Petites et grandes affaires...
Vendredi 23 février 2018
Sujets abordés :
- Rapport Spinetta ou l’avenir du service public selon Macron
- Réforme de la santé : pas vraiment de quoi être rassurés…
- Tempête dans le microcosme : Wauquiez mange la grenouille…
- Élections au parlement européen : les grandes manœuvres ont commencé
- Et pendant ce temps…
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- Rapport Spinetta ou l’avenir du service public selon Macron
Jean-Cyril Spinetta, 74 printemps au compteur, a fait une belle carrière : Sciences-Po Paris, ENA, ancien directeur des collèges sous Jean-Pierre Chevènement, Dircab’ de Michel Delebarre, ministre du travail après le tournant de « la rigueur », recasé ensuite à l’inspection générale de l’Éducation nationale, le « cimetière des éléphants ». Il a ensuite poursuivi sa carrière en des cieux plus lucratifs comme PDG d’Air Inter avant d’être celui d’Air France-KLM jusqu’en juin 2013 tout en présidant le Conseil de Surveillance d’AREVA, siégeant aux conseils d'administration d’Alcatel-Lucent, de Saint-Gobain et d’Engie (ex GDF-Suez). En 2008, comme PDG d’Air France-KLM, alors qu’il conduit la privatisation, il était le 41e patron le mieux payé de France avec 1,5 M€/an. C’est donc à cet ex-énarque devenu PDG d’une des plus emblématiques entreprises françaises que le pouvoir a demandé de réfléchir à l’avenir du ferroviaire dans notre pays. Demander à un tel homme de réfléchir sur un tel dossier c’est comme demander à un trader de réfléchir à l’avenir du secteur bancaire… L’homme a donc produit ce que l’on attendait de lui, un rapport intitulé « L'avenir du Transport ferroviaire » qui a été remis ce 18 février au Premier ministre et qui, sans surprise, propose de démanteler ce qui reste de service public dans ce secteur. Le diagnostic est classique : l’entreprise, surendettée à hauteur d’une cinquantaine de milliards d’euros, ne pouvant faire face à ses échéances ne peut qu’être totalement privatisée pour espérer survivre. On retrouve là le schéma libéral classique qui consiste à faire en sorte que le service public soit mis dans l’incapacité d’assumer ses missions par une asphyxie méthodiquement organisée et, le remède est alors là aussi connu, l’État prenant à sa charge tout ou partie de la dette, on brade au privé…
Bien évidemment, le rapport Spinetta se gardera bien de poser la moindre question quant à la légitimité de la dette de la compagnie nationale. Autrement dit, alors que d’un côté on se félicite et on s’enorgueillit de ce que le pays ait mis la plupart des grandes villes de France à moins de 4 h de Paris avec les lignes TGV, était-il normal que cette opération d’aménagement du territoire soit imputée à la compagnie en charge de les exploiter ? Si tel avait été le cas par le passé avec les canaux, les lignes de chemins de fer, les aéroports, les ports, et plus généralement l’ensemble des outils structurants du pays, aucune compagnie n’eut survécu. En d’autres termes, ces coûteuses lignes TGV – entre 13 et 57 M€/km ! – dont nous sommes si fiers et si contents d’user devaient être à la charge du pays, de l’État et non de la compagnie nationale. Au lieu de cela, le rapport préfère pointer du doigt le « statut » des employés réputés être des « privilégiés » et préconise la fermeture des « petites lignes » aujourd’hui gérées par les régions et jugées « non rentables ». 9 000 km de lignes ! Sans surprise, donc, venant de la part de celui qui a organisé la privatisation d’Air France, il est proposé de mettre fin à ce statut dont bénéficient les agents de la SNCF et de supprimer toutes ces lignes jugées non rentables.
Disons-le, le remède proposé par Spinetta n’a rien de bien « moderne ». C’est exactement le même que celui qui a été appliqué en Grande-Bretagne en 1993, autrement dit il y a de cela bientôt 25 ans, avec la « vente à la découpe » de la compagnie nationale à 23 opérateurs... Avec le résultat que l’on sait : outre des accidents ferroviaires parfois dramatiques (35 morts et 558 blessés des accidents du 5 octobre 1999 à Ladbroke Grove et du 17 octobre 2000 à Hatfield), le quotidien des usagers du ferroviaire en Grande-Bretagne relève d’un enfer. Des trains vétustes, systématiquement en retard quand ils ne sont pas purement et simplement supprimés et tout cela à un coût prohibitif ! Le comble étant que l’État, c’est-à-dire le contribuable, se voit obligé de subventionner certaines des compagnies privées en charge de l’exploitation des lignes tandis qu’il a été contraint de renationaliser le service de l’entretien (ce que fait RFF chez nous). L’opinion gronde, 60 % des britanniques est aujourd’hui favorable à une renationalisation de l’ensemble du système tandis qu’il n’en reste que 25 % favorable au maintien du système actuel. Les mêmes causes produisant peu ou prou les mêmes effets, voilà donc l’avenir qu’ils nous réservent…
Comme il est d’usage dans notre pays, la « machine médiatique » a salué le rapport et entrepris de nous expliquer combien les cheminots étaient d’odieux « privilégiés »... « Courageux » est le mot à la mode… Et on sait bien que derrière ce soi-disant « courage » se cache le salut fait à des mesures impopulaires réputées nécessaires à l’aune de la doxa libérale. Les politiques n’ont pas failli non plus, LREM applaudit, une partie de la droite est en communion et ne se trouvent d’opposants que du côté de LFI et du FN, LR se contentant de critiquer la suppression des 9 000 km de lignes « non rentables », histoire de peaufiner son image de défenderesse de la « ruralité » et de la « province »…
Côté syndical, là aussi et sans grande surprise, la CGT et SUD-Rail sonnent le tocsin en appelant l’ensemble des agents du ferroviaire et plus largement la population à mener « la bataille du rail » via une manifestation nationale le jeudi 22 mars tandis que la CFDT (qui compte en son sein la très corporatiste FGAAC, syndicat des roulants) se dit satisfaite des discussions engagées avec le pouvoir et que l’UNSA réfléchit…
Une fois encore, il est à craindre que la résistance à ce démantèlement du service public ne soit pas à la hauteur des enjeux, autrement dit qu’une très grande partie de la population, plus occupée elle-même à survivre qu’à vivre, tout en étant opposée à cette affaire, ne lèvera pas le petit doigt pour le faire savoir. C’est bien là-dessus que compte le pouvoir. Les employés du ferroviaire sont certes encore organisés avec des syndicats qui restent puissants et relativement bien implantés mais les deux décennies passés les ont grandement affaiblis. Beaucoup de batailles perdues, c’est-à-dire de jours de grève perdus, un ferroviaire éparpillé « façon puzzle » en trois grands secteurs (SNCF, RFF, TER) et une division syndicale qui, dans ce secteur comme ailleurs, nuit grandement à l’unité d’action.
Cerise sur le gâteau, le « délicieux » Christophe Castaner vient ce jeudi d’annoncer que le pouvoir envisageait de recourir aux ordonnances pour réformer la SNCF. Bien évidemment, il met en avant la réputée célérité de la procédure. En réalité, tout montre que cette procédure permet tout au plus de gagner trois mois par rapport à la voie parlementaire et qu’elle est le moyen pour le pouvoir de se passer un peu plus du Parlement. Voudrait-on faire la démonstration que cette institution ne sert à rien, voudrait-on prouver que les français ont bien raison de ne plus se déplacer aux législatives qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Quant aux députés LREM, s’ils avaient, après la « loi travail », encore quelques illusions sur leur utilité, les voilà rassurés. Mais comment peut-il en aller autrement quand le premier texte soumis à leur approbation a été de leur demander de se démettre de leurs prérogatives via la voie des ordonnances ? Et, du coup, résonne la petite phrase de Laurent Wauquiez : « il n’y a aucun équilibre des pouvoirs en France »… Effectivement !
On ne saurait passer au sujet suivant sans noter que le rapport Spinetta est à mettre en parallèle avec la politique européenne en matière de ferroviaire et, plus généralement, de services publics. Une fois encore, sur ce sujet comme sur tant d’autres, c’est bien l’échéancier européen de la Commission qui voit ici sa concrétisation. L’ouverture à la concurrence est un dogme et comme tel n’est jamais interrogé. Si la Grande-Bretagne avec le Brexit se donne les moyens d’y résister et peut à l’avenir renationaliser l’ensemble de son secteur ferroviaire, il va sans dire que ce qu’on appelle communément « les traités » interdisent tout retour en arrière sous peine de remettre en cause ce qui en constitue le socle, à savoir « la concurrence libre et non faussée ». Où l’on voit, une fois encore, que derrière une question d’apparence « nationale » se cache, en fait, la mise à l’écart de pans entiers de l’action publique, autrement dit de la réduction à peau de chagrin du champ d’action de la démocratie. Les mêmes, bien sûr, se désoleront ensuite de la « montée des populismes ». C’est le coup des « pompiers pyromanes », rien de bien neuf, hélas…
- Réforme de la santé : pas vraiment de quoi être rassurés…
Notre système de santé est malade, on le sait. La population vieillit, les dépenses de santé augmentent tandis que se sont constitués des « déserts médicaux » et que l’hôpital public est en situation d’exploser. Bref, loin de satisfaire au principe d’égalité inscrit au fronton des bâtiments publics, les français, selon leur lieu d’habitation et leurs revenus sont moins que jamais égaux.
En cause, de multiples facteurs se conjuguent. Tandis que l’on mène une politique malthusienne de recrutement des médecins via le numerus clausus depuis 1971 et, ce, au motif que plus grand sera le nombre de médecins, plus augmenteront les dépenses de santé, celles-ci augmentent mécaniqueùent sous l’effet conjugué de l’allongement de la durée de la vie de la population (sans commune mesure avec l’augmentation de l’âge moyen de la « vie en bonne santé ») et de l’augmentation du coût des traitements et des matériels. À cette augmentation des coûts, il faut mettre en regard la difficulté dans laquelle est mise la branche maladie de la Sécurité sociale de les assumer. En cause, bien sûr, le chômage de masse qui, outre les maladies qu’il provoque sur les chômeurs eux-mêmes tarit la source de financement de cette branche.
Face à cela, les gouvernements de gauche comme de droite ont communié dans la « politique du rabot » qui a consisté à dérembourser un nombre toujours plus grand de médicaments, à augmenter le « reste à charge » de l’usager (forfait hospitalier, modulation des taux de remboursement selon le parcours de santé, franchises médicales, participation forfaitaire de 1 € sur les consultations, etc.) et, accessoirement, à faire la promotion des « génériques » dont il s’avère que certains d’entre eux sont plus coûteux que les originaux… et dont la qualité de fabrication peut parfois être interrogée.
Côté médecins : on a maintenu pour l’essentiel le numerus clausus, quitte à laisser des universités étrangères former des médecins français et à importer des médecins étrangers dans nos hôpitaux, sous-payés et précaires, bien sûr. Nos gouvernants ont parallèlement eu la riche idée de changer la gestion des hôpitaux publics via la « tarification à l’acte » d’une part, et le management d’autre part. Sur le premier point, on connaît les effets délétères de cette codification qui vise à transformer l’hôpital en entreprise via un système de comptabilité qui tend à réduire la prise en charge des patients. L’autre face sombre du système a été de changer la gouvernance des hôpitaux en réduisant le pouvoir des « patrons », des chefs de service, pour lui substituer celui des gestionnaires comptables, des directeurs ne connaissant rien aux métiers mais tout de comptabilité. Et, bien évidemment, et comme il fallait s’y attendre, cela ne s’est pas fait sans dégâts humains. Le Monde, une fois n’est pas coutume, a récemment publié dans son supplément idées daté du 17 février un édifiant article intitulé « L’hôpital malade du management » (que le lecteur pourra retrouver ici) avec en exergue cette phrase de Danièle Linhart, sociologue : « Il est insupportable pour un médecin de se voir expliquer par un gestionnaire combien de temps doit durer un rendez-vous avec un schizophrène ». Effectivement… Le supplément s’ouvre sur l’énonciation des symptômes connus que sont les suicides de médecins, la révolte du personnel des établissements pour personnes âgées, la maltraitance des patients… On y apprend que « Les soignants sont contraints d’apporter leur concours à des actes qu’ils réprouvent », que l’organisation actuelle de l’hôpital a tout à voir avec un système totalitaire…
La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, formée à l’École Alsacienne, ancienne interne des hôpitaux de Paris, ayant fait l’essentiel de sa carrière à l’APHP comme hématologue à l’hôpital Necker est parfaitement au fait de toutes ces réalités. Ayant plutôt bonne réputation dans le milieu médical, on la dit volontiers humaine et droite même si, à l’occasion de sa nomination à la tête du ministère, sont ressorties ses activités rémunérées dans le cadre de la promotion de trois médicaments produits par Novartis et Bristol-Meyers Squibb… et qu’a pu être évoqué le conflit d’intérêt potentiel avec la position de son mari qui dirige l’INSERM dont le ministère de la Santé assure la cotutelle avec le ministère de la Recherche. Elle s’est fait remarquer par certaines de ses prises de position en faveur du « droit à l’oubli » auprès des assureurs d’emprunts pour les cancéreux et ceux qui souffrent de l’hépatite B et a participé de la défense de la loi Évin luttant contre l’alcool et le tabac. Elle vient, par ailleurs et récemment, de rendre obligatoire 11 vaccins au lieu de 3 au risque de voir se renforcer le soupçon qu’elle le fasse pour le plus grand bénéfice des laboratoires pharmaceutiques qui les produisent… Fort heureusement pour elle, et malheureusement, l’épidémie de rougeole en Aquitaine a remis quelques pendules à l’heure en soulignant la faible couverture vaccinale qui en est la source.
La question qui se pose est donc de savoir comment cette grande praticienne de l’hôpital public va arbitrer, étant entendu qu’elle n’a nullement les mains libres puisque « Jupiter » veille au grain – et avec lui tout le poids de la technostructure de Bercy dont il est l’emblème – et qu’il est évidemment hors de question de lâcher la bride aux dépenses de santé quand, dans le même temps, on multiplie les exonérations de charges des entreprises. Rien ne semble prévu pour lutter contre les déserts médicaux en dehors d’une légère augmentation du numerus clausus qui ne règlera rien puisque ces nouveaux médecins ont peu de chance d’aller s’installer dans les « déserts médicaux »… Il eut fallu, en bonne méthode, mettre en place des pré-recrutements d’étudiants en médecine dont on paierait les études en échange d’un engagement à servir l’État durant un temps connu d’eux à l’avance (5 ou dix ans, par exemple). C’est ce que l’on avait fait avec les IPES pour les professeurs que l’on peinait à recruter dans les années 70-80. Mais cela eut porté atteinte à la sacro-sainte liberté d’installation des médecins qui se vivent comme profession libérale destinée à exercer là où la clientèle est la plus rémunératrice… Sur la gestion de l’hôpital public, il faut là aussi se préparer à déchanter. Certes, il est question de revenir sur la « tarification à l’acte », sans que l’on sache vraiment ce qui s’y substituera, mais il est à craindre que la ministre ne rende les armes devant le management qui a cours à l’hôpital. La pression insupportable que subissent les personnels, les suicides, y compris de jeunes internes, risquent donc fort de perdurer. La grande « concertation sur la politique de Santé » risque donc fort d’accoucher d’une souris, à l’image d’autres comme celles qui se sont tenues sur l’élevage et l’alimentation récemment. Une occasion de plus serait ainsi manquée de tenter de régler ce qui va de mal en pis dans ce pays et qui concerne toute la population. Une occasion manquée, probablement, mais qu’attendre d’autre de la technocratie libérale qui nous gouverne ?
- Tempête dans le microcosme : Wauquiez ?mange la grenouille”…
On savait le nouveau président de LR quelque peu à la peine. Promu à la tête de LR sans véritable concurrent, devant supporter le départ sous d’autres cieux plus cléments de figures du mouvement, ayant à constater la fin de l’asservissement des centristes de l’UDI, Laurent Wauquiez était donc fermement décidé à faire parler de lui. Être président d’une formation en voie de dissolution n’est pas exactement la vocation de ce « jeune ambitieux ». L’occasion lui a donc été donnée de faire « parler dans le Landernau » en prenant la parole devant des étudiants d’une école de management de Lyon, un public peu suspect de verser dans la rébellion ou le gauchisme… En introduction de ce qui se prétendait être un « cours » – et on s’interroge sur ce que cette école entend par là – il a d’emblée demandé aux étudiants de faire silence sur ses propos. Clause de style qu’en ces temps de smartphones déchaînés il savait pertinemment ne pas devoir être suivie d’effets. On peut donc penser que loin de l’indignation qu’il affecte aujourd’hui, c’est délibérément qu’il a dit que, contrairement à ce qu’il a coutume de faire sur les plateaux télé, il ne leur servirait pas de « bullshit ». Il a ensuite expliqué que loin de vivre dans une république démocratique, nous vivions en dictature : « L’équilibre des pouvoirs, ça, ça fait vraiment partie d’une illusion. Vous croyez qu’un parlementaire a le moindre pouvoir aujourd’hui ? Vous avez vu les guignols d’En marche ! là ? Ils sont tous avec le petit doigt sur la couture [du pantalon], ils doivent tous voter la même chose. Quand ils osent apporter la moindre dissonance, ils se font taper dessus avec une matraque. Il n’y a aucun équilibre des pouvoirs en France. Donc, il y a une dictature totale en France ! L’alignement entre l’exécutif et le législatif, c’est une vaste foutaise. » Il a ensuite poursuivi en mettant en cause un certain nombre de personnalités politiques tel Gérald Darmanin qui serait « un Cahuzac puissance 10 », Nicolas Sarkozy qui aurait fait espionner les portables de ses ministres et notre « premier de cordée », Emmanuel Macron, qui aurait été à l’origine de la démolition de François Fillon durant la présidentielle.
Que l’équilibre des pouvoirs exécutif et législatif soit une plaisanterie dans ce pays, il suffit pour s’en convaincre aisément de suivre les débats qui se déroulent à l’Assemblée nationale depuis juillet 2017. On sait même que les députés LREM ont l’interdiction absolue de cosigner la moindre proposition de loi qui ne vient pas de leurs rangs… au point qu’un certain nombre d’entre eux commencent à trouver soit qu’ils ne servent à rien, ce qui est vrai, soit que trop c’est trop jusqu’à se demander si, à l’occasion de la loi sur l’immigration que va présenter le ministre de l’intérieur, ils ne vont pas faire sécession ou, au moins, « fronder »… Mais, nous y reviendrons… Quant à Nicolas Sarkozy et à ses pratiques, on sait qu’il est capable de tout et quand on voit tous ceux de son entourage proche qui sont tombés, on n’est guère surpris… Aux excuses que lui aurait présentées Laurent Wauquiez, Nicolas Sarkozy aurait eu cette réponse : « Beaucoup de monde me disait que tu n'étais qu'une grosse merde. Aujourd'hui, je n'ai d'autre choix que de penser comme eux ». C’est fin, c’est du Sarko dans le texte… Tant de vulgarité nous manquait…
La seule nouvelle, donc, réside dans le fait que Laurent Wauquiez – et on peut penser qu’il n’est pas seul dans ce cas – nous sert du « bullshit » sur les plateaux télé… Franchement, on s’en doutait un peu. Mais c’était là un « secret » qui, quoique de polichinelle, n’avait pas vocation à être aussi brutalement énoncé. Alors, et c’est très probablement le but recherché, l’ensemble des médias et de la classe politique « policée » s’est émue. Qu’ils continuent, c’est ce qu’il veut. Il lui faut prendre la place du FN dont on connaît par ailleurs les difficultés. Qu’il apparaisse comme « transgressif » aux yeux de tous ces gens-là est le plus sûr moyen de réussir. Petit calcul médiatique pour un “jeune” ambitieux qui a décidé de prendre le chemin ouvert un temps par Nicolas Sarkozy sur les conseils du très maurassien Patrick Buisson. En fait, toute cette « tempête dans un dé à coudre » doit se mesurer à l’aune des grandes manœuvres qui se dessinent pour la prochaine échéance électorale nationale que seront les élections au parlement européen de 2019…
- Élections au parlement européen : les grandes manœuvres ont commencé
Le parlement vient de voter la fin du vote par « grandes circonscriptions » au profit d’un vote national sur un scrutin de liste pour l’élection des députés français au parlement européen de mai 2019. Parallèlement, on a appris que la proposition faite par Emmanuel Macron de réserver une partie des sièges libérés par les députés anglais suite au Brexit – 27 des 73 sièges, plus précisément – sur des listes transnationales avait été refusée par les députés européens anglais et allemands de la CDU. Sur cette question, on sait qu’Emmanuel Macron fondait de grands espoirs puisqu’il y voyait un moyen d’acter symboliquement la constitution d’un « peuple européen » que, par ailleurs, on cherche vainement. Ces 27 députés n’eussent évidemment rien changé puisque, comme on le sait, ce parlement est en fait sans pouvoir réel. Quant au retour à la circonscription unique, elle est évidemment à juger à l’aune de raisonnements tactiques qui ont peu à voir avec le fait que les députés européens sont évidemment déconnectés et inconnus de leurs électeurs, qu’ils soient élus dans un « grande circonscription » ou par le pays tout entier et tout à voir avec le fait que LREM préfère nettement une seule liste à plusieurs, ce parti ne disposant d’aucune implantation locale avérée.
C’est donc dans ce contexte qu’il faut appréhender le scrutin qui s’annonce. Les français se désintéressent toujours plus de ce scrutin. La participation y est misérable : moins de 43 % depuis 2009, que ce soit sur l’ensemble des pays ou en France (voir ici). Les « citoyens européens » ont bien compris que cette élection est de type « bullshit »… En outre, dans notre pays, il est l'occasion rêvée pour les partis politiques de recycler ceux d’entre eux que les scrutins nationaux ont contrariés… Bref, c’est une farce, mais une farce qui représente pour ces partis une quantité de moyens considérables. La place est bonne, bien rémunérée et dotée de larges moyens. Les partis, dont le nombre d’adhérents est devenu squelettique, trouvent donc là des moyens de fonctionnement que les citoyens qu’ils sont censés représenter leur refusent. Il s’agit donc moins d’aller siéger dans un parlement pour y défendre des options politiques que de se servir de ce parlement pour obtenir des moyens de survie et, accessoirement, faire un peu parler de soi à l’occasion.
Les grandes manœuvres ont donc commencé. Les pièces bougent sur l’échiquier… Laurent Wauquiez tente de refaire le coup de Nicolas Sarkozy en asséchant le marigot du FN. Ce faisant, il « libère » tous ceux qui au sein de LR se disent « modérés », « centristes » de toute nature allant des jupéistes à l’UDI. Ces derniers n’ont évidemment aucunement intérêt à montrer leur faiblesse avec une liste autonome et tout intérêt à se raccrocher au bateau LREM qui, de fait, et d’abord par la politique qu’il mène, est le parti de droite de ce pays.
À gauche, pour peu que ceci ait encore quelque sens, même processus de fragmentation. La « droite de la gauche », les hollandais, etc. tous ceux qui se sont refusés à soutenir Benoît Hamon à la présidentielle ou tous ceux qui l’ont soutenu comme le corde soutient le pendu vont s’en aller rejoindre la liste LREM. Reste donc à voir ce que feront ceux qui ne prendront pas ce train-là… Ça ne représente certes pas des foules considérables mais, comme on l’a vu avec les 6 % de Benoît Hamon, leur capacité de nuisance à gauche est certaine. Car, bien évidemment, un des enjeux de ce scrutin, en dépit d’une participation qu’on peut prévoir faible, sera de faire le point sur le rapport de force entre les uns et les autres. Et, à gauche, s’il semble acquis que LFI est désormais le pôle dominant, ceux et celles qui n’en font pas partie vont une fois encore tenter de survivre. On pense ici au PCF dont les rapports avec LFI sont de plus en plus exécrables au point qu’à l’occasion de la préparation de son 38ème congrès, se fait montre une opposition à Pierre Laurent sur une ligne s’opposant frontalement à LFI… En vue, une alliance avec Benoît Hamon et ses amis dont les positions européistes tranchent singulièrement avec la « sortie des traités » autrement appelée « plan B » de Jean-Luc Mélenchon et ses amis. Comment réagiront Benoît Hamon et ses amis à cette invite… Peu nombreux seront les citoyens qui se préoccuperont de ces petites « tambouilles », certes, mais lorsqu’arrive l’heure du choix, le jour du vote, lorsque plus d’un citoyen sur deux s’en désintéresse, ce sont les plus motivés qui font la différence. C’est, par exemple, ainsi que LR a gagné les deux premières législatives partielles qui se sont déroulées récemment…
Le vote au parlement européen est, par excellence, le vote des plus aisés, le votes des couches éduquées, le vote de ces couches qui souffrent le moins de la globalisation et de cette Europe libérale qui en en étant le promoteur fait le malheur des autres, autrement dit le vote de ceux qui ont voté Macron à la présidentielle et LREM aux législatives qui ont suivi. Emmanuel Macron l’a bien compris. Il s’est donc donné les moyens politiques de faire en sorte que le scrutin perde tout caractère local. Aidé en cela par les médias mainstream, il fera en sorte que le débat se résume à un très binaire choix entre « Pour l’Europe » et « Contre l’Europe » dans lequel, accessoirement, il faudra aussi entre entendre « Pour l’Euro » ou « Contre l’Euro ». Et, bien évidemment, ses opposants n’auront pas le temps de développer une « pensée complexe », d’autant que l’orchestre médiatique couvrira leurs voix. Bref, ça promet de grandes heures. Sauf à ce que la « question sociale » ne s’invite, on risque fort d’assister à une partie de bonneteau…
- Et pendant ce temps…
Difficile d’être exhaustif dans l’exercice présent, difficile et, évidemment, tout aussi impossible que peu souhaitable…
1. Un mot toutefois du feuilleton syrien : Bachar El-Assad, aidé et bien aidé en cela des Russes et des Iraniens, a gagné la guerre. Ce faisant, il est inimaginable que cette victoire ne soit pas totale et, donc, qu’il supporte une poche de résistance aux portes de la capitale. Imagine-t-on un instant les alliés accepter que l’armée nazie occupe une banlieue de Berlin en 1945 ? C’est donc sans grande surprise que l’on voit son armée se donner les moyens de réduire la dernière poche de résistance du pays, celle de « la Ghouta ». L’aviation syrienne largue donc bombes et barils d’explosifs tandis qu’à terre elle entreprend de faire le siège avant d’entrer. Rien là que de très classique. Et, donc, fort logiquement, des morts, dont des femmes et des enfants… Le concert des pleureuses médiatiques a donc repris sa partition favorite : c’est affreux, c’est terrible, toutes ces femmes, tous ces enfants, toutes ces populations civiles qui sont bombardées par le régime sanguinaire du « boucher de Damas », etc. Pas un mot, sauf exception, pour expliquer que dans cette enclave « rebelle », les démocrates chéris ont depuis longtemps perdu la partie au profit de djihadistes pur jus qui ont fait allégeance à Al Qaïda ou à Daesh. Pudeur de gazelle sur cette réalité mais les mêmes qui n’ont de cesse de pleurer sur le sort des enfants de la Ghouta ne pipent mot sur ce qui se passe au nord du pays, à savoir l’offensive turque contre Afrin. Pas un mot ou presque pour expliquer que les forces terrestres de Bachar El Assad viennent de soutenir les kurdes dans cette affaire. C’est que, dans la propagande qui nous est servie, la nuance, la complexité ne peut avoir sa place. Comment expliquer que les affreux de Damas puissent être des monstres ici et des sauveurs là ? Pourtant, à Afrin, les bombardements de l’armée turque ne font pas moins de morts civiles que ne le font ceux de Bachar à la Ghouta. Alors pourquoi se soucier du sort des uns et passer sous silence celui des autres ? Ces gens-là nous prennent vraiment pour des demeurés !
2. L’autre incise, en conclusion de cette chronique, est d’un tout autre ordre puisqu’il s’agit de l’état dans lequel se trouve le monde paysan à la veille de l’ouverture de sa grand-messe annuelle à la porte de Versailles. Emmanuel Macron ne peut pas ne pas y aller. Comme ses prédécesseurs au poste qu’il occupe, et quels qu’en soient les risques, il lui faut montrer son minois en ce lieu. La visite a des chances de se mal passer. Alors que la moitié des paysans survit avec moins de 350 €/mois, sous la pression de Bruxelles, comme on dit, il a été décidé de revoir la carte des aides européennes. Comment ? Sur quels critères ? Nul ne sait. Quelques obscurs bureaucrates en poste dans les préfectures s’en sont chargés et le résultat est à la hauteur de leur méconnaissance du terrain : une catastrophe pour nombre de communes qui se voient sorties du dispositif sans qu’elles puissent en comprendre la raison. C’est ainsi que l’on a vu être diffusés des reportages sur des communes du Gers avec de fortes pentes ou des terres caillouteuses peu propices à autre chose que de l’élevage se voir sortir du dispositif d’aide tandis que la commune voisine qui connaît une situation strictement identique y reste… La colère gronde d’autant que, « dans le même temps », pointent les conséquences des accords de libre-échange avec le MERCOSUR et le Canada qui ne peuvent qu’aggraver la concurrence déloyale à laquelle nos éleveurs ne résistent aujourd’hui que grâce aux aides européennes (qui, rappelons-le, viennent en fait de notre poche via la contribution de notre pays au budget européen). Emmanuel Macron a bien compris que sa visite à la porte de Versailles était à haut risque. Il a en mémoire la visite de François Hollande hué deux heures durant par les paysans l’an dernier… Il sait combien l’effet médiatique est désastreux. Après une relative embellie qui avait tout à voir avec les fêtes de fin d’année, sa cote de popularité est en recul de six points, à 44% de bonnes opinions, dans le baromètre mensuel Ifop pour le Journal du Dimanche (JDD). Aussi a-t-il essayé de déminer le terrain en invitant ce jeudi un millier de paysans à l’Élysée, triés sur le volet, évidemment. Mais ceux qui manifestent bruyamment n’y étaient pas et n’ont évidemment pas l’intention de faire silence dimanche prochain au Salon. On suivra donc avec intérêt cette petite visite. Gageons que le parcours sera soigneusement calculé et que les forces de l’ordre feront leur possible pour écarter les importuns. Il n’est pas sûr que cela suffise… Le paysan sait parler fort et user de projectiles le cas échéant.
Manifestation paysanne à Pont-à-Mousson le 5 février 2018
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