel, Florian Philippot – ils sont un peu désespérés. Dans ce contexte, le Poisson pourrait bien faire main basse sur leurs voix et changer singulièrement le rapport de forces « de la droite et du centre » et, qui sait, créer la surprise. D’où les attaques de Christian Estrosi, bras armé de Sarkozy car à quoi peut bien servir la droitisation du patron s’il se trouve un candidat capable de le priver de ces très droitiers suffrages ? L’opération « disqualification du Poisson » n’ira sans doute pas plus loin – on imagine mal l’instance régulatrice des primaires aller jusque-là – mais c’est en tout cas le signe d’une nervosité certaine dans le camp sarkozyste, reflet de la panne dans les sondages de leur chef.
5. À gauche : les 10 mesures « emblématiques » du programme de Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle de 2017
Rappelons qu’il s’agit là du résultat de la consultation faite par internet auprès des 136 000 “insoumis” sur la base de 357 propositions. Un peu plus de 11 000 (8 %) ont répondu et permis ainsi de dégager dix mesures « emblématiques » qui serviront de base au programme du candidat « L’Avenir en commun ».
- Le refus du traité de libre-échange avec les États-Unis (Tafta) et celui avec le Canada (Ceta) (48% des voix) ;
- L’abrogation de la loi Travail (43,5%) ;
- L’instauration de la “règle verte”, consistant à ne pas prélever sur la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer (38,5%) ;
- La “refondation démocratique” des traités européens et, à défaut, l’application d’un “plan B” ;
- La mise en place d’un “plan de transition énergétique vers les énergies renouvelables par la sortie du nucléaire” (36%) ;
- Le droit de révoquer un(e) élu(e) (35,5%) ;
- Le référendum pour une Assemblée constituante (35%) ;
- La “protection des biens communs”, comme l’eau, l’air, le vivant ou la monnaie (33,5%) ;
- La séparation des banques d’affaires et de détail et la création d’un pôle public bancaire (31,5%) ;
- L’instauration d’un SMIC mensuel à 1 300 euros nets et la revalorisation des salaires des fonctionnaires (28%) ;
À noter :
- la retraite à 60 ans (27%) ;
- le refus des OGM et des pesticides (26%) ;
- “les 35 heures pour de vrai et aller vers les 32 heures” (25%) ;
- la sortie de l'Otan (24,5%) ;
- le remboursement des soins de santé à 100% (21%).
Le pourcentage de voix obtenu par chacune des mesures montre bien le poids de l’actualité dans la consultation (1 et 2), la prégnance de l’axe écologique, les mesures en relevant (3, 5 et 8) arrivant largement avant les mesures sociales. D’une certaine façon, outre que ceci est conforme à « l’éco-socialisme » que JLM n’a de cesse de mettre en avant dans les media, c’est aussi la signature de la composition sociale du mouvement largement dominé par les petits-bourgeois (« bobos ») rejoints, ça et là et de façon assez marginale, par des cadres syndicaux souvent issus de la Fonction publique. La « sortie du nucléaire » qui devait initialement faire l’objet d’un referendum dans le programme de 2012 est entérinée ce qui ne sera pas sans poser problème auprès d’éventuels alliés tels le PC ou les syndicalistes du secteur « énergie »… sans parler du pays lui-même pour qui la « fin du nucléaire » ne va pas forcément de soi. Sans doute la « transition écologique » prend-elle le soin de promettre des centaines de milliers d’emplois, mais la crédibilité de ce genre de promesses auprès de la partie de la population exposée au chômage et à la mondialisation est douteuse. Il y aura à la convaincre qu’on ne lâche pas la proie pour l’ombre quand, de l’autre côté de l’échiquier politique, au FN, on fait dans l’obscure clarté en proposant, peu ou prou, de virer « les immigrés qui mangent le pain des français »… et font des attentats terroristes… Cocktail explosif qui lie dans l’imaginaire collectif chômage et immigration, religion et terrorisme, cocktail qu’en outre ne répugnent pas à valider les candidats de « la droite et du centre »…
Sur l’Europe, là aussi, on ne peut s’empêcher de noter l’ambigüité du point 4 qui laisse à penser que la France pourrait à elle seule « réorienter l’Europe » au motif que l’Europe sans la France n’existerait pas. Il n’est pas certain que Dame Merkel et ses alliés s’en émeuvent et cèdent, d’autant que l’Europe telle qu’elle est n’est acceptable pour eux que tant qu’elle reste allemande ou, du moins, sous leadership allemand. Quant au « plan B », issue d’un possible et très probable échec de cette réorientation, Frédéric Lordon en a fait l’analyse ici et rien ne permet de penser qu’il y ait beaucoup à y redire depuis octobre 2015, date de parution de l’article. On peut donc regretter le manque de clarté sur ce point capital du programme mais il est, là aussi, le résultat de la composition sociale du mouvement, une bonne partie de la petite-bourgeoisie éduquée se sentant perdue à l’idée de devoir abandonner le rêve d’Europe dans lequel elle communie depuis des décennies. Disons-le franchement, l’Europe « sociale » a à peu près autant de chances d’advenir que l’arrivée de la gauche au pouvoir en Pologne ou l’alignement de toutes les planètes de notre système solaire…
Enfin, bien sûr, on retrouve, sans surprise, parmi les dix mesures « emblématiques », la ligne « VIe République » avec la convocation d’une assemblée constituante (7) et la possibilité de révoquer les élus (6). Elle dénote bien sûr dans le consensus politique LR-PS de partis qui s’accommodent si bien de leur alternance réciproque et de leur impunité en cours de mandat. Mais on notera l’étrangeté de la formulation de la mesure 7 qui laisse à penser que le referendum aurait pour objet de convoquer ou pas une constituante là où on avait crû comprendre que c’est le résultat des travaux de la Constituante, autrement dit la Constitution de la VIe République, qui devait faire l’objet d’un referendum (à l’image de ce qui s’est fait en 1958 avec la Constitution de la Ve République concoctée par le Gl de Gaulle et Michel Debré).
Il semble, par ailleurs, que JLM se soit prononcé pour le droit de vote à 16 ans. Si l’on peut penser qu’une telle mesure aurait pour but de faire baisser un peu l’âge moyen de l’électorat (50 ans), elle est, à tout le moins, surprenante quand on connaît la maturité politique de nos jeunes. Certains « trolls » ont réagi sur les réseaux sociaux en proposant 12 ans… On aurait tendance à la suivre… Ajoutons sur ce point que l’on voit mal comment des jeunes jouissant du droit de vote relèveraient encore de la justice des mineurs que l’on sait plus attentive à leur sort quand il s’agit de sévir. Il n’est pas sûr que les promoteurs de cette mesure aient réfléchi à toutes ses conséquences…
Pour ceux et celles que l’analyse sociologique du vote au 1er tour de la présidentielle de 2012 intéresse, voir ici l’enquête de l’IFOP. Les résultats de cette enquête sont parfois surprenants en ce qu’ils ne sont pas nécessairement conformes aux a priori que l’on peut avoir… JLM et MLP font jeu égal chez les chômeurs, par exemple… et c’est chez les chômeurs que JLM fait son meilleur score (19 %).
Enfin, anecdotique, mais en ces temps de « com » à tous les étages, la « France Insoumise » s’est dotée d’un emblème : ϕ (FI). Pourquoi pas ? Les grecs, les « lettrés » le comprendront sans trop de peine, l’électeur de base, la « France d’en bas », c’est moins sûr…
Un dernier mot sur la « primaire écolo » : la « favorite » des media, Cécile Dufflot, qui s’était aventurée à pronostiquer une victoire dès le 1er tour, s’est pris une veste et les deux finalistes seront Yannick Jadot et Michèle Rivasi. Quoi qu’en dise Cohn-Bendit, il est évident qu’elle paye là le prix de sa participation au gouvernement socialiste. Quel que soit, donc, le résultat du 2ème tour, on voit se profiler un très maigre score à un chiffre pour EELV à la présidentielle. Tout laisse à penser que, comme cela s’était déjà produit en 2012 avec la candidature d’Eva Joly, le « vote utile » dans l’électorat écologiste jouera en faveur de Jean-Luc Mélenchon. Et comme, en outre et contrairement à 2012, il n’y a pas d’accord pré-électoral avec le PS, EELV risque fort de n’avoir plus de députés à l’issue des législatives de 2017 et, donc, de disparaître du champ politique. Reste, et c’est sans doute beaucoup plus important, le poids des idées qu’ils portent qui continuera à peser, à gauche pour l’essentiel.
@ suivre…
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