Tout changer pour que rien ne change…
Dimanche 14 mai 2017
Sujets traités :
- Un résultat en trompe-l’œil
- Législatives : la revanche ?
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- Un résultat en trompe-l’œil
Chacun le savait, nul ne pensait que Marine Le Pen avait la moindre chance de gagner. Seul comptait finalement et comme prévu d’être au 2ème tour face à elle. Raison pour laquelle, loin d’argumenter sur son programme, l’ensemble des médias la laissa tranquille avant le 1er tour et se contenta de jouer sur la corde « antifasciste » au second. Des SA, des hordes nazies n’étaient-elles pas tapies dans l’ombre prêtes à nous refaire une nuit de cristal ? Claude Lanzmann, qu’il est difficile d’accuser de minimiser la menace fasciste, avait dit combien tout ceci est ridicule, combien beaucoup ont joué à se faire peur… (voir ici). Mais, il faut bien le dire, Marine Le Pen a son utilité : elle aura été le plus sûr moyen de faire élire le plus pur représentant du système financier. Selon le mot désormais célèbre du Prince Salinas dans Le Guépard de Luchino Visconti « il faut tout changer pour que rien ne change ». Emmanuel Macron gagna donc le 2ème tour, haut la main, avec plus de 66,1 % des suffrages exprimés et, donc plus de 32 points d’écart !
Ce « magnifique » résultat souffre cependant de plusieurs biais :
- d’abord, la comparaison avec une situation semblable, celle de 2002, qui vit s’affronter Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen avec le résultat que l’on sait, c’est-à-dire près de 80 % des voix pour le vainqueur, un écart de plus de 50 points !
- Ensuite, et l’un n’est pas sans lien avec l’autre, c’est le faible taux de participation (74,6 %) et, de surcroît, le très grand nombre de bulletin blancs et nuls. Cela a été souligné, c’est le plus bas taux de participation jamais enregistré sous la Ve République pour un tel scrutin en dehors de l’élection de 1969 qui voyait s’affronter Georges Pompidou à Alain Poher, « Blanc bonnet, bonnet blanc » selon le mot resté célèbre de Jacques Duclos. De sorte que, en faisant l’impasse sur le français sur dix qui n’est pas inscrit sur les listes électorales (!), en première approximation, on obtient ceci :
Et si l’on a le souci d’aller y voir un peu plus finement :
En d’autres termes, sous l’apparence d’un « triomphe » souligné par des médias conformistes, se cache une grande faiblesse : contrairement à ce qu’a pu affirmer un François Bayrou sur les plateaux télé après l’annonce du résultat, les français sont loin, très loin, d’avoir plébicité le programme d’Emmanuel Macron. On aura largement l’occasion d’y revenir…
On se gaussera à bon compte de la mise en scène préparée de longue date de la victoire au soir du 7 mai, le défilé des voitures cernées par les motards dans des rues désertes jusqu’à cette pitoyable arrivée devant la pyramide du Louvre et le discours grandiloquent adressé à ses supporters à qui l’on avait préalablement servi un triste spectacle, celui de jeunes filles dénudées s’exhibant sur une fond de musique de boîte de nuit… On a beau savoir que l’important est ailleurs, ça n’en reste pas moins ridicule et, pour tout dire, assez dégradant pour notre pays et, accessoirement, ceux et celles qui y ont assisté.
- Législatives : la revanche ?
L’important, en effet, est ailleurs, autrement dit dans ce qui va suivre, à savoir les élections législatives du mois de juin. On l’a dit, sans grande originalité, il faut bien en convenir, les grandes manœuvres ont commencé. Dès le résultat connu, les ralliements se sont multipliés. Une partie de la droite, essentiellement autour d’Alain Juppé et de Bruno Le Maire se verraient bien être de la « majorité présidentielle » puisque, comme certains l’ont avoué, rien de sérieux ne les oppose au programme d’Emmanuel Macron (cf. les déclarations de Coppé sur France inter ce dimanche). Quant aux « socialistes en peau de lapin », outre les ralliés de la première heure tel le maire de Lyon, se pressent tous ceux qui sont sur la même ligne libérale et qui craignent que le parti auquel il appartiennent encore ne soit durement sanctionné, autrement dit qu’avec une étiquette PS les électeurs ne les congédient. Parmi eux, l’ancien Premier ministre Manuel Valls, élu d’Évry où Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête au premier tour… Bref, les places sont chères car Emmanuel Macron préfère infiniment des marcheurs novices en politique, donc facilement disciplinables à tous ces vieux briscards de la politique capables de trahir dès que l’occasion se présentera et pour peu qu’ils estiment que cela serve leur carrière politique. En outre, il convient de faire en sorte que LR explose, autrement dit donner des gages à droite. Emmanuel Macron sait trop bien qu’on n’attire pas des mouches avec du vinaigre, qu’il faut donner des assurances à tous ces politiciens qui, derrière François Fillon, ont perdu au premier tour et craignent eux aussi pour leur carrière, leur gagne-pain.
La semaine entière a donc été focalisée sur la liste des candidats investis par En Marche ! devenu La République en marche ! pour les législatives. François Bayrou y est allé de son « retenez-moi ou je fais un malheur » afin que ceux qui sont en charge des investitures consentent à laisser aux siens une plus large place, tel ce notaire de province, de ses amis, qui avait été injustement négligé… S’agissant du « traître de service », Manuel Valls, il fut décidé de ne lui opposer personne, façon de l’investir sans l’afficher et, ce, au motif qu’il ne faudrait pas « humilier un ancien premier ministre ». On ne rit pas… Une séance de formation accélérée des impétrants macroniens s’est tenue ce samedi. On aura la pudeur, là aussi, de ne pas rire sur le contenu. On sait trop que s’ils doivent être élus, leur rôle essentiel sera de jouer les « godillots », dans la plus pure tradition de la Ve République. Ils apprendront très vite que leur présence à la chambre n’est nullement obligatoire sans qu’il leur en coûte exagérément, que l’essentiel est qu’ils soient de « bon petits soldats » unis derrière le chef, le monarque républicain, que la discipline de vote est une vertu cardinale et qu’à peine installés il leur sera proposé d’abdiquer en accordant au président de la République le droit de légiférer par ordonnances, autrement dit de se passer de leur avis et de leurs éventuelles contributions. Nombre d’entre eux, satisfaits de goûter aux ors du palais Bourbon le feront sans barguigner, sans voir combien une telle entreprise est le plus sûr signe de leur insignifiance.
Pour autant, et contrairement à ce qu’on a connu par le passé, la victoire aux législatives ne va pas de soi. Les deux tours de la présidentielle ont montré combien fragile était le résultat obtenu par Emmanuel Macron. Du côté de LR, la défaite de François Fillon et sa troisième place montre qu’en dépit des « affaires », il reste un socle d’électeurs relativement solide que ni Emmanuel Macron ni Marine Le Pen n’ont conquis. D’aucuns pensent donc à une revanche possible. C’est ce qui motive l’attitude intransigeante de celui qui est en charge de mener le combat des législatives, François Baroin. Quiconque rejoindra En Marche ! se verra de fait opposer un candidat LR. Du coup, ça hésite, ça calcule… J’y vais, j’y vais pas ? De ce point de vue, la nomination au poste de premier ministre d’un élu LR serait sans doute un gage à leur endroit. Raison pour laquelle le maire du Havre, Edouard Philippe, tient la corde. L’homme est jeune, 47 ans, a enlevé une ville de longue date dirigée par la gauche aux dernières municipales, sait en outre tenir un discours accommodant et a su se singulariser en soulignant combien la ligne thatchérienne de François Fillon avait le grand inconvénient de couper LR des classes populaires.
À gauche, le PS explose « façon puzzle ». Son candidat, Benoît Hamon, n’a recueilli qu’à peine plus de 6 % des suffrages exprimés et, ce, malgré le ralliement du candidat écologiste Yannick Jadot… Et, de surcroît, procès peut légitimement lui être fait d’avoir empêché Jean-Luc Mélenchon d’être au second tour (600 000 voix ont manqué pour cela). La gauche est donc, de fait, massivement dominée par la France insoumise et le PS a tout lieu de craindre que, dans un scrutin à caractère national comme le seront ces législatives, le « vote utile » qui a déjà fortement joué au 1er tour des présidentielles ne se renforce à cette occasion. Autrement dit que l’électeur de gauche, par delà les divergences qu’il peut avoir ici ou là avec le programme de la France insoumise, « L’avenir en commun », se dise que la seule façon de voter efficacement est de voter pour les candidats FI. Ceci étant, de ce côté de l’échiquier politique, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles… La semaine écoulée a en effet été marquée par l’impossibilité de conclure un accord entre FI et le PCF. On sait, certes, que le PCF n’est plus que l’ombre de lui-même, qu’à supposer qu’il eût préféré présenter un candidat autonome, celui-ci eut vraisemblablement faite un score ridicule, que ses adhérents, pour ce qu’il en reste, sont d’un âge avancé, bref que ce parti est depuis longtemps sur la pente d’un déclin mortifère. Mais, pour autant, le constat de mort clinique n’est pas fait et, faute d’être encore capable d’agir, il peut encore nuire. Sa survie tient en effet, faute d’adhérents qui cotisent en masse, au résultat des législatives qui, comme on peine parfois à s’en souvenir, conditionne l’aide publique. C’est ainsi que le PCF a pu récolter environ 3 millions d’euros pour la seule année 2015 (voir ici). C’est sans nul doute ce qui a présidé au refus de l’offre qui lui était faite par la France insoumise de passer un accord minimal de désistement sur 56 circonscriptions dans lesquelles, pour moitié, le candidat du PCF ne se voyait opposer aucun candidat FI et inversement pour l’autre moitié. Faute d’accord, on verra donc s’opposer dans la grande majorité des circonscriptions des candidats FI et des candidats PCF, avec le risque de dispersion des voix qui préside à une telle configuration… Le pire n’étant jamais sûr, il semble que dans un certain nombre d’endroits les militants de FI et du PCF fassent fi de cette division au sommet et, conscients de l’enjeu, passent des accords. Ainsi en sera-t-il à Marseille et plus largement dans les Bouches-du-Rhône, à Nice, etc.
Marseille est évidemment emblématique puisqu’on le sait maintenant, c’est dans la 4ème circonscription de cette ville que Jean-Luc Mélenchon a choisi de se présenter, face à un élu du PS bien connu, Patrick Mennucci, dont la faconde et les méthodes ont tout à voir avec le PS façon Gaston Defferre, autrement dit alliant un clientélisme forcené à un verbe haut en couleur et un anticommunisme légendaire. Ce combat-là sera suivi de près et, bien sûr, à peine connue, la candidature de Jean-Luc Mélenchon a immédiatement été qualifiée de « parachutage », comme si ces élections consistaient à connaître chaque trottoir et chaque école, autrement dit comme si les députés étaient des élus locaux quand, en réalité, leur élection n’est locale qu’en ce qu’ils sont élus par un corps électoral défini géographiquement mais qu’ils sont bien tous des élus nationaux ayant à voter la loi sur l’ensemble du territoire national.
Le pari de Jean-Luc Mélenchon dans ces législatives est d’arriver à ce que les 7 millions de voix qui se sont portées sur son nom au premier tour de la présidentielle se portent sur les candidats de son « mouvement » au premier tour des législatives. Ce pari-là, on l’aura compris, n’est pas gagné d’avance. Tous les commentateurs politiques, les « éditocrates », font déjà le pari que, dans la plus pure tradition de la Ve République, la seule question qui vaille est de savoir si Emmanuel Macron transformera l’essai, autrement dit aura une majorité absolue au parlement au soir du 2ème tour ou si, par défaut, non loin de l’avoir obtenue, il lui faudra passer accord avec telle ou telle fraction représentée, LR par exemple.
Bien évidemment, une partie du débat des législatives ne manquera pas de se porter sur le projet annoncé de gouverner par ordonnances durant l’été afin de mettre à bas le code du travail. Au passage, et à ceux qui n’ont de cesse de nous expliquer que la bible du troisième pilier du pouvoir judiciaire, la justice prudhommale, que ce « code du travail » souffre d’obésité, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que son volume n’a rien à envier à bien d’autres, comme en témoigne le graphique ci-dessous…
Loin donc de souffrir d’une obésité excessive – la très grande majorité de ce code est constitué de jurisprudences nombreuses – la complexité qui lui est reprochée tient, pour l’essentiel, à ce que le patronat a demandé et obtenu que chaque règle souffre des exceptions dont il puisse bénéficier dans la branche dont il fait partie. Ce code a le mérite de sanctionner un principe fondamental, la « hiérarchie des normes », autrement appelé « principe de faveur », c’est-à-dire le fait que la loi vaut sur un accord de branche, lequel à son tour vaut sur un accord d’entreprise au sein d’une branche sauf à ce que cet accord soit plus favorable aux salariés. C’est ce point qui va être l’objet des ordonnances, autrement dit, sans trop caricaturer, celui se savoir si l’on fait un code de la route valable dans chaque rue ou pas. Subséquemment, se jouera également la reconnaissance des diplômes et la place que leurs titulaires occuperont dans la hiérarchie des salaires. Là où, aujourd’hui, tout ceci fait l’objet de discussions qui se mènent dans un cadre paritaire réunissant employeurs, représentants des salariés et Éducation nationale pour sa mise en œuvre, se substitueront, si la réforme passe, des diplômes « maison », des centre de formation qui ne le seront pas moins et, bien sûr, des salaires déconnectés autrement dit à la baisse. C’est donc là, en fait, un recul historique des droits des salariés de ce pays. C’est la mise en œuvre de ce que l’Europe demande à chaque pays qui la constitue de faire : de l’ajustement interne autrement dit une baisse des rémunérations de ses salariés quand, dans le même temps, les profits explosent, en France en particulier. Notons au passage qu’aucune étude menée à ce jour par des organismes aussi peu suspects que l’OCDE ne prouve que cet « assouplissement » du marché du travail ne crée d’emplois. L’impossibilité qui sera faite aux tribunaux prudhommaux de sanctionner un licenciement abusif à hauteur du préjudice subit et de la faute commise par l’employeur est une autre facette de ce que viseront ces ordonnances. Autrement dit, ce que le gouvernement Valls avait été contraint de lâcher lors de la loi El Khomri se verra ici remis en cause et l’impunité patronale sanctifiée. C’est là, au passage, une remise en cause du pouvoir d’appréciation des tribunaux à nulle autre pareille puisqu’elle introduit une automaticité de la peine contraire à toute justice digne de ce nom.
Autre dossier qui ne manquera pas de faire quelques vagues, le projet d’Emmanuel Macron de faire souscrire aux retraités une couverture pour un risque qui leur est inconnu, le chômage. Gageons que dans cette partie de la population qui, loin de l’image d’Épinal qu’on se plaît à lui coller, est loin de rouler sur l’or, cela passe assez mal… Enfin, sujet également très sensible, la réforme « systémique » des retraites selon un principe que les Suédois ont déjà à subir, autrement dit un système « à points » qui fait que loin de pouvoir connaître quelle retraite on touchera en arrêtant son activité introduit un doute systématique puisque le montant des retraites est révisable à tout moment selon des paramètres aussi peu transparents et prévisibles que la croissance, la démographie, etc. Il suffit pour s’en convaincre de revoir quelques interviews passées auprès de retraités suédois pour voir les effets délétères d’une telle mesure. Bien évidemment, là aussi, la mesure, loin d’être ce qu’elle prétend être, à savoir une mesure de justice sociale, se traduit par des baisses de pensions et un nombre croissant de retraités qui ne parviennent pas à « finir les fin de mois ». Ajoutons que rien dans les prévisions établies par le COR (Conseil d’Orientation des Retraites) ne justifie de prendre une telle mesure puisque les régimes de retraites sont à l’équilibre et pour longtemps. Le seul effet tangible, en dehors des baisses de pensions, est d’obliger les salariés à retarder leur date de départ à la retraite. Dans un pays comme la France où la natalité est bien différente des pays du nord, Allemagne en tête, cela revient à priver la jeunesse d’emplois qu’elle a déjà beaucoup de mal à trouver. Ajoutons pour conclure momentanément sur ce point, que c’est déjà là l’effet produit par les différentes réformes des retraites faites depuis 1993 (réforme Balladur) avec cette conséquence plus que problématique, c’est qu’au lieu de percevoir une pension, les travailleurs âgés se retrouvent au chômage sans que jamais le taux d’emploi des séniors ne grimpe puisque notre pays a l’un des plus bas taux d’activité des plus de 50 ans de l’OCDE. On est ensuite priés de s’étonner du déséquilibre de la caisse chômage, raison pour laquelle, sans doute, Emmanuel Macron prévoit d’assujettir les retraités au risque chômage…
À noter, sur ce point, que cette mesure ne fait qu’élargir ce qui a déjà été fait aux fonctionnaires en activité que l’on a contraint à cotiser pour un risque chômage auquel, sauf mesure disciplinaire particulière, ils ne sont pas menacés…
Il faut enfin dire un mot du Front national au lendemain de la défaite de Marine Le Pen. Dans ses rangs, peu nombreux furent ceux qui pensaient qu’elle avait la moindre chance. Le ralliement d’entre-deux tours de Dupont-Aignan (qui ne fut d’ailleurs pas suivi en cela par ses électeurs), l’absence de bascule d’élus de droite ne présageait rien de bon. En témoigne le lieu prévu pour le rassemblement de ses partisans au chalet du lac, lieu dans lequel il est bien difficile d’entasser les foules qu’une victoire eut mobilisées… L’affaire était entendue et la seule inconnue résidait dans l’ampleur de la défaite. 60/40 eut été honorable, 66/34 le fut beaucoup moins. De sorte que la soupe à la grimace fut le plat le mieux partagé ce soir-là. On ne s’en plaindra certes pas mais, en interne, la division du FN si bien illustrée géographiquement avec les succès du FN dans le Nord et l’Est de la France d’une part et le Sud-est méditerranéen d’autre part s’en trouve renforcée. La « ligne Philippot » est sur la sellette. En face, on le sait, la nièce de Marine, l’héritière spirituelle du borgne fondateur, exclu du parti, est à la manœuvre. Souhaitant probablement marquer par là son opposition, la jeune députée du Vaucluse a décidé de quitter la politique, au grand dam du grand-père qui voit là une désertion. En fait, on peut penser que loin des arguments présentés, Marion Maréchal-Le Pen souhaite par sa désaffection n’avoir plus à endosser les échecs du parti qui, de ce fait, seront totalement imputés à sa tante. Elle joue donc le coup d’après, autrement dit le fait que tous ces cadres qui se sont enrôlés au FN dans le souci d’arriver un jour au pouvoir ne tirent les leçons politiques de ces échecs successifs et, suite à un putsch qu’elle aura soigneusement organisé, ne débarquent Marine Le Pen et ne l’appellent à la rescousse à l’issue. C’est un pari, elle est jeune, le temps joue pour elle, il lui suffit d’attendre et de conspirer un peu… En tout état de cause, la bataille des législatives pour le FN ne va pas être une partie de plaisir. Même si le FN est arrivé en tête du 1er tour dans de nombreuses circonscriptions, il a tout lieu de craindre que, comme au 2nd tour de la présidentielle, dans chacune de ces circonscriptions ne se reconstitue le TSFN – tout sauf le FN – qui a si bien servi à Emmanuel Macron. La Ve République étant ce qu’elle est avec son mode de scrutin si particulier, uninominal majoritaire à deux tours, qu’il n’est pas impossible d’imaginer que ce parti, fort de 20 % des suffrages, ne se voit néanmoins réduit à quelques unités au parlement. La France est le seul pays « démocratique » d’Europe à avoir un tel système. Ceux qui en bénéficient s’en réjouissent, bien sûr. Disons-le, même si l’on ne partage aucune des idées du FN, c’est un système parfaitement anti-démocratique qui fait que la représentation nationale a si peu à voir avec la réalité politique du pays. Le parlement en est structurellement affaibli et se voit réduit, par tous les pouvoirs en place, au rôle vulgaire de chambre d’enregistrement à qui, le cas échéant, on tord le bras avec le 49.3. Emmanuel Macron, sous l’amicale pression de François Bayrou, a promis d’introduire « une dose de proportionnelle » pour les futurs scrutins. Gageons que la dose sera purement symbolique et qu’elle ne changera en rien cette loi d’airain qui fait que la Ve est, sauf exception, une monarchie présidentielle ayant fort peu à voir avec la démocratie.
@ suivre…
P.S. : rude journée que ce dimanche de « passation de pouvoir » avec son flot de commentateurs enamourés faisant assaut de complaisance et de servilité à l’endroit du nouveau président. Aucun, par exemple, pour souligner cette étrangeté que les Champs-Élysées étaient quasi vides, que la place de l’hôtel de ville rassemblait à peine plus de monde qu’à l’intérieur de la mairie où se pressaient les « happy few » de la macronie, bref que la popularité du sieur Macron n’est pas des plus manifeste… Par bien des aspects, à entendre tous ces commentateurs de complaisance qui se prétendent journalistes, on en vient à se demander ce qu’ils peuvent bien reprocher à des pays tels que la Corée du Nord ou la Russie. La 39ème place qu’occupe notre pays au classement mondial de RSF sur la liberté de la presse (voir ici) n’est manifestement pas sans fondement et a, hélas trouvé ce jour, une bien triste illustration…
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