BelcoBlogLM

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Un tournant ?

Dimanche 26 février 2017

 

Sujets traités :

  1. Macron se voit rallié : De Rugy, Bayrou…
  2. et a un programme, si, si…
  3. Jean-Luc Mélenchon chiffre son programme…
  4. et passe son « grand oral » à « L’Émission politique » d’Antenne 2
  5. Un grand artisan de l’agriculture industrielle est mort

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1. Macron se voit rallié : De Rugy, Bayrou…

Les échéances approchent et la première position qu’occupe Marine Le Pen dans tous les sondages d’opinion fait que chacun raisonne à partir de ce fait. Que les sondages soient faillibles, souvent pris en défaut, est certes dans les esprits mais on fait quand même comme si… Et, donc, on acte la première position de MLP au-dessus de 25 % pour, dès lors, ne viser que la seconde réputée être celle de l’élu du 2nd tour.

Dans ce contexte, ça discute, ça palabre… et ça se rallie. Ainsi nous a-t-il été donné d’enregistrer le ralliement de François Henri Goullet de Rugy, figurant du 1er tour de la primaire de la « Belle Alliance Populaire », autrement dit de la primaire du PS. Rappelons le score immense de cet impétrant : un peu plus de 60 000 voix et 3,81 % ! Une vague immense… L’homme se rallie à Emmanuel Macron. Il n’est pas dit que ses électeurs le suivent en ceci que la règle édictée lors de cette primaire était de se rallier au vainqueur, en l’espère Benoît Hamon. Encore un de ces amis de Jean-François Placé qui espère ainsi obtenir quelque maroquin, un siège de député, etc. Passons…

 

Macron-De Rugy.jpg

 

Plus sérieux, petit « séisme » si l’on en croit les media, le refus de François Bayrou de se présenter et son ralliement à Emmanuel Macron, ralliement assorti de précautions oratoires sur quatre engagements que François Bayrou aurait en échange obtenus d’Emmanuel Macron. Nous avions ici fait le pari que François Bayrou se présenterait. Erreur de pronostic, donc, sans doute le fait de ne faire qu’un maigre score (autour de 6 % selon les derniers sondages) et la fragilisation que cette candidature engendrait au centre a-t-il convaincu le béarnais de ne pas faire « la candidature de trop »… Quant aux engagements de Macron, c’est une gentille blague. En politique, « les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent » selon le mot prêté à Jacques Chirac, un grand connaisseur... D’aucuns ressortent les déclarations faites par François Bayrou en septembre dernier : invité de Pierre Bourdin sur BFM-TV, François Bayrou ne déclarait-il pas « Je suis absolument sceptique sur cette affaire, et quand je dis sceptique, c’est le mot le plus modéré que je puisse choisir. (…) Ça ne marchera pas, parce que les Français vont voir ce que cette démarche signifie, ce qu’il y a derrière tout ça, derrière cet hologramme. » Pour poursuivre par « Derrière Emmanuel Macron, il y a des grands intérêts financiers incompatibles avec l’impartialité exigée par la fonction politique. Il y a là une tentative qui a déjà été faite plusieurs fois par plusieurs grands intérêts financiers et autres, qui ne se contentent pas d’avoir le pouvoir économique, mais qui veulent avoir le pouvoir politiqueOn a déjà essayé en 2007 avec Nicolas Sarkozy et ça n’a pas très bien marché. On a essayé en 2012 avec Dominique Strauss-Kahn… » On n’oubliera pas non plus ce qu’il disait à la même période dans l’émission « Questions politiques » de France inter/Le Monde/France info : « Je ne me reconnais pas dans ce qu’Emmanuel Macron incarne. (…) Le projet de société d’Emmanuel Macron est au fond infiniment proche de celui que défendait Nicolas Sarkozy en 2007. » On imagine sans peine que le ralliement de François Bayrou a changé l’eau en vin, réduit à néant les « grands intérêts financiers » qui sont « derrière Emmanuel Macron »…

 

Bayrou-Macron.jpg

 

Comme il fallait s’y attendre, du côté de LR, de Fillon et ses amis, on tord le nez et on minimise. Au fond, disent-ils, après le ralliement de Bayrou à François Hollande au 2nd tour de la présidentielle de 2012, celui d’aujourd’hui à Macron ne ferait que confirmer le passage à gauche de François Bayrou… En fait, ils n’ont pas tort, à ce détail près que comme l’aurait dit François Mitterrand, « le centre, c’est ni de gauche, ni de gauche ». On peut sans trop de peine démontrer qu’Emmanuel Macron est l’héritier de François Hollande (secrétaire-adjoint de l’Élysée puis ministre de l’Économie et des finances) et voir simplement dans le ralliement de François Bayrou à Emmanuel Macron la concrétisation d’une fidélité politique « ni de gauche, ni de gauche »… des deux hommes. La seule différence est de forme : l’un est jeune, se dit inspiré, bénéficie d’une dynamique quand l’autre avait la quasi certitude de ne même pas faire un score honorable, score néanmoins handicapant pour l’autre, score qui aurait de surcroît peut-être conduit à la qualification de l’ennemi honni, François Fillon.

 

Carricature Bayrou-Macron.jpg

 

Bien évidemment, à gauche, ou ce qu’il en reste, ce ralliement pose souci puisqu’en l’état actuel des sondages Emmanuel Macron devrait occuper la très convoitée deuxième place, loin devant le suivant qu’il fut Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon. Et, donc, du côté de ces deux-là et sous réserve qu’il se trouve quelque étude d’opinion sanctifiant la chose, va se poser la question du « vote utile ». Benoît Hamon ayant refusé de choisir, c’est-à-dire de remettre en cause les investitures du PS aux législatives du mois de juin – confiées, pour l’essentiel, à la tendance Hollando-Vallsiste du PS – aucun des deux ne pliera devant l’autre. Et, donc, ce qui va se jouer dans cette partie de l’électorat, c’est le classique coup du « vote utile ». Le ralliement de Yannick Jadot est, en cette circonstance, de peu de poids, EELV est à la dérive et Jean-Luc Mélenchon a déjà fait main basse sur l’électorat écolo à travers un programme de couleur très verte… Et, donc, l’émission télévisée de ce jeudi 23 février risque de peser lourd dans la cristallisation des forces et les sondages, encore eux, qui seront publiés à l’issue risquent de peser bien au-delà de la réalité, des marges d’erreur, etc.

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2. et a un programme, si, si…

L’impatience régnait dans les media et, probablement aussi, dans cette partie de la population qui s’intéresse au scrutin du 23 avril. C’est que jouer sur le seul mode de la joliesse et du caractère « christique » risquait en effet de paraître un peu court. Emmanuel Macron s’est donc décidé à se découvrir, à sortir du flou politique dans lequel il se complaisait et a, ce jeudi, fait état de son programme économique. Comme il fallait s’y attendre, c’est « modéré » si on le compare au programme ultra-libéral de Fillon, dans la ligne de la politique menée au cours du quinquennat de François Hollande et loin du programme de relance d’un Mélenchon. Rien, de ce point de vue, qui constitue une surprise. C’est d’ailleurs ainsi que le qualifie le « journal de révérence », Le Monde, qui a pour Macron les yeux de Chimène :

 

Programme Macron - Le Monde.jpg

 

Dans le détail, bien évidemment, Emmanuel Macron déclare s’inscrire « dans les clous » des 3 % de déficits publics de l’Europe dont on ne redira jamais assez à la fois le caractère parfaitement arbitraire et l’inanité économique dès lors que pointe une récession ou une croissance atone destructrice d’emplois. Au programme, donc, et pour satisfaire cet objectif, 50 milliards d’investissements et 60 milliards d’économies. Côté investissements, rien de bien novateur, il s’agit de poursuivre la politique menée sous François Hollande, initiée par Emmanuel Macron, de cadeaux aux entreprises, de politique « de l’offre » dont le seul mérite se résume à « restaurer les marges », autrement dit à engraisser toujours davantage les actionnaires dont on apprend au même moment, coïncidence, que c’est en France que les « investisseurs » se distribuent le plus de dividendes et sans, bien sûr, que l’investissement n’ait repris des couleurs…

 

Côté « économies », 60 milliards répartis en 25 sur la « sphère sociale », 10 sur les collectivités territoriales et 25 sur l’État. Et, donc, 120 000 suppressions d’emplois dans la Fonction publique, 50 000 dans la FPE et 70 000 dans la FPT. Mais comme il commence à apparaître assez crûment que l’Hôpital est « à l’os », la FPH serait exemptée d’effort. Et, donc, ce sont sur les deux autres Fonctions publiques que porteraient l’effort : FPE et FPT. Côté FPE – Fonction publique d’État – dont l’Éducation nationale constitue la moitié des effectifs, on comprend bien que c’est là que l’essentiel de « l’effort » va porter. On imagine mal, en effet, porter atteinte à une Justice exsangue ou à la Police et l’Armée, bref, sur les ministères réputés « régaliens » en une période « de guerre avec le terrorisme ». Il s’agit donc de réactiver la RGPP de Nicolas Sarkozy. Gageons que cela ne passera pas comme une lettre à la poste… Sur ce terrain, on attend avec curiosité la réaction de François Bayrou qui expliquait il y a encore peu que le pays devait faire des efforts sur le terrain de la formation des jeunes, en particulier dans l’Éducation nationale, efforts consistant, par exemple, à mieux payer les enseignants dont on sait qu’ils sont parmi les plus mal payés des pays de l’OCDE… C’est, au moins sur ce point, une rupture avec la politique de François Hollande qui avait fait le choix de créer 60 000 postes durant le quinquennat (en grande partie absorbés par la formation des enseignants et la hausse de la natalité). Quant à la FPT – Fonction publique territoriale – est-il besoin de rappeler que les collectivités visées – départements, régions, communes – disposent de l’autonomie sur le terrain des emplois. On imagine donc sans peine que le gouvernement Macron les obligera à couper dans leurs effectifs via la réduction des transferts de l’État. Autrement dit, il s’agit une fois encore d’accentuer la pression sur les collectivités territoriales en rompant encore le pacte conclu lors des différentes phases de la décentralisation. Emmanuel Macron prétend ne pas avoir recours à cet outil de contrainte et affirme y préférer un « pacte » avec les collectivités en les autorisant, de fait, à se distinguer encore davantage des autres Fonctions publiques via le mode de recrutement et la désindexation du point d’indice (commun aux trois FP pour le moment et qui sert de base au calcul de la rémunération des agents). Sur ce point, comme nul ne doute que le gel du point d’indice sera à nouveau à l’ordre du jour, on voit mal l’incidence réelle de cette mesure… Par contre, cela leur permettra de recourir aux contrats de droit privé et ainsi précariser encore davantage le statut.

Quant au 25 milliards d’économies prévues dans « la sphère sociale », ils seraient répartis en 15 milliards sur l’Assurance-maladie et 10 milliards sur l’Assurance-chômage. Outre que cela revient évidemment à continuer la politique de déremboursement engagée depuis des années, on voit poindre dans le domaine de l’Assurance-chômage ce que l’Angleterre connaît trop bien et que Ken Loach a si bien dénoncé dans son dernier film « Moi, Daniel Blake », c’est-à-dire une pression insupportable sur les chômeurs pour faire en sorte qu’ils perdent leurs droits. Déjà, dans ce registre, nous est-il promis qu’il en irait ainsi en cas de refus d’une proposition d’emploi correspondant à sa qualification. Quid d’une offre de ce genre refusée parce qu’elle suppose de déménager ? Le chômeur Lillois sera-t-il en infraction s’il refuse une offre d’emploi dans le Bordelais ou en Bretagne ? Que les supporters nantis d’Emmanuel Macron n’y trouvent rien à redire, rien d’étonnant, mais les pauvres eux ? Pour le reste, par la voix du responsable de ce merveilleux programme, Jean Pisany-Ferry, il nous est expliqué que les fonctionnaires se devraient d’être « mobiles » et que le statut de la Fonction publique serait « modernisé ». On devine sans peine dans quel sens, c’est celui qui est déjà largement à l’œuvre et qui conduit, aujourd’hui, à ce que ce mal qu’est le « harcèlement moral » touche en priorité les fonctionnaires. Non qu’ils soient plus sensibles que les autres salariés mais parce qu’on a méthodiquement enseigné le « néo-management » à tous les échelons de la hiérarchie, politique RH aussi délétère que contre-productive. Comme le dit le journaliste du Monde en conclusion de son article « Un projet qui, fondamentalement repose sur une logique de déconcentration et de soutien à l’initiative. D’essence libérale. »

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3. Jean-Luc Mélenchon chiffre son programme

Cinq heures d’émission diffusées en direct ce dimanche 19 févier sur la chaîne Youtube de Jean-Luc Mélenchon (à retrouver ici le cas échéant), cinq heures au cours desquelles seront en première ligne les économistes de la France insoumise, Jacques Généreux, Maître de Conférences en poste à l’IEP de Paris (Sciences Po Paris) et Liêm Hoang-Ngoc, Maître de conférences en poste à Paris I (Panthéon-Sorbonne). Des économistes « atterrés », autrement dit ne communiant pas dans la doxa néo-libérale ambiante, des « keynésiens » comme se revendiquait de l’être, en son temps, « Oncle Bernard », autrement dit Bernard Maris (qui fut, rappelons-le, l’une des victimes de Charlie-Hebdo en janvier 2015).

En substance, et pour l’essentiel, un plan de relance ciblée de plus de 100 milliard d’euros financés par l’emprunt, répartis sur :

  • « l’urgence sociale » à hauteur de 45 milliards dont 18 sur le logement ;
  • « l’urgence écologique » à hauteur de 50 milliards dont 25 centrés sur les énergies renouvelables ;
  • « les services publics » pour 7 milliards.

S’ajoute à cette relance financée par l’emprunt une hausse de la dépense publique de 173 milliards permettant de financer l’augmentation des salaires et la baisse du chômage. À noter que toute cette affaire conduirait à un hausse de l’inflation autour de 4 %. Pour ceux d’entre nous qui ont connu un taux à deux chiffres (13,6 % en 1980, par exemple), c’est tout à fait modeste… Le plan prévoit une augmentation du SMIC de 173 €/mois et une échelle des salaires allant de 1 à 20 dans chaque entreprise.

S’agissant de l’impôt, serait mise en place une CSG progressive, une baisse de l’impôt sur les sociétés (de 33 % à 25 %), 14 tranches pour l’impôt sur le revenu (IRPP) avec un taux marginal de 90 % pour la dernière tranche, autrement dit pour ceux dont les revenus excèdent 400 000 €/an… Affreux ! Au demeurant, c’est ce qu’ont connu les États-Unis sous présidence républicaine dans le passé sans que l’on estime alors que c’était du bolchévisme. En moyenne, selon les concepteurs de ce programme fiscal, toute personne dont les revenus seraient inférieurs à 4 000 €/mois devrait voir son IR baisser. Accessoirement, on appliquerait la règle qui prévaut aux USA actuellement (grand pays « bolchévique », comme l’on sait) : tout citoyen français établi à l’étranger serait tenu de verser la différence entre ce qu’il a effectivement payé dans le pays où il réside et son pays, la France. Fin de l’exil fiscal en Belgique, en Suisse, etc.

Le plan de relance prévoit 190 milliards de recettes supplémentaires, un taux de croissance autour de 2 %, un taux de chômage ramené à 6 % en fin de quinquennat. Le déficit public passerait en 2018 à 4,8 % du PIB pour ensuite être ramené autour de 2,5 % en 2022, la dette étant alors ramenée à 85 % du PIB.

 

La fin de l’émission ne fut pas sans intérêt puisqu’avaient été invités des journalistes mainstream, peu suspects d’un début de sympathie, à savoir Hedwige Chevrillon de BFM Business, Ghislaine Ottenheimer, rédactrice en chef politique de Challenges, Marc Landré du Figaro auxquels s’était joint Sébastien Crépel de L’Humanité.

 

Journalistes chiffrage programme JLM.jpg

 

Bon résumé du programme de JLM ici.

 

Il apparut assez vite, s’agissant des trois premiers, que l’univers de la globalisation auquel ils adhèrent rendait impossible à leurs yeux le plan de relance de Jean-Luc Mélenchon. L’argument est simple : l’Allemagne d’Angela Merkel n’acceptera jamais que la banque centrale prête (alors qu’elle consent volontiers, comme l’on sait, à distribuer chaque année 80 milliards d’euros aux banques qui se gardent bien de prêter aux entreprises pour qu’elles investissent, autrement alors que cet argent ne sert qu’à alimenter une nouvelle bulle financière). En cause, les plans de relance qui, dans un premier temps, augmentent les déficits publics mais qui, par l’effet multiplicateur (qui, dans la théorie économique explique qu’un euro investi par l’État en génère entre deux et trois dans la sphère productive) relance l’activité du pays et, au passage, crée des emplois qui eux-mêmes génèrent des recettes fiscales (autour de 20 %) et font baisser les coûts sociaux (Sécurité sociale, chômage, etc.), ce que les économistes appellent un « cercle vertueux ». Au fond, si l’on suit ces trois-là, qui se garderont bien d’aller affronter les économistes du plateau sur leur terrain, eux qui dans leurs journaux n’ont de cesse d’expliquer qu’ils sont de grands spécialistes économiques, c’est une affaire politique et non économique, comme on aime à nous le présenter. Les « marchés » ne suivront pas et, pire, nous puniront à travers la hausse des taux d’intérêts qui renchériront d’autant le poids de la dette du pays.

 

Au sujet de la dette, toujours le même débat : ceux qui choisissent de la présenter en fraction de PIB annuel (à peu près 100 % actuellement pour la France, 245 % pour le Japon) et ceux qui la ramènent à la durée des échéances, en moyenne 7 ans, ce qui ramène la dette du pays à 12 % de PIB/an. Bizarrement, toute personne qui emprunte connaît bien le sujet puisque lors de sa demande d’emprunt, d’un appartement, par exemple, le calcul du banquier est bien de mesurer la part qu’occupe le remboursement mensuel (capital + intérêts) rapporté aux revenus sur la même période avec des emprunts dont la durée est souvent entre 15 et 25 ans voire davantage (certains emprunts en Suisse engagent l’emprunteur sur cinquante ans…) Où l’on voit les tenants de la thèse selon laquelle le budget d’un pays c’est comme le budget d’un particulier renoncer bizarrement à appliquer cet axiomatique à la dette d’un pays.

C’est évidemment là le poids de l’idéologie dominante en matière économique. On peut à ce propos se référer à ce que Le Monde en dira le lendemain. Dans le grand souci d’impartialité qu’on lui connaît maintenant depuis de nombreuses années, loin de donner la parole aux tenants de chaque thèse et ainsi donner à penser à son lecteur, il se contentera de laisser le commentaire économique à deux économistes libéraux qui, bien sûr, expliqueront tout le mal qu’ils pensent de ce programme de relance de 100 milliards. En d’autres termes, si on les suit bien, on ne peut rien faire d’autre que des politiques récessives, d’austérité dont même le FMI, via une étude réalisée en 2014, affirme pourtant les effets récessifs. Il ne fait aucun doute que le plan de relance sera au cœur des débats qui se profilent. On imagine sans peine que François Langlet, force graphique à l’appui,  se fera un plaisir de porter le fer sur cette affaire. On ne doute pas davantage que Jean-Luc Mélenchon saura lui répondre comme il le faut...

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4. et passe son « grand oral » à « L’Émission politique » d’Antenne 2

Ce jeudi soir, donc, « grand oral » sur France 2. Jean-Luc Mélenchon avait prévenu : « Cette émission, c’est un coupe-gorge ! ». Il devait donc s’y être préparé. Il n’a donc pas été déçu. D’emblée, histoire de mettre l’ambiance et la pression, on eut droit aux questions « sur le vif ». Et Léa Salamé de commencer avec le ralliement de Jannick Jadot à Benoît Hamon avec une présentation simple visant à expliquer que l’extrême-droite a une candidate, MLP, la droite a le sien, François Fillon, le centre aussi avec Emmanuel Macron et la gauche deux : Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Et, donc, un de trop. En clair, pourquoi JLM ne fait-il pas comme Yannick Jadot, ne rend-il pas son tablier, si ce n’est pour une simple affaire d’égo ?.. Et de passer le merveilleux appel de Yannick Jadot invitant peu ou prou JLM à faire comme lui… En clair, foin des programmes, de leur faisabilité politique avec une Assemblée nationale dont la composition importerait finalement peu, une seule chose compterait, se rallier au candidat du PS au nom du « vote utile ». L’offensive sur ce terrain n’est pas nouvelle : il s’agit, comme on l’a expliqué la semaine dernière, de refiler le mistigri de la division à JLM. Que Benoît Hamon ait promis de discuter avec JLM dès son élection à la primaire du PS acquise, qu’il n’en ait rien fait, etc. Qu’il n’ait en rien pesé sur les investitures du PS, tout ceci ne compte pour rien. Seul compterait donc l’objectif d’arriver en second le 23 avril. L’ironie de l’affaire, c’est que l’on sait maintenant dans le détail pourquoi les discussions entre Jadot et Hamon ont autant duré. L’affaire est révélée par le menu dans L’Obs (voir ici) : il s’agit bien de « cuisine électorale », autrement dit, non pas d’une discussion sur le programme mais sur les circonscriptions dans lesquelles le PS accepterait de ne pas présenter de candidat face à celui d’EELV… JLM eut donc à expliquer que non seulement il n’était pas le candidat de la division mais qu’il ne pouvait être question de se rallier sans qu’une discussion de fond sur le programme ne soit préalablement menée, que son courrier allant dans ce sens (voir ici) n’avait à ce jour reçu aucune réponse et qu’il proposait derechef à Benoît Hamon de se rencontrer dimanche ou lundi prochain. Et Léa Salamé de voir, sur la bases des points d’accord des deux candidats (l’écologie, la VIe République, repenser le temps de travail…), en Benoît Hamon l’héritier spirituel de Jean-Luc Mélenchon ! Ce dernier se contenta de rappeler que si, certes, Benoît Hamon se déclarait favorable à une VIe République, ce n’était en aucun cas le cas du PS et qu’il voyait mal comment pourrait s’enclencher le processus y conduisant avec une Chambre des députés composée en grande majorité d’adversaires à cet avènement… Idem sur la sortie du nucléaire. Et JLM de proposer à Benoît Hamon de faire la « marche pour la VIe République » le 18 mars à Paris…

 

La suite ne fut pas triste… Les « affaires » ! JLM a-t-il employé des membres de sa famille comme assistants parlementaires ? Et faute de pouvoir lui imputer des « emplois familiaux » comme Fillon, Léa Salamé de s’étonner que JLM puisse employer ses assistants parlementaires dans des manifestations en France. JLM eut beau jeu de lui demander si la France faisait partie de l’Europe…

 

On enchaîne alors sur la « sortie des traités », le « plan B » ? Jean-Luc Mélenchon prendra-t-il la responsabilité de faire sortir la France de l’Europe ? Réponse convenue : si Angela Merkel refuse la réforme des traités (statut de la Banque centrale européenne, harmonisation sociale et fiscale), alors le peuple français sera interrogé par referendum sur ce sujet. Et, bien évidemment, si la réponse donnée par les Français est contraire à celle préconisée par JLM, il démissionnera « façon De Gaulle et non Chirac ».

 

Et dans la série « sur le vif », faute de temps, on passera sur Fidel Castro – dont l’actualité n’est pas des plus évidente mais on dont devine qu’il était question de démonter que JLM est castriste – pour arriver sur le rapport d’Amnesty International sur les droits de l’Homme et Vladimir Poutine, JLM étant à l’occasion suspecté de ne jamais parler des droits de l’Homme… exemple russe à l’appui via l’assassinat d’un opposant de Vladimir Poutine. Là encore, réponse convenue, JLM rappelle son passé militant en faveur des opposants au régime soviétique, son soutien aux militants de Greenpeace qui avaient pris d’assaut une plateforme pétrolière et rappelé que le dirigeant de l’équivalent russe du Front de gauche était en prison et qu’il demandait sa libération. Dès lors, à l’accusation proférée par David Pujadas de ne rien dire à l’encontre de Vladimir Poutine en particulier en ce qui concerne l’action militaire de la Russie en Syrie, il fut assez aisé pour JLM de rappeler sa position sur la Syrie et le fait que, comme depuis des décennies et dans la tradition de la diplomatie française, il considérait la Russie comme un partenaire à qui il fallait parler, comme en son temps la France le fit avec le Tsar ou Joseph Staline… Il en profita pour rappeler que sa position coïncide très exactement avec la motion votée à l’unanimité de l’Assemblée générale de l’ONU.

 

Et on enchaîna sur les propositions économiques avec François Langlet à la manœuvre… Pas de graphique cette fois mais avec une paire de basket Nike devant lui, il entreprit de démontrer, à travers cet ustensile, que la relance de la consommation que prévoyait le programme économique de JLM reviendrait à accroître le déficit de la balance commerciale du pays. On retrouve là le procès fait en son temps à la gauche au pouvoir en 1981 d’avoir accru les déficits en distribuant du pouvoir d’achat avec comme outil d’actualisation de la critique le fait que ni les baskets, ni les téléphones, ni les meubles, ni... n’étaient dorénavant fabriqués chez nous. La perversité de cette critique est à double niveau : 1. Aucun débat sur le programme de relance lui-même ce qui empêche JLM de le présenter et de mettre en avant ses bienfaits supposés 2. Alors que toutes les politiques menées depuis des dizaines d’années conduisent à la désindustrialisation du pays, avec l’assentiment de l’école de pensée économique de François Langlet, il prend argument de cela pour interdire toute réforme visant à inverser cette mortifère tendance. C’est, sur le terrain de la production, le même argument que celui employé par ceux qui n’ont eu de cesse d’affaiblir l’État et l’intervention publique pour mieux se servir des effets délétères que cela engendre afin d’affaiblir encore plus la puissance publique et privatiser à tout crin. Sur ce point, la réponse de JLM fut de rappeler que les 100 milliards prévus pour l’investissement étaient fléchés et généreraient emplois et rentrées fiscales. Quant aux secteurs visés, 10 milliards seraient investis, par exemple, sur l’aménagement des accès aux gares, etc. pour les handicapés, tous ces aménagements étant fabriqués sur place avec de la main d’œuvre locale. Idem avec les pales des éoliennes et hydroliennes qui, de par leur taille (69 m) ne peuvent être fabriquées que dans le pays. Quant au déficit commercial du pays, il est pour moitié dû aux importations liées aux énergies fossiles (gaz, pétrole et uranium) qui seraient précisément diminuées avec le plan d’investissement dans les énergies alternatives. Et JLM d’enchaîner sur les hausses d’impôts prévues par le plan de relance (14 tranches pour l’IRPP, baisse des impôts pour ceux qui gagnent moins de 4 000 €/mois, suppression des niches fiscales, baisse de l’impôt sur les sociétés et taxation des profits des grandes entreprises qui ne sont en fait aujourd’hui taxées qu’à hauteur de 8 % quand l’impôt sur les sociétés qui frappent les autres entreprises est de 30 %, lutte contre la fraude fiscale qui coûte au pays 80 milliards d’euros chaque année, etc.)

Après ce rappel du programme, François Langlet qui ne trouva trop quoi objecter ne trouva rien de mieux que de mettre en avant les « similitudes » qu’il prétendait trouver entre les programmes de Marine Le Pen et de JLM. Grosse ficelle consistant, en substance, à dire extrême-droite et extrême-gauche ont le même programme… Nous fut donc donnée à voir cette merveille d’objectivité d’un journaliste du « service public » recruté pour sa complaisance envers la doxa néo-libérale : 

 

Similitudes JLM-MLP.jpg

 

Un grand moment, donc, où chaque point dut être discuté par JLM, en particulier en ce que Marine Le Pen sur nombre de ces points, et citations à l’appui, a été capable de dire tout et son contraire. Et JLM d’enchaîner sur la différence fondamentale entre eux deux : contrairement à JLM, MLP n’est pas républicaine, sa conception de la République est ethnique en ce qu’elle est pour la « préférence nationale » alors qu’un français sur quatre a un ascendant d’origine étrangère, qu’elle est favorable au « droit du sang » au lieu et place du « droit du sol » qui prévaut, qu’elle est « nationaliste » quand JLM s’affirme « patriote », que le « protectionnisme solidaire » suppose de négocier avec les autres quand MLP propose d’enfermer le pays, que la sortie de l’Europe alias le « plan B » ne s’envisage que si la renégociation des traités alias le « plan A » a échoué, etc.

Passé ce grand moment, on passa donc à la séquence « reportage sur le vif » consistant à entraîner JLM dans un centre de formation de conducteurs UBER. JLM s’en tira aisément en montrant combien pouvait être absurde un système consistant à faire des employés d’UBER des « indépendants » contraints de travailler 60 ou 70 h par semaine pour parvenir à tirer un SMIC… et, ce, sans le moindre filet de sécurité qui fait que si d’aventure ils tombent malade ou enceinte, ils ne sont en rien couverts ! Le reportage, en dépit des coupures faites, montra que loin de l’objectif cherché par les concepteurs de l’émission, JLM n’eut aucun mal à mettre ces futurs conducteurs de son côté… À noter que loin de l’image d’Épinal qui prévaut, les chauffeurs en question étaient très loin d’être jeunes et fringants… On était manifestement en présence de gens qui, ne supportant plus leurs conditions d’emploi précédentes, cherchaient à travers ce travail à bénéficier d’une « indépendance » dont ils avaient été trop longtemps privés. Ce fut en tout cas l’occasion pour JLM de rappeler que son programme prévoyait que toutes ces personnes voient leurs contrats requalifiés en CDI et qu’il serait mis fin au régime des indépendants – le RSI – qui est une véritable calamité.

« L’invité mystère », séquence classique, fut incarné par un comédien bien connu, ex-sociétaire de la Comédie française, ancien élu de Paris aux côtés de Bertrand Delanoë et soutien de Yannick Jadot, Philippe Torreton, dont le rôle pressenti devait manifestement être celui qui accuserait Mélenchon de « diviser la gauche ». À la grande déconvenue des présentateurs, il n’endossa pas le costume qu’ils lui avaient réservé et les propos tenus en début d’émission sur les futures discussions avec Benoît Hamon lui suffirent… L’entretien entre les deux hommes fut donc extrêmement sympathique, Jean-Luc Mélenchon se permettant de montrer qu’il connaissait parfaitement le livre de Jean Giono que Torreton lui offrait, « L’Homme qui plantait des arbres », montrant en cela sa grande culture… 

 

 Philippe Torreton - JLM.jpg

 

Comme de coutume, on enchaîna ensuite avec des « Français » censés être représentatifs, trois « vrais gens » comme aiment à les penser les animateurs… Une fois encore, le choix fait en étonnera plus d’un : la mairesse LR de Pierrelatte, commune sur laquelle est implantée la plus grande centrale nucléaire européenne, celle du Tricastin, le chef d’une BAC (brigade anti-criminalité) en Guadeloupe et une commerçante de Calais obligée de fermer boutique du fait des migrants. But de la manœuvre : mettre JLM en porte à faux avec sa proposition de fermeture des centrales nucléaires et les emplois que cela serait réputé supprimer, la dissolution des BAC censée être représentative du « laxisme » de la gauche à l’endroit de la délinquance et sa position sur les migrants qu’il n’envisage pas de rejeter à la mer… avec une malheureuse, confrontée à ces flots de migrants et qui, ayant voté PCF des années durant, se prépare à voter FN.

 

Trois Français.jpg

Le débat qui suivit avec Valérie Pécresse fut des plus convenus et JLM n’eut aucun mal à montrer que loin de multiplier les contrats d’apprentissages comme le prévoit le programme de François Fillon, il fallait à l’inverse, tout en maintenant le système d’apprentis là où il fonctionne correctement dans certaines professions, ouvrir des lycées professionnels afin d’amener la moitié des jeunes à un haut niveau de qualification, du CAP au BTS. On passera sur la tentative faite par Valérie Pécresse d’obliger JLM à se désolidariser des blocages d’établissements qui ont lieu actuellement à Paris et les violences auxquels ils ont donné lieu. JLM n’eut qu’à réaffirmer sa position constante sur le sujet : les violences sont aussi condamnables que contre-productives, etc.

 

Valérie Pécresse - JLM.jpg
 

 

Enfin, l’émission se conclut avec les traditionnels sondages… dont on retiendra que JLM a été jugé convaincant par 37 % des personnes interrogées (57 % chez les sympathisants de gauche), jugé comme faisant un « bon Président » aux yeux de 36 %  des personnes interrogées (57 % chez les sympathisants de gauche), résultat identique à celui obtenu par Benoît Hamon lors de son passage à la même émission.

 

Sondages JLM fin d'émission.jpg

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5. Un grand artisan de l’agriculture industrielle est mort

Le salon de l’Agriculture ouvre ses portes ce samedi à la Porte de Versailles au lendemain du décès à l’âge de 58 ans d’un des artisans de la Berezina de la politique agricole, à savoir celui qui présidait la FNSEA, Xavier Beulin. Comme le dit sa fiche Wikipédia en son préambule, Xavier Beulin était « un homme d’affaires, industriel, actionnaire, administrateur, lobbyiste, syndicaliste et agriculteur français ». Cette même fiche indique que « Selon ses proches, il viendrait sur son exploitation seulement “de temps en temps” pour “retrouver ses sources” ». On comprend dès lors très vite que, dans ses activités, l’homme fut très accessoirement « agriculteur »… Il fut en effet l’archétype de tout ce monde qui n’a eu avec la paysannerie qu’il était censé défendre que des rapports très éloignés et, qu’à l’inverse, son activité essentielle s’est tournée du côté de ceux qui en ont organisé l’exploitation par les grands groupes de l’agro-alimentaire, ceux qui ont fait la mort de l’agriculture française tant en ce qui concerne le nombre de personnes qu’elle fait vivre que de la qualité de sa production et des conditions dans laquelle celle-ci est organisée. Mediapart a publié à l’été 2015 un résumé tout à fait édifiant : « Effondrement des cours du porc, crise des éleveurs, poids extravagant des industriels de l'agro-alimentaire... Un homme est au cœur de la crise agricole française : Xavier Beulin, puissant patron du syndicat FNSEA mais aussi dirigeant d'un empire de l'agro-business, Avril-Sofiproteol. Ce groupe pèse aussi lourd qu’Areva. Agrocarburants, lait, œufs, huile, finances, semences : il est partout, et influe d’autant plus sur l’agriculture française que son patron préside le puissant syndicat agricole devant lequel plient les gouvernements. Le résultat : profits d’un côté, disparition des petits paysans, artificialisation des terres et pollution de l’autre. Voici Avril-Sofiproteol. » Et de renvoyer sur un article très fouillé de Reporterre (voir ici) sur le personnage et ses activités.

 

Xavier Beulin.jpg

 

On ne s’étonnera pas, dans ces conditions, de voir s’être pressés devant sa dépouille, aux côtés du Président de la République, François Hollande et de son Premier ministre, Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, ses prédécesseurs Bruno Le Maire, Henri Nallet et Michel Barnier, ainsi que le commissaire européen à l’Agriculture Phil Hogan, Nicolas Sarkozy, François Fillon, Emmanuel Macron, François Bayrou, Manuel Valls, Claude Bartolone, Gérard Larcher, Valérie Pécresse, François Baroin, Xavier Bertrand et Jean-Louis Borloo. Du « beau monde », en vérité, qui dit tout des connivences que ces gens-là entretiennent et tout de la politique agricole qu’ils promeuvent, cette politique qui fait qu’un agriculteur se suicide tous les trois jours, que des dizaines de milliers d’entre eux perçoivent l’équivalent du RSA et n’arrivent plus à vivre de leur travail. Beau bilan en vérité. Il est décidément des syndicalistes qui méritent mieux ce titre !

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@ suivre…

 



26/02/2017
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