Folle semaine à droite
Dimanche 5 mars 2017
- Il insiste… mais jusqu’à quand ?
- Macron, le candidat du système, précise son programme
- À gauche : la division, sans surprise !
- Droit de suite
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On l’aura compris sans peine, il s’agit ici de François Fillon. Nous avions souligné ici combien le Penelopegate plombait sa campagne, le rendait inaudible. On s’était fait à l’idée qu’en dépit de cela il irait jusqu’au bout… Mais c’était sans compter avec ce qui va avec son élection ou pas, c’est-à-dire la prise de contrôle de l’État par tous ceux qui l’accompagnent dans cette aventure, élus de toutes sortes, qui voient avec terreur l’élection imperdable leur échapper. C’est que les sondages, quels que soient leurs défauts, laissaient paraître depuis un moment et avec une belle constance la perspective que François Fillon occupât la 3ème place au soir du 23 avril et que, donc, dans le camp de Fillon s’installe le doute. Arrive le salon de l’Agriculture qui est censé être à LR ce que la fête de la musique est au PS, un terrain conquis, qui laisse Marine Le Pen se promener 10 heures durant dans les allées avec peu de résistance et surtout beaucoup de soutien. En d’autres termes, une partie de la paysannerie qui s’y produit ne verrait pas d’un mauvais œil qu’elle conquît le pouvoir… Une claque pour LR dans cette frange de l’électorat qui lui a toujours fait montre d’une grande fidélité. François Fillon était donc censé s’y montrer en ce mercredi 1er mars à 9 h du matin. Et, là, rien, personne sinon des délégués de campagne perdus, téléphone à l’oreille… On apprend que le candidat de « la droite et du centre » a convoqué une conférence de presse à midi au siège de campagne dans le XVème arrondissement. L’info tourne sur toutes les chaînes en continu. Les spéculations vont bon train… Fillon lâche l’affaire… ou pas. 12 h 30 : la conférence de presse se réduit à une mâle déclaration où l’on apprend sa raison d’être – François Fillon sera convoqué le 15 mars par les juges du PNF en vue d’une mise en examen – et sa volonté réaffirmée de ne rien lâcher, de tenir bon, de rester candidat. En d’autres termes de ne pas faire ce qu’il avait promis dans ce cas…
La suite, la fin de la semaine, se réduira à une longue suite de défections dans les rangs du candidat à commencer par le responsable de la campagne, le très habile Patrick Stefanini, le trésorier de campagne Gilles Boyer, l’organisateur des primaires et porte-parole de Fillon, Thierry Solère, la directrice-ajointe et très sarkozyste Catherine Vautrin, Bruno Lemaire et tous ses petits camarades largement investis dans la campagne, l’ensemble des « jupéistes », des députés, des sénateurs, l’UDI, etc. Le bateau prend l’eau de toutes parts et François Fillon, contre toute logique, entend rester « droit dans ses bottes », crie au complot judicaire et appelle ses soutiens à se retrouver Place du Trocadéro dimanche 5 mars. Tous ces « lâcheurs » s’expriment en demandant à François Fillon de renoncer et appellent, pour le plus grand nombre, à ce que la « droite et le centre » se donne un nouveau candidat en la personne d’Alain Juppé, seul susceptible à leur yeux de reprendre le flambeau. Alain Juppé, lui, se tait, laisse ses amis, telle son adjointe de la mairie de Bordeaux, Virginie Calmels, faire le travail de sape. On apprend par ailleurs que le merveilleux rassemblement du Trocadéro sera organisé par « la manif’ pour tous » ou, du moins, son avatar « Sens Commun » et la très médiatique Frigide Bargeot, pseudo de Virginie Merle, dont chacun connaît le tube « Avec deux doigts » et ses inoubliables paroles : « Fais-moi l’amour avec deux doigts parce qu’avec trois, ça ne rentre pas » ! (voir ici). Les organisateurs ont d’abord annoncé viser 100 000 personnes pour rapidement se rabattre sur un objectif plus raisonnable, la moitié…
À l’issue de cette folle semaine, se profile une situation que l’on peut sans trop de peine comparer à ce qu’a vécu le Parti Républicain aux USA, avec une « base » cul-bénit façon Tea Party et des responsables de parti qui se pincent le nez. Si d’aventure le rassemblement du Trocadéro, grâce au réseau Manif’ pour tous, n’est pas un échec, on aura droit à un Fillon disposant d’un semblant de légitimité, de la caisse – l’argent de la primaire, par exemple – et d’un réseau militant réduit à ses soutiens initiaux de la primaire auxquels se seront agrégés plus largement ceux de la frange catho tradi. Il est difficile d’imaginer qu’il puisse imaginer poursuivre ainsi mais, visiblement, l’homme est têtu et quitte à perdre, peut-être choisira-t-il de le faire avec panache, ne serait-ce que pour embêter tous ceux qui viennent de le lâcher…
On passera pudiquement sur l’interview donnée ce dimanche 5 mars par Penelope au JDD… pour s’intéresser au rassemblement des Pro-Fillon place du Trocadéro qui a réunit quelques dizaines de milliers de personnes, bien mises, propres sur elles… Les organisateurs ne reculant devant rien annonceront gaillardement 200 000 personnes alors que la superficie de la place n’en autorise au mieux que 50 000, bien tassées… Bien évidemment tous ces « militants » furent invités à se serrer autour de la tribune afin que les media puissent diffuser des images flatteuses au journal du 20 h. Mais qu’importe, l’essentiel est ailleurs et d’abord dans les chefs de file de la droite présents autour de François Fillon. Peu nombreux dans le genre, seuls quelques-uns consentiront à se montrer tels Luc Châtel ou François Baroin. Le discours fut conforme à l’attente de la foule, François Fillon y redit combien il avait le cuir solide, combien ceux qui le lâchaient faisaient œuvre de couardise. Il se garda bien néanmoins d’affirmer comme lors de la conférence de presse que rien ne l’obligerait à abandonner. C’est qu’il sait trop bien, après 40 ans de politique, qu’une telle bataille ne se gagne pas en réunissant 50 000 supporters. Il sait, par exemple, que le lendemain, LR réunit son « comité politique » avec un jour d’avance sur le calendrier en vue « d’examiner la situation politique », autrement dit l’avenir de la candidature Fillon. Il sait, certes, que le rassemblement du Trocadéro fera son petit effet mais il sait aussi qu’il en faut davantage pour impressionner tous ces vieux briscards de la politique, tous ces crocodiles rompus aux marigots les plus glauques. Tiendra-t-il ? La droite va-t-elle « changer de cheval » ? La semaine qui vient devrait nous éclairer…
Emmanuel Macron nous avait déjà gratifiés la semaine passée des grandes orientations de son programme. Il complète en ce 2 mars en apportant des précisions dans un document de 32 pages intitulé « Contrat avec la Nation » comprenant 6 « chantiers », entendez « l’éducation et de la culture », « la société du travail », « la modernisation de notre économie », « la sécurité de la Nation », « le renouveau démocratique » et « l’engagement au plan international ». La presse était bien sûr au rendez-vous et, là, contrairement à d’autres candidats, on n’eut pas droit à des qualificatifs péremptoires et désapprobateurs. Sans doute la présentation faite par le candidat fut-elle ennuyeuse, sans doute nombre des mesures présentées étaient-elles déjà connues voire déjà en vigueur – telle l’interdiction des portables à l’école… – mais comment demander à la presse mainstream de faire son travail quand elle est en charge de rendre-compte du programme (ou prétendu tel) du « meilleur d’entre nous », du candidat du système en majesté ? Comme on s’y attendait s’agissant des derniers « chantiers », on est dans le convenu, dans l’attendu. Sans surprise, le candidat s’affiche européiste grand teint, respectant les 3 %, grand amateur de l’axe franco-allemand, augmentant le budget militaire à hauteur des 2 % demandés par Donald Trump, ce qui ne devrait pas nous ruiner puisqu’on est déjà à 1,86 %, baissant l’impôt sur les sociétés de 33 à 25 %, gardant le CICE et l’ensemble des cadeaux déjà faits au cours du quinquennat de François Hollande et à l’origine desquels il était, reprenant la défiscalisation des heures supplémentaires chères à Nicolas Sarkozy, etc. Sur l’école, il prévoit de multiplier par deux le nombre de maîtres de CP et CE1 dans les « zones prioritaires » alors que l’on a bien compris que le cadre général serait contraint par la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires dont l’Éducation nationale ne manquerait pas de fournir les gros bataillons d’autant qu’il prévoit de créer 10 000 postes de policiers et gendarmes… Et quand on lui demande de préciser où se feront les suppressions de postes, il botte en touche, expliquant que lorsque le chef d’une entreprise du CAC 40 prévoit des réductions d’effectifs, il ne donne pas le détail des sites de son entreprise dans lesquels il entend le faire… Ben voyons ! Idem avec son projet d’exonérer 80 % des ménages de la taxe d’habitation. Comment les collectivités locales combleront-elles le trou ainsi créé ? Mystère et boule de gomme ! Une mesure a toutefois émergé de ce fatras : la fin des régimes spéciaux de retraites c’est-à-dire, pour l’essentiel, la mise en place d’une système de retraites à points, autrement dit dans lequel chaque retraité touchera à due proportion de ses cotisations. Le régime des fonctionnaires est évidemment la cible de cette mesure. On sait qu’aujourd’hui, deux personnes ayant cotisé le même nombre d’années dans le privé (régime général + complémentaires) et dans le public (régime des fonctionnaires), à qualification égale, ont en gros le même taux de remplacement (retraite perçue/dernières rémunérations avant retraite). Emmanuel Macron prétend ainsi faire de l’égalité quand, en réalité, là où un tel système a été mis en place, en Italie par exemple, on sait ce qu’il en advint : les retraités du public ont vu leur retraite divisée par deux ! À l’objection qui lui est faite que cela risquait de faire connaître au pays des grèves et des manifestations comme le pays en a déjà connues (1995, par exemple), le candidat explique que s’il est élu c’est que le pays est d’accord avec cette mesure, comme avec toutes les autres… et qu’en outre le système prendrait une dizaine d’années – deux mandats, donc – pour se mettre en place et que, bien sûr, les fonctionnaires proches de la retraite ne seraient pas touchés quand ceux qui entreraient dans la fonction publique le seraient d’emblée. En d’autres termes, dans le slogan affiché sur le programme « Nous ne toucherons pas à l’âge de départ à la retraite, ni au niveau des pensions », à supposer que le premier terme soit retenu, le second est évidemment, comme toutes les réformes des retraites faites auparavant, une contre-vérité évidente.
Lorsqu’on va sur le site du candidat, le programme téléchargeable (voir ici) ressemble davantage à un catalogue de mesures qu’à un programme, mesures dont beaucoup sonnent creux. On y cherchera vainement, en particulier, le moindre chiffrage ce qui, venant d’un inspecteur des finances, en dit long sur l’improvisation qui a prévalu à l’exercice. Il ne fait guère de doute que les autres candidats ne se priveront pas de souligner les grandes faiblesses de ce maigre édifice… Que cela suffise à dégonfler la « baudruche » Macron est une autre affaire. Le programme est manifestement accessoire. Une seule chose compte : faire dans la droite ligne de la politique menée ces dix dernières années par Sarkozy d’abord, Hollande ensuite. Donner l’impression que ça bouge pour que rien ne bouge sur le fond, c’est-à-dire enfoncer toujours plus le coin néo-libéral dont Emmanuel Macron est le parangon.
Petite incise pour conclure la rubrique Macron, à ceux qui n’ont pas vu le changement de règles présidant les médias concernant les élections, changement passé par décret par nos grands hommes de gauche que sont les socialistes « hollandais », voici la répartition du temps de parole alloué aux candidats « probables » dans la semaine du 20 au 26 février (source CSA) :
Mais, bien sûr, tout ceci est parfaitement « équitable » et il serait tout à fait impertinent d’y voir quelque manipulation que ce soit…
Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon se sont finalement rencontrés, discrètement, le 24 février au soir dans un restaurant chilien, rencontre à l’issue de laquelle Benoît Hamon a déclaré sur le plateau du 20 h de TF1 : « Je l'ai vu, il m'a confirmé ce que je savais, c'est qu'il sera candidat. Dont acte, la situation est maintenant claire ». Tout juste est-il question d’une sorte de « pacte de respect mutuel » qui, de fait, acte l’impossibilité de chacun des deux candidats de se rallier à l’autre. Dans une interview à Ouest France le lundi qui suit, Jean-Luc Mélenchon déclare : « Nous sommes à soixante jours du premier tour. J'ai un programme, qui a été bouclé en novembre. Qui pourrait croire à un accord de coin de table sur les sujets qui nous séparent comme l'avenir de l'Union européenne ? Il s'agit de se préparer à gouverner un grand pays ! Pas d'un arrangement personnel ! ». En conséquence de quoi, et conformément à la déclaration de Benoît Hamon faite au soir de la primaire du PS, la « gauche » aura bien deux candidats pour le scrutin du 23 avril.
Disons-le franchement, on voit vraiment mal comment il aurait pu en aller autrement. On peut certes le regretter et se dire que, par cette division, la « gauche » réduit singulièrement ses chances de franchir le premier tour mais tant sur les programmes des deux candidats que sur l’avenir politique, on ne voit pas bien comment l’affaire eut pu se débloquer.
Le comble, c’est que même si personne ne pense sérieusement que Benoît Hamon entend mettre en place le « revenu universel », puisqu’il l’a d’emblée réduit à un « RSA jeune », son accord avec EELV pose souci à la partie majoritaire au PS, la tendance Vallsiste, la « gauche gouvernementale » qui explique, en substance, que Benoît Hamon a un programme « irréaliste » voire « extrémiste » et nombre d’entre eux de s’interroger sur le soutien qu’ils apporteront à la candidature de Benoît Hamon pendant que d’autres ont déjà franchi le Rubicon en rejoignant Emmanuel Macron. C’est ainsi que Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État au développement, explique que Benoît Hamon a un « programme en rupture avec sa famille politique », un programme « de la gauche radicale » et qu’il exclut pour l’instant de donner son parrainage au candidat issu de la primaire du PS. Autrement dit, les mêmes qui invitaient Jean-Luc Mélenchon à se joindre à cette primaire se refusent aujourd’hui à soutenir le candidat de leur formation politique qui en est sorti vainqueur ! Belle marque de duplicité qui confirme que cette primaire n’avait pour seul but que d’enfermer l’ensemble de la gauche derrière celui qui était censé la gagner, à savoir François Hollande ou, par défaut, Manuel Valls.
Cette évolution ne manque quand même pas de sel, quand on veut bien prendre un peu de champ : Hamon gagne la primaire contre la majorité de son parti qui faisait campagne pour Valls, François Fillon sort grand vainqueur de la primaire de son camp et nul ne sait aujourd’hui comment s’en débarrasser. En d’autres termes, ce merveilleux exercice démocratique qu’étaient censées être les primaires se retourne contre leurs initiateurs et montre, qu’en fait, primaires ou pas, c’est tout le sens de la démocratie qui est atteint, que la Ve République est moribonde et qu’il faudrait d’urgence l’abolir, passer un nouveau pacte démocratique, établir une VIe République. Le plus probable, hélas, c’est que la farce à laquelle on nous convie tous les 5 ans perdure quel que soit le locataire de la rue de l’Élysée et que cette farce risque de se transformer en drame avec l’arrivée d’une blonde qui saura user des pouvoirs exorbitants que cette constitution consent au monarque. Un monarque sans Dieu comme cela s’entendait sous le régime monarchique mais un monarque républicain ne servant de Dieu que l’argent et ceux qui en disposent.
Nous signalions la semaine passée la disparition du chef de la FNSEA, Xavier Beulin, et rappelions à l’occasion combien l’homme avait plus à voir avec le business de l’agro-alimentaire qu’avec le syndicalisme. La désormais excellente émission d’information qu’est devenue Envoyé Spécial nous a gratifié cette semaine d’un reportage concocté avant la disparition de Xavier Beulin et, de ce fait, ne prenant guère de gants avec l’homme qu’il était. Ceux qui s’intéressent à ces questions devraient impérativement, s’ils ne l’ont déjà vu, voir ce reportage (voir ici). C’est édifiant. On y comprend bien ce qu’est le syndicalisme agricole dans sa version majoritaire, la FNSEA, à travers ce dirigeant d’un monstre de l’agro-business qu’est le groupe Avril spécialisé dans la commercialisation des graine de tournesol et de colza, groupe dont Xavier Beulin était le président non exécutif (CA de 6,5 milliards d’euros en 2014). On y voit aussi comment la « base », confrontée à la crise que l’on connaît, peut, à certains moment, douter d’être défendue par celui qui, avec sa casquette Avril, a manifestement d’autres intérêts. On y voit aussi comment le groupe Avril se fait « conseilleur » de paysan, intérêts du groupe bien compris. Comment, moyennant quelque aide à l’achat de matériel conforme, le paysan se retrouve pieds et poings liés avec le groupe. Oui, vraiment, un reportage édifiant !
Qu’une partie de la paysannerie présente au salon de l’agriculture se détourne de ceux qui ont organisé leur perte, autrement dit LR en totale symbiose avec la FNSEA, pour se tourner aujourd’hui vers le FN ne surprendra dès lors qu’assez peu. On peut certes penser qu’une fois encore ils misent sur le mauvais cheval, que le « modèle agricole » dans lequel ils communient signe leur perte mais on ne refait pas une population qui a toujours été marquée à droite. Selon un proverbe russe bien connu, « on tombe toujours du côté où l’on penche »…
@ suivre…
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