BelcoBlogLM

BelcoBlogLM

Sale temps ou lueurs d’espoir…

Dimanche 10 novembre 2019

 

  1. Un monde en feu
  2. Laïcité, racisme, etc.
  3. États-Unis : la bataille de 2020 est lancée

 

=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=

 

Reprise, donc, après presque deux mois de silence… Contingences familiales, lassitude, les deux se sont conjugués et, pourtant, quelle rentrée ! Nous tenterons ici de faire le point mais il va de soi que dans le type d’exercice qui gouverne ce blog, l’actualité commande. Le lecteur est donc invité dès lors à excuser que des événements marquants des deux mois écoulés ne figurent pas à l’appel…

 

1. Un monde en feu…

 

Il ne s’agit pas ici de faire référence à l’Amazonie ou la Californie en feu, aux excès climatiques que nourrit le réchauffement climatique, mais à l’ensemble de ces mouvement sociaux et politiques qui secouent la planète. La liste s’allonge en effet. Sous la cendre, et quoique passé sous les feux des projecteurs médiatiques, le mouvement de révolte qu’a connu l’Algérie continue. L’armée, première intéressée – au sens le plus étroit et financier du terme – cherche à reprendre la main tandis que le pays continue chaque semaine à manifester, se cherchant une issue, un avenir. Verrons-nous en ce pays un scenario de type Sissi, autrement dit une violente reprise en main par l’armée ou les algériens parviendront-ils à trouver une issue politique à la crise qui secoue leur pays, cette issue sera-t-elle « démocratique » et « sociale », nul ne peut évidemment le dire mais nous aurions tort, ici, en France, de nous désintéresser du sort de ce pays tant il est vrai que des millions de citoyens de ce pays ont des liens étroits avec cet « en face » méditerranéen et, donc, que ce qui se passe là-bas ne peut pas être sans incidence ici. Il va sans dire que, l’Histoire que nous partageons avec ce pays, interdit à notre gouvernement quelque intrusion ou interférence politique…

 

Plus loin, plus fort, au moins en apparence, la liste s’allonge de révoltes populaires : près de chez nous, la Catalogne et, corrélée avec elle, la situation politique espagnole. De l’autre côté de l’Atlantique, le Chili avec des millions de personnes dans la rue. Non loin de là, le Brésil avec la libération de Lula qui rebat les cartes et, à l’autre bout du monde, Hong Kong qui n’entend pas devenir une province chinoise « comme les autres » tandis qu’au Moyen-Orient, l’Irak et le Liban se signalent. Chaque jour, la liste s’allonge et chacun de s’interroger ici sur ce qu’il peut y avoir de commun à cet embrasement. Est-ce là l’effet du hasard ? Une sorte d’« alignement des planètes » ou bien, par-delà la diversité des situations politiques et sociales qu’il serait imprudent et coupable d’ignorer, cet « embrasement du monde » a-t-il une cause commune et, si oui, laquelle voire lesquelles ?

 

En premier lieu, et au grand dam de ceux qui font profession de faire la révolution, les raisons qui font qu’elle éclate leur a toujours échappé. Chaque fois, et quoiqu’attentifs qu’ils aient pu être, ils ne sont ni les initiateurs ni les déclencheurs des événements. Tout au plus doivent-ils se contenter de « prendre le train en marche » tel Lénine et son « wagon blindé »... Nous allons prochainement « fêter », « commémorer » le 1er anniversaire de la « révolte des Gilets Jaunes ». Elle se déclencha sur la hausse du prix du litre d’essence comme cela fut le cas en octobre dernier en Équateur. Au Liban, ce fut la taxation des appels What’App tandis qu’au Chili, ce fut la hausse des tarifs du ticket de métro à Santiago. On peut, bien sûr, mépriser de telles causes, les trouver insignifiantes dès lors que, soi-même, on n’a nulle difficulté à faire face à de telles augmentations. Mais dans l’univers fait de pauvreté du monde, y compris en France où l’on ne compte pas moins de 9 millions de pauvres, de telles augmentations signifient des sacrifices supplémentaires alors que déjà les fins de mois commencent le 15… Pour autant, si l’on peut parfois trouver de tels points communs, ils ne sont pas toujours de cet ordre. Ainsi, en Algérie, ce fut sur un problème politique que les événements se déclenchèrent, à savoir la volonté du pouvoir en place de présenter à nouveau « la momie », Abdelaziz Bouteflika. En Catalogne voisine, ce fut le verdict rendu par la Cour suprême à l’encontre des dirigeants indépendantistes catalans organisateurs d’un référendum d’indépendance déclaré illégal par cette même cour. À Hong Kong, ce fut l’interdiction faite à des candidats indépendantistes de se présenter à des élections et l’extradition de l’un d’eux. Bref, comme on le voit, la « goutte d’eau qui fait déborder le vase » n’est pas toujours de même nature. Ici politique, ailleurs sociale. Sachant que, de surcroît, les mêmes événements déclencheurs seraient passés comme une lettre à la poste quelques années voire quelques mois plus tôt. Ainsi, s’agissant de notre pays, le prix de l’essence est-il reparti de plus belle de sorte qu’un an après la révolte des Gilets jaunes celui-ci est aujourd’hui sensiblement identique sans provoquer le moindre mouvement. En d’autres termes, nul ne sait, nul n’est capable de prévoir ce qui fait que « les masses se mettent en mouvement ».

 

Manifestations à Beyrouth, Bagdad, Santiago et Hong Kong.

 

Rappelons-le, comme le disait Mao, « la révolution n’est pas un dîner de gala ». En d’autres termes, et sauf exception, dans la mesure où toute révolution a pour objet de « changer l’ordre des choses », le pouvoir dont la raison d’être est de le maintenir y a rarement consenti. De sorte que rares sont les exemples où les révolutions se font sans violence et sans heurts, sans blessés et sans morts. Dans l’ensemble des pays cités ici et, pour le moment, à l’exception du Liban, la police quand ce n’est pas aussi l’armée, se montre d’une rare violence et le nombre de ceux qui tombent est grand : 20 mots au Chili, 5 à Quito, 100 en Irak, 1 à Hong Kong, etc. Et puis, à côté des morts, il y a les blessés, nombreux, très nombreux, plus ou moins gravement. Est-il besoin de rappeler que s’agissant de notre doux pays, le mouvement des Gilets Jaunes a fait 11 morts, plus de 4 400 blessés, 12 000 interpellations et 2 000 condamnations à de la prison ferme. Autrement dit un bilan qui dépasse de loin, de très loin, celui de Mai 68… (voir ici et )

 

Allô, Place Beauvau, c’est pour un signalement

 

Par-delà, donc, la diversité des situations, des événements qui les suscitent, des modalités de chacun des mouvements, se pose la question des causes profondes qui les provoquent. Certes les Irakiens, les Libanais, les Chiliens ne sont pas semblables, pas plus que ne le sont leurs pays, leurs situations politiques. Pourtant, la coïncidence dans le temps de tous ces événements et la similarité de certains de leurs modes d’expressions interroge. Dans tous les cas ou presque, comme le soulignent de nombreux observateurs, après un événement déclencheur qui, en soi, n’a rien de décisif, survient l’expression d’une revendication matérielle aussitôt suivie d’un revendication politique institutionnelle forte. Le « dégagisme » et la volonté de mettre fin à une régime jusque-là toléré survient. Le Liban et le Chili sont de ce point de vue exemplaires. « Qu’ils s’en aillent tous ! » et, en filigrane, reprenons notre sort en main ! Faisons en sorte que les décisions soient prises par nous, pour nous, et non par l’oligarchie en place qui se gave chaque jour davantage. Et il nous vient alors ces enquêtes faites sur l’explosion des inégalités dans le monde, inégalités dont des économistes sérieux, tel Thomas Picketty dans son dernier ouvrage, « Capital et idéologie », montrent qu’elles sont contreproductives, du simple point de vue du système dans lequel elles s’épanouissent, autrement dit le « capitalisme » tel que nous le connaissons depuis deux siècles et tout particulièrement dans sa version actuelle dite « néo-libérale » qui fait que la financiarisation de l’économie se traduit par une explosion des dettes publiques mais aussi, et surtout, des dettes privées. Les masses financières en jeu et la liberté qu’on leur a consenties depuis Reagan-Thatcher, l’absence de tout frein à leur mobilité, fait de l’investissement l’exception et de la pure spéculation la règle. Mais tous ces milliards – en fait, ces billiards – de dollars qui circulent et produisent des « dividendes » à ceux qui les détiennent ne sortent pas de nulle part. Ce sont donc des milliards d’individus qui en sont privés et pour qui, alors, la simple augmentation d’un ticket de métro ou du litre de gazole constitue une augmentation des « dépenses contraintes » insupportable.

Bien évidemment, un tel schéma, comme tous les schémas, a ses limites. Ainsi ne peut-on raisonnablement pas l’appliquer à la riche Catalogne même si, ici comme ailleurs, il n’est pas indifférent de voir que le peuple qui se mobilise n’est nullement constitué des couches aisées, de l’upper-class, des « 0,1 % » à qui tout ce système bénéficie.

 

Une chose semble sure, l’arrivée sur le devant de la scène du « peuple » est un événement. Reste que toutes ces mobilisations se doivent de se trouver des débouchés politiques et que, selon les pays dans lesquelles elles se déroulent, les modalités diffèreront. Reste aussi, et ce n’est pas le plus facile, qu’il faut que le « peuple » s’organise, tienne la distance face à des pouvoirs qui n’ont nulle intention de lui dérouler le tapis rouge, des pouvoirs qui, précisément, sont entièrement à la main des « maîtres du monde » et entendent le rester. Et, donc, que par-delà les raisons immédiates qui l’ont mises en mouvement, il lui faut une « direction », terme ambigu qui conjugue tout à la fois la « direction politique » que le monde que l’on veut construire. Autant dire que l’ampleur de la tâche est immense et que dans la grande majorité des cas, elle ne se verra pas accomplie. Ainsi va l’Histoire. Elle n’est pas écrite, elle s’écrit et ce sont les masses qui, de temps à autres, la font…

 

2. Laïcité, racisme, etc.

 

Notre pays, quelque désagrément que cela nous procure, vit dans « l’après Gilets Jaunes ». Le pouvoir macronien, après avoir fortement tremblé, grâce à une intense propagande et une féroce répression (voir plus haut) a repris la main. « Le Grand Débat » a permis de temporiser et, comme nous le prévoyions, a accouché d’une souris autrement dit d’aucune mesure sociale sérieuse à même de supprimer ou plus simplement de permettre à ceux qui manifestaient de « sortir la tête de l’eau ». Comme en témoignent les élections européennes, le mouvement n’ayant trouvé aucune traduction politique, si ce n’est l’affirmation d’un probable remake de l’élection de 2017, la « macronie » s’est crue tirée d’affaire et la « révolution » macronienne est repartie de plus belle avec l’annonce du chantier des retraites. Cette affaire étant mal engagée – toutes les simulations montrent que le « système à points » ne fera pour l’essentiel que des perdants – le pouvoir a tenté d’allumer un contrefeu et de « trianguler », autrement dit de faire concurrence à l’extrême-droite sur son propre terrain, l’immigration, la haine de l’étranger, etc. Et c’est ainsi que l’on vit Emmanuel Macron se servir d’une sombre affaire d’accompagnement scolaire par des mères voilées pour désigner à la vindicte cette partie de la population que l’on dit « musulmane ».

 

Rapidement dépassé par les surenchères, tant de la droite que de l’extrême-droite, il se vit alors contraint à réduire la voilure tout en ne dédaignant pas faire voter une loi aussi absurde que contre-productive sur l’aide médicale des « demandeurs d’asile » via l’établissement d’un « délai de carence » de trois mois avant que ceux-ci puissent bénéficier de la « protection universelle maladie ». Accessoirement, fut ressortie cette anguille des quotas dont chacun sait qu’ils seront parfaitement impossibles à pratiquer.

 

Dans une phase de surenchère médiatique hallucinante, voilà que survient à Bayonne l’attaque d’une mosquée par un octogénaire, Claude Sinké, ancien candidat FN, attaque qui fit deux blessés dont un grave. Bizarrement la presse se refusera à parler d’attaque « terroriste » puisque, désormais, dans ce pays, ce qualificatif, contre toute évidence, ne s’applique que lors de faits commis par des islamistes. Le vieux en question revendiquant son acte au motif de venger l’incendie de Notre-Dame, le « terroriste » Sinké ne fut donc pas qualifié comme tel…

 

La puanteur qui règne dans notre pays quant à la façon que l’on a de traiter cette partie de la population que l’on qualifie de « musulmane », l’attaque de Bayonne venant après une longue séquence consécutive à l’affaire des « mères voilées » accompagnant les sorties scolaires et à la demande faite à une femme voilée par un élu RN du Conseil régional de quitter la salle, des voix se firent entendre pour affirmer que même si l’octogénaire de Bayonne a tout d’un « fol-dingo », cette attaque était le fruit d’un contexte, que de tels « fous » ne passent aux actes qu’à partir du moment où ils pensent pouvoir le faire, autrement dit quand une fraction importante du pays dans lequel il vit approuve son acte.

 

Diverses personnalités, dont le très controversé Madjid Messaoudene, ont donc appelé, via une tribune publiée par Libération, à une manifestation de protestation « contre l’islamophobie » pour ce dimanche à Paris. Voici cet appel :

 

« Depuis bien trop longtemps, les musulmanes et les musulmans en France sont la cible de discours venant parfois de « responsables » politiques, d’invectives et de polémiques relayés par certains médias, participant ainsi à leur stigmatisation grandissante.

 

Depuis des années, la dignité des musulmanes et des musulmans est jetée en pâture, désignée à la vindicte des groupes les plus racistes qui occupent désormais l’espace politique et médiatique français, sans que soit prise la mesure de la gravité de la situation.

 

Depuis des années, les actes qui les visent s’intensifient : qu’il s’agisse de discriminations, de projets ou de lois liberticides, d’agressions physiques de femmes portant le foulard, d’attaques contre des mosquées ou des imams, allant même jusqu’à la tentative de meurtre.

 

L’attentat contre la mosquée de Bayonne le 28 octobre en est la manifestation la plus récente et les services de l’État savent que la menace terroriste contre les lieux de cultes musulmans est grande.

Il a fallu que cette violence jaillisse aux yeux de tous, à travers l’humiliation d’une maman et de son enfant par un élu RN au conseil général de Bourgogne Franche Comté, pour que tout le monde réalise ce que des associations, des universitaires, des personnalités, des syndicats, militants et au-delà, des habitants, dénoncent à juste titre depuis des années : l’islamophobie en France est une réalité. Quel que soit le nom qu’on lui donne, il ne s’agit plus ici de débats d’idées ou de critique des religions mais d’une forme de racisme explicite qui vise des personnes en raison de leur foi. Il faut aujourd’hui s’unir et se donner les moyens de la combattre, afin que plus jamais, les musulmanes et les musulmans ne puissent faire l’objet de tels traitements.

 

Puisque les discours et déclarations d’intention ne suffisent plus, parce que l’heure est grave, le 10 novembre à Paris nous marcherons pour dire :

-      STOP aux discours racistes qui se déversent sur nos écrans à longueur de journée, dans l’indifférence générale et le silence complice des institutions étatiques chargées de lutter contre le racisme ;

-      STOP aux discriminations qui visent des femmes portant le foulard, provoquant leur exclusion progressive de toutes les sphères de la société ;

-      STOP aux violences et aux agressions contre les musulmanes et les musulmans, qui se retrouvent progressivement déshumanisés et stigmatisés, faisant d’eux des terroristes potentiels ou des ennemis de l’intérieur ;

-      STOP aux délations abusives jusqu’au plus haut niveau de l’État contre des musulmans dont le seul tort serait l’appartenance réelle ou supposée à une religion ;

-      STOP à ces dispositifs de surveillance de masse qui conduisent à une criminalisation pure et simple de la pratique religieuse : les conséquences, notamment pour des salariés licenciés et des familles déstabilisées sont désastreuses et ne peuvent plus être tolérées. Cette criminalisation se fait au détriment des libertés fondamentales et des principes les plus élémentaires d’égalité censés guider notre pays.

 

Nous, musulmans ou non, disons STOP à l’islamophobie et nous serons nombreux pour le dire ensemble le 10 novembre prochain à Paris.

 

Nous appelons toutes les organisations, toutes les associations, tous les collectifs, toutes les fédérations de parents d’élèves, tous les partis politiques, toutes les personnalités, tous les médias, toutes les personnes solidaires à se joindre à cet appel solennel et à répondre présent à la marche du 10 novembre prochain.

 

Il en va des libertés fondamentales de tous. Il en va de la dignité et de l’intégrité de millions de concitoyens. Il en va de notre unité à tous, contre le racisme sous toutes ses formes qui, aujourd’hui, menace une nouvelle fois la France. »

 

Comme beaucoup, on peut juger que le terme d’« islamophobie » n’est pas le meilleur dès lors que l’on considère comme fondé de critiquer les dogmes qui fondent cette religion et que ce qu’il convient de fustiger c’est la haine des musulmans, autrement dit des gens qui pratiquent cette religion. C’est ce qu’a expliqué, par exemple, Henri Peña-Ruiz en août dernier, suscitant alors une polémique dans laquelle il se vit accusé d’être rien moins que raciste. Quand on connaît l’itinéraire de l’intéressé, les bras vous en tombent… Reste qu’il y a le sens des mots et l’usage qui en est fait par la grande masse des gens. Et, la réalité, c’est que les débats académiques qui se font autour de ce mot sont parfaitement dépassés. « Islamophobie » est devenu, de fait, et faute d’avoir réussi à en imposer un meilleur, le terme qui recouvre le racisme dont les musulmans ou réputés tels sont l’objet.

 

L’autre critique à laquelle ont eu à faire face les signataires de cet appel, c’est de se trouver à manifester avec des gens peu recommandables tels les « frères musulmans » et son porte-voix, l’UOIF. Sans doute n’est-il pas très confortable de manifester avec tel ou tel. Mais à ceux et celles auprès de qui cette critique porte, est-il besoin de rappeler que lors des manifestions qui ont suivi l’assassinat de Mireille Knoll, en 2018, il fallait accepter de manifester en compagnie de gens aussi respectables que Marine Le Pen, les « nazillons » de la « Ligue de Défense Juive » ou Francis Kalifat qui préside le CRIF, etc. autrement dit ce qu’il y a sans doute de pire dans ce pays. Et qui se souvient de l’aréopage qui a manifesté suite aux attentats contre Charlie et l’hyper-Casher en 2015 ? C’est ainsi, il est des jours où il faut consentir à manifester avec des gens que, par ailleurs, on abhorre.

 

Enfin, dernier argument développé par les opposants à cet appel, le fait que le texte fait référence à des « lois liberticides » sans que soient précisées de quelles lois on parle. Alors, bien sûr, on songe sans peine que du côté de l’UOIF, autrement dire des « frères musulmans », on fait ici référence aux lois qui prohibent « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse », autrement la loi de 2004. Mais il s’en trouve bien d’autres et on peut gager que nombreux sont ceux qui voient ici une référence à la récente loi votée par le Sénat à majorité LR visant les « accompagnants scolaires » qui, dans la réalité sont à 99 % des « accompagnantes », autrement dit interdisant à celles-ci de porter le voile. De sorte qu’il n’est pas interdit de penser que cette formulation est volontairement vague, façon de permettre aux uns comme aux autres de signer l’appel sans avoir à se dédire. Est-il besoin de dire ici que l’on peut ne pas apprécier de croiser des femmes transformées en Belphégor ambulant et, pour autant, ne pas jeter l’opprobre sur celles qui, pour des raisons dont elles n’ont en aucun cas à répondre, portent le voile. Seuls les fonctionnaires, autrement dit les serviteurs de l’État laïque, se doivent de ne pas afficher leurs préférences religieuses, autrement dit rester « neutres » et s’afficher comme tels. Si, donc, et comme le souhaitent les sénateurs LR, les « accompagnants scolaires » doivent être « neutres », alors il faut recruter ces accompagnants dans la Fonction publique. Autant dire ainsi que tel n’est pas l’objet du texte voté puisque ceux qui y ont consenti ont par ailleurs en commun une volonté farouche de réduire le nombre de fonctionnaires…

 

L’autre question, rarement posée, tient à l’absence de manifestation suite à tous ces événements. Que pourraient bien penser tous ces musulmans si, comme on nous y invite, seuls les « frérots » défilaient ? Sinon, qu’en fait, seuls les « frérots » les défendent. Autrement dit que, lorsque ces derniers invitent à faire sécession de la République, ils ont raison, que seule la « communauté » les défend. Ceux qui, à gauche, répugnent ce jour à aller manifester, font le lit du communautarisme dont par ailleurs ils se complaisent à faire le procès. On peut parfaitement détester toutes les religions, les considérer comme un « opium du peuple » au sens que lui donnait Karl Marx – « La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit des conditions sociales d’où l’esprit est exclu » – et se refuser à cautionner par son abstention les actes et les paroles immondes qui visent ceux qui les pratiquent. On se doit de défendre les juifs et, conjointement, on peut critiquer la Torah et les rabbins qui la professent. On se doit de défendre les musulmans tout en acceptant voire en jubilant devant les caricatures du « prophète » et, conjointement, critiquer le Coran ou les imams. La laïcité ne peut être à géométrie variable : les « bons juifs » et les « mauvais musulmans ». On peut en outre, sans se dédire, être un « laïcard » pur jus, détester les curés, les imams, les rabbins, les bonzes, etc. et respecter les hommes qui en font profession. Inutile de dire que c’est mon cas…

 

3. États-Unis : la bataille de 2020 est lancée

 

Dans moins d’un an, le 3 novembre 2020, nous saurons qui succédera à Donald Trump, étant entendu qu’il n’est nullement impossible que ce soit Donald Trump lui-même… La question, pour le moment, est donc de savoir qui le Parti Démocrate lui opposera. Tous nos médias de cour, Le Monde, Libération, Le Figaro, etc. communient dans le souhait de voir Joseph Robinette Biden Jr., alias Joe Biden, assumer ce rôle. C’est peu ou prou, la version masculine d’Hillary Clinton, une sorte de Strauss-Kahn local, frasques sexuelles en moins… autrement dit un libéral grand teint, fortuné, ancien vice-président de Barak Obama, catholique, politicien professionnel, bref une caricature de l’establishment démocrate. Autant dire l’adversaire rêvé de Trump, sa meilleure carte, celui contre lequel il a les meilleures chances de gagner. Il est celui avec lequel le parti démocrate n’a aucune chance de reconquérir la Rust Belt, autrement dit ces États industriels traditionnellement démocrates qui ont voté Trump en 2016, lui permettant d’accéder à la présidence avec près de 3 millions de voix de moins qu’Hillary Clinton.

 

À côté, pour ne pas dire en face de Joe Biden, parmi la vingtaine de candidatures déclarées, émergent deux figures situées à gauche du parti : Élizabeth Warren et Bernie Sanders, l’adversaire malheureux d’Hillary Clinton en 2016. Tous deux se situent à la gauche du parti démocrate et affichent un programme social fort, dont un trait saillant est l’établissement d’un impôt sur la fortune visant les milliardaires du pays et une régulation des entreprises voire un démantèlement des GAFA qui ne plaît pas à tout le monde.

 

 

Bernie Sanders qui se dit « socialiste » – une quasi injure synonyme de « communiste » aux USA – a contre lui, outre et une fois de plus, l’ensemble de l’establishment démocrate lié aux « milieu des affaires », un âge avancé – 79 ans en 2020, un an de plus que Joe Biden… – et une santé problématique que ses adversaires ne manqueront pas de souligner. Pour autant, et paradoxalement, il a le soutien de la jeunesse du pays dès lors que celle-ci n’a pas pour viatique les préceptes du KKK…

 

Joe Biden fait, pour le moment, la course en tête mais son avance, au fil des débats qui se succèdent, tend à se réduire. Et comme, en outre, quelques casseroles le suivent de près, il n’est pas impossible qu’il s’effondre. La presse a rendu compte récemment des tentatives de Donald Trump de l’incriminer à travers les affaires douteuses de son fils en Ukraine. Mais c’est qu’au rayon des « affaires », le fils n’est guère différent du père. C’est un politicien affairiste de première grandeur. Si tant est que ce qui s’est passé en 2016 au sein de l’appareil démocrate, autrement dit une fraude caractérisée visant à exclure Bernie Sanders de la compétition interne au profit d’Hillary Clinton – et on peut espérer que les leçons ont été tirées de cette affaire tant par Sanders que Warren – autrement dit que la compétition soit loyale, la question que va se poser le parti démocrate, ses électeurs, c’est évidemment celle du « meilleur cheval » pour affronter Donald Trump. L’erreur serait que, dans le souci de faire l’élection « au centre », ils choisissent, comme en 2016, la même ligne politique, celle qu’incarne aujourd’hui Joe Biden. L’establishment démocrate est convaincu qu’Hillary a perdu l’élection à cause des « fake news » la visant. La réalité, c’est que les méls diffusés alors par Julian Assange mettaient en évidence la très grande proximité d’Hilary Clinton avec les « milieux d’affaires », et que ce sont ces liens qui ont convaincus les « prolos » de la Rust Belt de se détourner d’elle au profit de Donald Trump. Il va sans dire que le « parti de l’âne » est devant un choix décisif. Face à l’importance de ce choix, il n’est pas interdit d’espérer que Bernie Sanders ou Élizabeth Warren sauront, le moment venu, s’effacer devant l’autre, voir faire un « ticket », pour éviter que Joe Biden ne soit désigné avec l’assurance de perdre en 2020. Leurs programmes ne sont certes pas semblables mais pas frontalement opposés. Les mois qui viennent devraient permettre de voir cette hypothèque levée. D’une certaine façon, par-delà l’avenir de ce grand pays, n’est-ce pas aussi pour partie le nôtre qui en dépend… Les primaires démocrates se tiendront le 16 juin 2020. Nous aurons largement le temps d’y revenir. Et, entre temps, outre cette question des primaires, se poursuivra la procédure de destitution de Donald Trump, procédure dont il n’est pas sure qu’elle ne soit pas contreproductive, Donald Trump s’en saisissant pour apparaître comme une victime de l’establishment, ce qui, bien sûr ne peut que conforter ses supporters…

 

@ suivre…

 



10/11/2019
4 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 61 autres membres