Des débats, des meetings… riche semaine
Lundi 27 mars 2017
- Emmanuel Macron rassemble à “gauche”… et à droite
- Premier débat télévisé : pas si ennuyeux qu’on pouvait le craindre
- Déclarations de patrimoine des candidats : un quasi prolétaire, Emmanuel Macron !
- Fillon dans tous ses états
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Benoît Hamon avait bien tenté de revenir via son passage à l’Émission politique de France 2 puis avec son meeting à Bercy dimanche dernier. Les médias, bonne pâte, avaient relayé ces tentatives mais, chacun en convient, ça ne prend pas. Les sondages, en dépit de corrections favorables des instituts, sont bien obligés d’en faire état. C’est que, les échéances approchant, « les rats quittent le navire »…
Problématique, d’abord, le refus de Manuel Valls de soutenir le vainqueur de la primaire à laquelle il a participé et en dépit des engagements pris à cette occasion. Là encore, si politiquement et vu la ligne suivie par Valls et la contestation des « frondeurs » dont Benoît Hamon fut l’une des têtes de file, cela s’entend, c’est néanmoins une « entorse au règlement » qui dit à quel point les politiciens façon Valls conçoivent la politique et l’engagement. Pensant gagner la primaire haut la main dès lors que Hollande renonçait à s’y présenter, Manuel Valls n’imaginait pas une seconde que son engagement n’aurait d’autre objet que lui-même…
Passons sur le soutien à l’endroit d’Emmanuel Macron de Barbara Pompili, l’écologiste, variante gouvernementale, secrétaire d’État chargée de la biodiversité… et, dans la même série, celle des seconds couteaux, de Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des sports et membre du Parti radical de gauche (PRG). Pas sûr que ces deux-là ne rapportent le moindre suffrage. Il s’agit manifestement là de ralliements purement opportunistes même si l’on peut penser, et il n’est pas sûr que ce soit là un compliment, que leurs engagements politiques soient ainsi pris en défaut… Idem, avec un Bernard Poignant qui, sans être membre du gouvernement, fait partie de la « garde rapprochée » de François Hollande comme conseiller de ce dernier à l’Élysée.
Toujours dans le cadre de la solidarité gouvernementale et de parti, un poids lourd du gouvernement franchit, sans grande surprise lui aussi le Rubicon, le ministre de la Défense, le très breton Jean-Yves Le Drian, vendeur de rafales à ses heures et efficace promoteur de notre industrie d’armement auprès des monarchies du Golfe dont on connaît, incidemment, l’extrême sensibilité aux « droits de l’Homme »… Il se dit que, contrairement aux précédents, ce ralliement-là intéresserait Emmanuel Macron en ce qu’il viendrait renforcer un domaine dans lequel il ne brille pas, la politique étrangère et la défense. Les médias nous annoncent, à cette occasion, les ralliements probables de Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, de Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères, et de Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie, plus connu comme porte-parole du gouvernement sur les marches de l’Élysée. Il se murmure également « dans les dîners en ville » que la ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, ex-épouse de « Flanby », notre président qui coupe désormais les rubans, Ségolène Royal, en serait mais qu'Emmanuel Macron se refuserait à l'accueillir... Gageons que plus les échéances approchent, plus nombreux seront les ralliements à celui qui apparaît clairement comme le digne héritier du quinquennat, Emmanuel Macron.
Dans un tel contexte, Benoît Hamon compte les soutiens qui lui restent. Ils se sont affichés au meeting de Bercy : Najat Valaud-Belkacem, Vincent Peillon, Christine Taubira, Arnaud Montebourg et… Jean-Vincent Placé (si, si…) autrement dit, à quelques exceptions près, la gauche du PS, les « frondeurs » et quelques isolés sans grande influence. Au passage, et s’agissant du meeting de Bercy qui se tenait le lendemain de la démonstration de force de Jean-Luc Mélenchon entre Bastille et République, les organisateurs ont tenu à faire savoir que 25 000 personnes s’y étaient pressées. Tout indique que la réalité est moins florissante puisque la salle avait été réservée dans sa configuration moyenne pouvant accueillir 9 000 personnes et que des images prises durant l’allocution du candidat montrent des travées inoccupées et laissées dans l’ombre. Il semble donc que le choix ait été fait de laisser quelques milliers de personnes en dehors de l’enceinte pour mieux accréditer le chiffre de 25 000 personnes. Petite manip’ sans grande importance, en réalité et qui ne sauvera pas le candidat de la BAP...
De façon symétrique, Fillon étant dans la panade, on y reviendra, d’aucuns à droite se placent eux aussi dans le sillage du sémillant Macron. Après François Bayrou et le très libéral Alain Madelin, un chiraquien bien connu, Dominique Perben, trois fois ministre de 1995 à 2007, engagé jusqu’il y a peu dans la campagne d’Alain Juppé, vient de faire connaître son soutien. Il est en cela suivi par Jean-Paul Delevoye, Renaud Dutreil, Anne-Marie Idrac, Jean-Jacques Aillagon, Nicole Guedj ou le fabuleux Philippe Douste-Blazy qui a laissé au ministère de la Santé le souvenir que l’on sait... On aurait même vu Xavière Tibéri, tout à son souhait de nuire à François Fillon, se faire supportrice d’Emmanuel Macron sur le marché de son arrondissement de prédilection ! Là encore, un soutien enviable…
Tout indique, à travers ces ralliements de “gauche” et de droite que les bateaux LR et PS sont en train de couler. Ceux qui y resteront pourront peut-être mettre la main dessus mais l’essentiel sera parti ailleurs, dans un vaste paquebot tout entier construit autour de son concepteur, Emmanuel Macron. En d’autres termes, il s’agit peut-être là, pour la première fois depuis bien longtemps, de la constitution d’un parti centriste, libéral, européen, celui dont François Bayrou a longtemps rêvé. Tout ceci ne prendra vraiment forme que si Emmanuel Macron gagne la présidentielle et il ne va pas de soi que tous ces ralliements ne disent autre chose à l’électeur qu’Emmanuel Macron est le candidat du « système ». Cela va signifier pour lui de faire face à l’héritage du quinquennat. Il n’est pas dit que, face à une Marine Le Pen, telle une Hillary Clinton face à Donald Trump, ce soit la l’option la plus « utile »…
P.S. : concernant notre favori des médias, on retiendra que son meeting tenu à St-Denis de La Réunion au stade de l’Est dans une salle pouvant accueillir 5 000 personnes n’en reçut que 2 500 dont beaucoup, devant l’insignifiance du propos, se résolurent à la quitter bien avant la fin. Et, cerise sur le gâteau, interviewé sur les événements de Guyane, cette forte déclaration lénifiante d’où il ressort que la Guyane est une île ! (voir ici) Faute de pouvoir incriminer le décalage horaire de 2 h avec la métropole, sans doute faut-il voir là, au choix, l’effet d’une culture locale à forte teneur en THSCT qui fait rire – le zamal – ou l’inculture légendaire de l’énarque nourri de fiches sans lesquelles il se perd aisément…
En regard, et pour ceux que ce genre de comparaisons intéressent, même si les médias en parlent peu ou pas, on ne peut être qu’impressionné par les foules qui se pressent aux meetings de Jean-Luc Mélenchon. Ainsi, dernier en date, celui tenu à Rennes ce dimanche : une salle de 5 000 personnes pleine à craquer… et 5 000 autres qui sont tenus de rester dehors. On notera que la mairie de Rennes avait refusé pour l’occasion, et contrairement à ce qui se pratique ailleurs, qu’un écran géant retransmettant le meeting soit installé à l’extérieur de l’enceinte. Les organisateurs ont décidé de passer outre pour le plus grand bonheur des « exclus »…
10 millions de téléspectateurs ce soir du 20 mars pour voir s’affronter les cinq plus « gros » candidats désignés par les sondages, 3 h 10 d’un débat qui fut beaucoup moins ennuyeux que ce que l’on pouvait présager. Beaucoup de sujets abordés et, donc, survolés, avec quelques bons mots, en particulier de la part de Jean-Luc Mélenchon qui a fait le show, comme on dit… S’il est bien difficile de mesurer le poids de tels débats auprès des électeurs, s’il est quelque peu vain de déclarer que tel ou telle en est sorti vainqueur ou vaincu, on peut toutefois faire quelques observations :
* Après une entrée en matière et une conclusion du débat aussi ennuyeuse que convenue, chaque candidat étant « dans son couloir », dans le registre de la « déclaration préparée, « officielle », la plus grande partie du temps fut souvent animée et, pour finir, plutôt intéressante en ce qu’elle mit en évidence les différences pour ne pas dire parfois les gouffres entre les uns et les autres ;
* Les « affaires » ne furent pas au centre du débat. On peut même dire qu’après toutes ces semaines où elles ont saturé l’espace médiatique, elles furent discrètement évoquées même si, bien sûr, il y fut fait allusion. Sur ce point, Jean-Luc Mélenchon se montra direct et son expression qualifiant les allusions faites de « pudeur de gazelle » fit un tabac (voir ici) ;
* François Fillon ne fut pas vraiment à la fête. Contrairement à sa prestation lors des primaires de la droite, le débat mis en évidence la caractère tranchant de ses propositions économiques même si son plan de suppression de 500 000 fonctionnaires fut à peine évoqué par lui-même et ses compétiteurs…
* Benoît Hamon fut lui aussi à la peine. Là aussi, n’étant plus dans le cadre des primaires, il a beaucoup de mal à faire passer le message. Il est peu probable que les non-initiés aient compris au terme de ses interventions son « revenu universel » qui, comme chacun le sait, n’est plus qu’un horizon ;
* Marine Le Pen fut égale à elle-même. Tranchante, jouant des peurs de l’étranger, s’affichant clairement dans la ligne « sociale » du FN, façon Phillippot et concentrant ses attaques sur Emmanuel Macron, celui que les sondages lui promettent comme adversaire de second tour. Elle visa juste lorsqu’elle souligna combien ce dernier, au terme d’un long couplet, réussissait à ne rien dire d’intelligible (voir ici) ;
* Emmanuel Macron la joua « centriste », ce qu’il est, autrement dit passant son temps à exprimer son accord avec tel ou tel sur de nombreux points. C’est ce que souligna fort justement François Fillon avec un « un petit peu à gauche, un petit peu à droite» le visant. Difficile de dire qu’il a convaincu en dehors de ceux qui le suivaient déjà. Le propos est souvent obscur, très « techno », sans chaleur et, disons-le, sans horizon autre que l’aménagement de l’existant dans le sens d’un libéralisme accru. On se dit qu’un François Bayrou qui pense en gros la même chose eut mieux fait l’affaire, lui qui sait jouer de son humanité…
* Enfin, Jean-Luc Mélenchon, tout de noir vêtu contrairement aux costumes bleus bien classiques des trois autres, sut, sur de nombreux points, faire entendre sa différence. L’humanité de ses propos tranchait.
Grande absente du débat, l’Europe. À peine fut-elle évoquée… C’est très étonnant d’autant, on le sait, que c’est là un sujet « clivant », qu’il eut pu paraître intéressant pour les européistes – Fillon, Hamon, Macron – de vouloir faire apparaître les ressemblances sur ce point entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, tous deux étant accusés de vouloir briser l’Europe. Que les présentateurs de l’émission n’en aient pas fait un sujet « en soi » est pour le moins étrange. Nul doute que la question reviendra à l’occasion d’autres débats…
Pour voir l’ensemble du débat, c’est ici.
Conformément à la législation, les onze candidats ont fait leur déclaration de patrimoine auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HAPTVP). Les candidats sont tenus d'y consigner leurs biens mobiliers d'une valeur supérieure à 10 000 euros et immobiliers, selon une échéance d'évaluation fixée au 1er janvier 2017 ; qu'ils soient possédés en propre, en communauté ou en indivision. La déclaration doit également faire mention des parts que le candidat (ou la communauté) détient dans des sociétés civiles immobilières (SCI), mais aussi des « valeurs non cotées en bourses », des actions détenues dans le capital de sociétés, des titres de créances ainsi que le montant global des éventuels placements.
Si l’on est guère étonné de voir Philippe Poutou, ouvrier chez Ford, ne rien posséder, on s’étonne davantage de voir qu’Emmanuel Macron est dans la même situation. Et, du coup, nous revient en mémoire la demande faite par Anticor concernant ce qu’Emmanuel Macron avait fait de son argent « durement » gagné à la banque Rothschild. Le « pauvret » explique à ce sujet qu’il a payé des impôts, soit, et qu’il aurait, en gros, fait bombance durant toutes ces années… Certains mauvais esprits se sont amusés à calculer qu’il lui aurait fallu dépenser un SMIC par jour durant la période. L’ONG, Anticor, qui n’est pas exactement connue pour son manque de sérieux, pointe qu’Emmanuel Macron a perçu 2,8 millions d’euros, de 2008 à 2012, lorsqu’il était banquier chez Rothschild, mais que sa déclaration de 2014 fait état d'un patrimoine de 1,2 million d'euros et d'un endettement de plus d'un million, soit un actif net inférieur à 200 000 euros. Anticor constate un « manque de cohérence entre les revenus et le patrimoine déclarés » et d’aucuns redoutent ou espèrent, c’est selon, une affaire Cahuzac bis avec petit compte dans un paradis fiscal à la clé…
Voici donc un tableau synoptique de la situation des onze candidats :
Tous ne sont pas exactement dans la misère… tant à droite, c’est convenu, qu’à gauche…
À ceux qui seraient tentés à la lecture de s’étonner des dettes de Marine Le Pen, il s’agit là en fait pour l’essentiel d’un emprunt destiné à couvrir les frais de la campagne présidentielle, frais qui lui seront pour tout ou majeure partie remboursés par le contribuable dès lors qu’elle aura passé la barre des 5 % ce qui, vu les sondages, ne fait hélas aucun doute. Dans le même ordre, et s’agissant du candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, son patrimoine immobilier conséquent est le fruit d’un appartement à Paris (110 m2 - 837 000 €) et d’une maison de campagne (190 000 €) du côté de Montargis dans le Loiret. Avec son style fleuri habituel, il a pris la peine d’expliquer tout ça sur son blog (voir ici).
Grand moment de télé lors de l’Émission politique qui recevait François Fillon ce jeudi 23 mars plus de deux heures durant. Plus que le programme politique du candidat, ce sont les affaires, les casseroles qui auront marqué ce « grand oral ». Devant une Christine Angot qui appelait il y a peu François Hollande à revenir sur sa décision en étant candidat et qui l’attaque sur l’indécence des rémunérations perçues par Penelope, sur un mode « peu convenable » au regard des critères habituels de l’exercice, François Fillon pense qu’il lui suffit de dire qu’il a rendu les costumes et, bien sûr, qu’il est certes mis en examen mais non coupable (voir ici). À noter, au passage, que dans la série des cadeaux, on a appris deux jours plus tard que notre candidat « de la droite et du centre » s’était également fait offrir deux montres de luxe valant autour de 10 000 €. Décidément, notre homme de la rigueur aime le luxe, l’argent, etc.
Autre moment qui aura marqué l’émission (voir ici), le recours au « complot » avec « cabinet noir » prétendument découvert à l’Élysée sur la base d’un livre, « Bienvenue Place Beauvau » écrit par Olivia Recasens, Didier Hassoux et Christophe Labbé dont Valeurs actuelles publiera les « bonnes feuilles » prochainement et, peu de temps après ce moment de « complotisme aigu », un des auteurs du livre, Didier Hassoux, journaliste au Canard Enchaîné, qui affirme sur France info n’avoir en rien trouvé une telle officine ni à l’Élysée, ni ailleurs : « On n’a jamais écrit ça, la seule personne qui croit qu’il y a un cabinet noir à l’Elysée, c’est François Fillon. Il y croit tellement que le 24 juin 2014 (....) il est allé voir Jean-Pierre Jouyet, qui est le numéro 2 de l’Elysée, pour lui demander d’activer ce cabinet noir. Ce cabinet noir n’existe pas ».
Enfin, comment ne pas retenir de cette émission la dramatique confrontation de François Fillon avec des personnels d’une EPHAD à qui il propose de travailler plus pour gagner moins et, ce, au seul motif qu’il leur faudrait rembourser la dette du pays. Ils lui rappellent ce à quoi ils doivent faire face quotidiennement et lui expliquent que les 35 h ce sont des RTT indispensables pour faire face, se reconstruire, tenir… On ne peut alors manquer de faire le parallèle avec les rémunérations diverses de Penelope pour des travaux dont on ne trouve nulle trace… C’est à revoir ici, c’est édifiant !
Dès lors, en fin d’émission, la traditionnelle séance de rapport des sondages fut sans appel (voir ici) :
Un faible score dès lors qu’on veut bien le comparer à ceux des candidats qui l’ont précédé avec, par exemple, un Jean-Luc Mélenchon à 37 % et un Benoît Hamon dans les mêmes étiages… François Fillon préfère afficher sa satisfaction et sa confiance dans les semaines qui viennent, satisfaction de façade que tout dans son regard démentait…
@ suivre…
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