Salauds de pauvres !
Dimanche 19 novembre 2017
Sujets abordés :
- La droite se réorganise
- Salauds de pauvres !
- Mugabe s’en va, enfin !
- Frappes « chirurgicales » en Irak et en Syrie : quelle fable !
- Charlie Hebdo, Manuel Valls, Edwy Plenel…
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- La droite se réorganise
Le « en même temps » de Jupiter n’aura pas trompé longtemps. Après la « loi travail » et le budget 2018, tout indique qu’Emmanuel Macron et son parti, LREM, est clairement situé à droite, cette droite « libérale », orléaniste dont Valéry Giscard d’Estaing fut un temps le héros. Sur le terrain politique, il promettait du neuf, du nouveau, du moderne. En fait de neuf, si l’on en doutait, le congrès de Chassieu, près de Lyon, qui s’est tenu ce week-end a montré de l’ancien, du très ancien avec un Christophe Castaner, « délégué général » du parti d’Emmanuel Macron, élu à main levée à la quasi-unanimité (2 votes contre comptabilisés en abstentions) des 750 membres du « conseil », sans débat, sans adversaire et au seul motif que Jupiter lui avait demandé d’assumer cette tâche dont il dit lui-même n’avoir pas rêvé. Seul point en débat, peut-il être le chef du parti et rester porte-parole du gouvernement et en charge des relations avec le Parlement ? Question sans grand intérêt car nul ne doute que, quel que soit le gouvernement, les ministres ont évidemment des attaches partisanes. Le seul souci est qu’en tant que chargé des relations avec le Parlement, sa position à la tête de LREM rend sa place dans ce rôle quelque peu difficile… On saura dans quelques jours via un mini remaniement ce qu’il adviendra de ce poste mais nul ne doute qu’il ne s’agira que d’un jeu de chaises musicales sans grand intérêt, ce que l’on appelle un « remaniement technique ».
À droite également, mais au rayon des séniors, autrement dit du côté de LR, Laurent Vauquiez s’apprête à être élu à sa tête. Ce multi-diplômé (IEP Paris, DEA Droit public, major de l’ENA promotion Mandela, Conseiller d’État) est le fils d’un ancien directeur d’Indosuez. Bref, un parcours bien classique de fils de bonne famille ayant la tête bien pleine à défaut de l’avoir bien faite… Après la débâcle Fillon que l’on sait (20 % des voix quand même…) et le départ au gouvernement de quelques « traîtres » ou réputés tels comme Edouard Philippe, Gérald Darmanin ou Bruno Le Maire (candidat à la primaire de LR), avec un FN qui a le blues après la défaite de Marine Le Pen et le départ de Florian Filippot, Laurent Vauquiez se rêve en sauveur de LR, se dit que passée l’illusion Macron, son échec dûment constaté dans quelques mois ou années, le « peuple de droite » se cherchera un champion, jeune de préférence et dûment labellisé à droite, lui. Sur le terrain économique et social, Laurent Wauquiez dénonce « le cancer de l’assistanat ». Il s’affiche en parka rouge aux côtés des manifestants de « la manif pour tous », fait l’amalgame entre PMA et GPA et revendique un combat « identitaire » via son affirmation que ce sont les étrangers qui doivent s’adapter aux Français (de souche, s’entend). Sans doute en vue des prochaines élections au parlement européen, il affiche désormais un euroscepticisme qui tend à rappeler celui d’un Philippe Séguin en son temps. Bref, Laurent Wauquiez chasse à droite, très à droite. Sa stratégie est donc assez simple à identifier : profiter de l’effondrement conjoint du FN et de LREM sur un créneau qui a fait le succès de quelques-uns dans le reste de l’Europe (Pologne, Pays-Bas, Autriche, etc.) Le problème pour lui sera quand même que Marine Le Pen chasse en gros sur les mêmes terres et qu’il n’est pas dit que LREM s’effondre autant qu’il l’espère. Il n’est pas dit en outre que toute cette droite restée à LR tendance Juppé consente à de tels excès et se contente de la présence à ses côtés de Virginie Calmels (première adjointe d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux). Autre problème et non des moindres, le fait que LR se fait plus que vieillissante comme en ont témoigné les meetings de François Fillon durant le présidentielle… Bref, pour le petit Wauquiez, c’est pas gagné !
- Salauds de pauvres !
On nous le répète à l’envi, les chômeurs profitent, abusent d’un système de protection sociale qui n’a que trop duré, qui coûte cher et qui empêche nos entreprises de prospérer. Un vrai « cancer » (voir les propos de Laurent Wauquiez). Citons ici le n°1 du MEDEF, Pierre Gattaz, devant l’AJEF, l’association des journalistes économiques : « ce n’est plus possible d’avoir un tel taux de chômage, et de voir des gens qui utilisent le système pour partir en vacances, faire le tour du monde plutôt que de chercher un emploi… » Citons également Christophe Castaner qui, en octobre dernier, affirme que « la liberté, ce n'est pas de bénéficier des allocations chômage pour partir deux ans en vacances ». Ou bien encore Damien Adam, député LREM de Seine-Maritime, qui dénonce dans une interview à Paris Normandie « ces personnes qui partent en vacances aux Bahamas grâce à l'assurance chômage » Au moment où l’on apprend ce que les « premiers de cordées » font de leur argent grâce aux « Paradis Papers », il fallait oser…
Outre que l’on ne sache pas bien comment 300 ou 400 000 offres d’emploi non pourvues pourraient satisfaire les trois ou quatre millions de chômeurs de catégorie A (sans parler des autres), on sait bien que l’adéquation entre les deux est un problème auquel le contrôle des chômeurs n’apportera aucune solution. On peut, certes, décider qu’un chômeur ne sera plus indemnisé s’il ne répond pas positivement à une offre d’emploi, quel que soit l’endroit et à quelque condition qu’elle soit proposée. Mais, même dans ces conditions, on ne fera que plonger dans la misère la plus noire des millions de gens et sauf à rêver de mettre la partie la plus fragile de la population dans la situation que connaissent nombre de pays du tiers-monde, on sait bien que le marché du travail, comme tous les marchés d’ailleurs, souffre d’une inadéquation structurelle entre l’offre et la demande. Confondant modèle théorique et réalité, seuls les libéraux les plus bornés peuvent penser que l’équilibre est la norme. La formation des chômeurs est en cause, bien sûr, mais comment en rendre responsable ceux-là même qui en sont les victimes ?
En outre, et pour revenir à l’actualité, Les Échos, qui n’est pas précisément une officine gauchisante, vient de publier le résultats d’un bilan établi par Pôle Emploi portant sur 270 000 contrôles auxquels elle a procédé. Sur ces 270 000 chômeurs contrôlés, 14 % ont été radiés pour cause de recherche d’emploi insuffisante ou inexistante et, cerise sur le gâteau, seuls 40 % d’entre eux étaient indemnisés, 23 % relevaient du régime de solidarité et 36 % ne touchaient rien. En d’autres termes, et à supposer que toutes ces personnes radiées méritaient de l’être, on est en présence de 5,6 % de « fraudeurs ». Combien d’entre eux profitaient du système pour « partir en vacances aux Bahamas », mystère ? Aucun, probablement et assurément. En outre, Pôle emploi assure que les contrôles sont « aléatoires ». On est prié de les croire mais l’ambiance étant ce qu’on en connaît dans cette entreprise, on a le droit d’en douter… Tout ça n’empêche évidemment pas Emmanuel Macron de prévoir de multiplier par 5 le nombre de ces contrôleurs dont l’utilité vient de trouver ici un cruel démenti…
Bref, on retiendra que tous ceux qui, tels Pierre Gattaz, Damien Adam, Christophe Castaner et autres Laurent Wauquiez, n’ont de cesse de stigmatiser les chômeurs mériteraient d’en connaître le triste sort. Si la démagogie a une figure, elle ressemble étrangement à ces gens-là, à toute cette caste de gens nés avec une cuiller d’argent dans la bouche, qui n’a elle-même de cesse de tricher, de mentir, de s’affranchir du sort commun. Che vergogna ! comme on dit de l’autre côté des Alpes…
- Mugabe s’en va, enfin !
Ce samedi, Robert Mugabe vient de se voir demander par son propre parti, le Zanu-PF, de quitter le pouvoir et c’est l’ensemble de la population du Zimbabwe, ex-Rhodésie du Sud, qui crie sa joie de voir ce vieillard sénile quitter enfin la tête de l’État, place qu’il occupe depuis 1987. Celui qui organisa la guérilla contre le régime raciste de Ian Smith, celui qui a été en quelque sorte le « père de la nation » sera l’exemple de ce mal endémique dans le continent : la prévarication, la dictature, l’incapacité de passer la main et l’exemple de ce que l’on peut faire de pire en matière de développement si l’on songe qu’à son arrivée au pouvoir le pays était largement excédentaire en termes de production agricole et qu’aujourd’hui il est obligé d’importer la plus grande partie de ce qu’il consomme.
Bien sûr, on peut plaider qu’il ne fut guère aidé par ceux qui possédaient la terre, grands propriétaires blancs dont Ian Smith était le représentant et le défenseur. Mais était-ce bien habile de les exproprier tant que, par ailleurs, le pays ne disposait pas des hommes et des femmes capables de les remplacer ? Le résultat, on le sait, fut une vraie catastrophe. Mettre des petits employés de bureau, certes dociles et obligés, à la tête de fermes auxquelles ils n’entendaient rien fut sans doute la pire erreur de Robert Mugabe. La suite fut une longue descente aux enfers pour ce pays « de cocagne ».
Craignant qu’à sa suite, Grâce Mugabe, sa femme de 41 années moins âgée, ne prenne le pouvoir, les militaires se sont décidés à intervenir et à mettre fin à cette triste mascarade. Le Zimbabwe ne pourra certes pas tomber plus bas, mais rien ne garantit que ceux qui vont prendre la place sauront remettre ce pays en état de subvenir à sa population. Puisent-ils tirer les leçons de ces impasses dont Mugabe fut le triste exemple et l’inspirateur…
- Frappes « chirurgicales » en Irak et en Syrie : quelle fable !
Les médias français ont, une fois encore été à la hauteur de leur médiocrité. C’est le New York Times qui, dans une enquête publiée le 17 novembre, nous informe que la « coalition des forces démocratiques », entendez le conglomérat militaire réuni autour des États-Unis, de la France et de quelques autres, bombardent sans relâche l’Irak et la Syrie depuis des mois, des années. On se souvient en effet des cris d’orfraie poussés lorsque l’aviation russe bombardait Raqah ou Mossoul. Que n’a-t-on entendu sur ces morts civils, ces femmes, ces enfants qui mourraient à l’occasion de ces bombardements ! Mais dès lors qu’il s’est agi de s’intéresser aux effets des bombardements de la coalition « des forces démocratiques », là, bizarrement, pudeur de gazelle, silence ! Pourtant, l’enquête du New York Times révèle qu’on est très loin des 89 frappes ayant donné lieu à 466 victimes civiles déplorées par le commandement US. Avec 27 500 frappes aériennes depuis 2014, on s’en doutait un peu… L’enquête menée dix-huit mois durant révèle que 14 000 de ces frappes ont donné lieu à des morts civiles. 31 fois plus ! La France qui participe de ces opérations est d’une rare discrétion sur les « dommages collatéraux ». La « grande muette »… Et, bien sûr, il ne vient pas à l’idée de notre presse libre et indépendante de faire la même chose que ce que qu’a fait le New York Times. Nos « journalistes d’investigation » qu’on est pourtant priés d’admirer ne sont pas intéressés. Quand il s’agit des russes, non qu’ils enquêtent davantage, non, mais là ils nous en font des tonnes avec force images poignantes à la clé. Mais l’armée française, les « forces démocratiques et leurs frappes « chirurgicales », rien ! Et ils s’étonneront ensuite que la confiance à leur endroit s’émousse, disparaisse, que leurs ventes s’écroulent, qu’on ne les croie plus. Ils vilipenderont les « théories du complot », nous feront le coup comme a osé le faire Le Monde de dénoncer des sites « douteux », prétendant trouver des remèdes avec ses Décodeurs, le fact-cheking et autres Désintox de pacotille. Le lecteur pourra avec profit relire ici cette excellente chronique de Frédéric Lordon publié en l’année dernière. Tout ou presque y est dit et bien dit…
- Charlie Hebdo, Manuel Valls, Edwy Plenel…
La polémique fait rage entre Charlie Hebdo et Mediapart. D’un côté Riss, le directeur de Charlie aidé dans son entreprise de dénonciation par Manuel Valls, Caroline Fourest, quelques plumes de Marianne et, de l’autre, Edwy Plenel, ex-directeur du Monde aujourd’hui à la tête de Mediapart. Edwy Plenel dénonce depuis des années la « guerre aux musulmans » que connaitrait notre pays et voit dans les caricature de Charlie l’expression de cette guerre. Quant à la caricature qui le vise (voir ci-dessous), il la compare à « l’affiche rouge », rien moins… On a connu réponse plus subtile et plus appropriée. Du côté de Valls et consorts, on sort la grosse artillerie. Valls essaie de se refaire une santé après son élection douteuse et sa trahison du candidat qu’il s’était engagé à soutenir, Benoît Hamon en l’occurrence. On comprend bien que pour le cas où il devrait repasser devant les électeurs, il lui faut revenir sur le devant de la scène. Caroline Fourest règle ses comptes. C’est souvent le cas et ses amitiés avec Manuel Valls sont connues. Bref, ça tire dans tous les sens au grand désespoir de ceux qui ont été Charlie et qui, par ailleurs, trouvent en Mediapart une source d’information sérieuse.
Devant ce triste spectacle, on peut cependant s’accorder assez facilement sur quelques points :
1. Charlie peut publier toutes les caricatures qu’il veut, sur qui bon lui semble. C’est son droit et on n’est pas obligé pour autant de les apprécier toutes… Certaines peuvent être jugées drôles, impertinentes, dérangeantes quand d’autres seront maladroites, sinistres, de mauvais goût…
2. Edwy Plenel aime à donner des leçons à tout le monde et s’absout volontiers. Sa direction du Monde avec son compère Jean-Marie Colombani n’a pas laissé que de bons souvenirs. Nombre de lecteurs fidèles du journal ont à cette époque « voté avec leurs pieds » et, dans la rédaction qu’il dirigeait, il n’a pas laissé que de bons souvenirs (voir Daniel Schneidermann). Prétendre que la caricature de Tariq Ramadan participe de la guerre que fait ce pays à l’islam est inadmissible en ce que précisément il reprend mot pour mot ce qui constitue le fonds de commerce de l’islamisme radical et des « idiots utiles » comme Les indigènes de la République.
3. On peut à bon droit faire la différence entre islam, islamisme et terrorisme sans pour autant être un suppôt de Daesh. On peut aussi discuter Tariq Ramadan sans pour autant être soupçonné de connaître et de couvrir ses frasques sexuelles. Manuel Valls et consorts n’ont ainsi pas dénoncé un intellectuel bien connu, juif de surcroît, Edgar Morin qui a pourtant, à l’occasion, accepté de débattre avec Tariq Ramadan dans un livre publié en 2014, Au péril des idées. On peut même penser que Manuel Valls (et tant d’autres comme lui dont Edwy Plenel peut-être) n’ignoraient rien des frasques de son compère et ami, Dominique Strauss-Kahn…
Bref, dans cette triste affaire, on est tenté de dire « Halte au feu ! » et être en accord avec Jacques Sapir : « Contre Valls et Plenel ».
@ suivre…
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