Offensive, sur tous les fronts…
Dimanche 23 avril 2018
Sujets abordés :
- La Laïcité version Macron
- L’Occident attaque la Syrie, sans mandat et sans but réel
- Évacuation de la ZAD de NDL : pure diversion !
- Macron dans les médias : peu convaincant !
- Un « front social » toujours éclaté
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Deux semaines, c’est long… Aussi, eu égard à une actualité chargée, le lecteur voudra-t-il faire preuve d’indulgence à l’endroit de la longueur de ce billet…
- La Laïcité version Macron
Chaque année, l’Église catholique du pays réunit ses principaux dirigeants, les évêques, archevêques et autres mitrés. Cette année, ce fut au collège des Bernardins, situé 20 rue de Passy dans le Ve arrondissement de Paris. Édifice magnifique, refait à neuf avec les deniers de la République, celle que l’Église a si longtemps appelée ?la gueuse”… Cette année, en ce 9 avril, invité exceptionnel, notre président de la République, Emmanuel Macron, réputé philosophe et, donc, supposé maîtriser sa parole, ses mots, les concepts employés, etc. et supposé porter en ce lieu, devant la hiérarchie catholique, la parole de l’État, autrement dit celle des citoyens de ce pays laïque, au sens que le pays a donné à ce concept depuis 1905. Le discours était attendu puisque rien dans la campagne du candidat ne portait sur le sujet. On avait déjà observé qu’auparavant Emmanuel Macron avait accepté la rude charge de se voir gratifié du titre de « chanoine d’honneur de Latran » et, ce, faut-il le rappeler, et selon la tradition, au titre de successeur des rois de France (!). On se souvient aussi que le sieur Macron, ci-devant chanoine d’honneur de Latran, avait aussi accepté d’aller au célèbre « dîner du CRIF », autrement dit accepté d’honorer, en notre nom à tous, cette réunion de ce que la « communauté juive » a de plus réactionnaire et de plus inféodé à un État étranger, Israël en la circonstance. Bref, tout ceci ne présageait rien de bon et son intervention devant la hiérarchie catholique fut, à bien des égards, la pire que fit jamais un président de la République devant cet aéropage. Hors verbiage macronien, que retenir de ces 58’ (que le lecteur pourra trouver ici dans son intégralité) ? Sa phrase introductive donne d’emblée le la : « nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer ». Phrase incroyable puisque, précisément, ce qui caractérise la situation de notre pays, c’est que, depuis 1905, le lien est rompu entre l’État et les Églises, catholique, juive, musulmane, etc. Et, donc, contrairement à ce qui est ainsi affirmé, il ne peut rien y avoir à réparer.
Sans doute faut-il voir ici une forme de mea culpa de notre chef de l’État sur ce qu’a fait le pouvoir précédent, dans lequel siégeait en bonne place un Macron Emmanuel, sur le « mariage pour tous ». Mais, en admettant même qu’un certain nombre de catholiques aient pu se sentir froissés par cette loi, on ne voit pas bien en quoi il faudrait leur en donner raison. Nul ne les oblige en effet à convoler en juste noces sur le mode homosexuel. Ils peuvent parfaitement continuer à se marier devant un prêtre et, ensuite, aller devant un officier de l’État civil demander à se voir déclarés « mari et femme » avec les droits et les devoirs que suppose dans notre code civil cette reconnaissance. Bref, cette loi ne prive personne, ni les catholiques, ni les autres. Elle n’est que l’ouverture d’un droit à une catégorie de citoyens jusque-là ignorés par la République et on ne voit pas bien au nom de quel principe la République devrait avoir à s’en excuser. Il en va de même du divorce et de bien d’autres droits que l’Église catholique condamne. Libre à ceux qui veulent suivre ses préceptes de ne pas en user et libre à la République de les ignorer.
Derrière cette affirmation d’Emmanuel Macron, il faut donc voir, plus qu’une faute, une petite manœuvre politique de circonstance. Car, le même qui introduit son discours comme on le sait, le conclura par un « Mon rôle est de m’assurer que chaque concitoyen ait la liberté absolue de croire comme de ne pas croire mais je lui demanderai de la même façon et toujours de respecter absolument et sans compromis aucun toutes les lois de la République. C’est cela la laïcité, ni plus ni moins, une règle d’airain pour notre vie ensemble qui ne souffre aucun compromis, une liberté de conscience absolue et cette liberté spirituelle que je viens d’évoquer » qui fit beaucoup moins parler et à qui un laïque de stricte obédience ne trouvera pas grand-chose à redire. Cette manœuvre tient à ce qu’il s’agit, pour Emmanuel Macron, de « chasser en terres fillonnistes », autrement dit de faire de son parti le réceptacle de cette droite âgée, catholique, aisée que l’on vit défiler derrière les slogans le « la manif’ pour tous », de cette droite versaillaise qu’un Laurent Wauquiez peut effrayer tant sont par trop manifestes ses accointances idéologiques avec le Front national nouveau. Il s’agit en fait pour Emmanuel Macron de réunir la droite « en marche », celle qui a porté ses suffrages sur lui au 1er tour de la présidentielle, la droite « entrepreneuriale », « moderne », à cette autre partie de la droite qui, en dépit des « affaires » avait néanmoins voté Fillon.
Quant à l’appel fait aux catholiques par Emmanuel Macron dans ce même discours de s’engager, on sourit. Les catholiques de ce pays sont divers, très divers, et ne se privent en rien de s’engager politiquement. Comme tous les citoyens de ce pays, ils participent au débat public et leur sensibilité catholique n’est pas nécessairement ce qui détermine leur vote. Le nombre de divorces, le nombre d’avortements même de toutes ces « ouailles » témoignent de ce que les préceptes de l’Église ne leur servent pas nécessairement de boussole…
Emmanuel Macron devrait se souvenir qu’un de ses prédécesseurs a tenté, en son temps, une manœuvre du même type. Ce fut Nicolas Sarkozy expliquant le 20 décembre 2007 au Latran que « dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance. » On sait ce qu’il en advint… Les français ont fait leur la séparation de l’Église, des Églises, et de l’État. Et y compris ceux d’entre eux qui ont une foi affirmée savent que la laïcité telle qu’elle est conçue dans ce pays, et à l’inverse de la plupart des autres pays du monde – y compris développés comme l’Allemagne (où un impôt est prélevé pour subventionner les cultes), l’Angleterre où la Reine est chef de l’Église anglicane, ou les USA où chaque président jure sur la Bible – est un gage précieux de paix civile. Elle est un des cadres les plus solides, l’un des piliers de la République et tous ceux qui ont tenté de le remettre en cause s’y sont cassé les dents. Il y a tout lieu de penser qu’en dépit des poussées de fièvre religieuse que connaît le pays, ça continuera et que l’épisode des Bernardins rejoindra celui du Latran.
- L’Occident attaque la Syrie, sans mandat de l’ONU et sans but réel
L’autre actualité de cette quinzaine, c’est évidemment la décision prise par Donald Trump de faire bombarder la Syrie suite aux soupçons d’usage d’armes chimiques dont aurait fait usage le régime de Bachar El Assad le 7 avril à La Douma, cette banlieue de Damas tenue par les islamistes de tout poil depuis trois ou quatre ans.
On observera en préambule que cette décision, à laquelle se sont joints l’Angleterre et la France, est intervenue sans mandat de l’ONU et sans que l’OIAC ait pu enquêter sur place sur la réalité de cette « attaque chimique ». On observera ensuite que l’on comprend mal quel intérêt avait le régime de Damas d’user de telles armes alors même qu’il ne restait plus que quelques minuscules poches de résistance. On rappellera en outre que les cibles visées avaient été visitées, conformément aux engagements pris par le régime de Damas de détruire tous ses stocks d’armes chimiques, par les inspecteurs de l’OIAC en juin et novembre 2017 qui avaient déclaré n’y avoir rien trouvé de répréhensible et d’illégal (voir ici).
Au terme de ces observations, se posent donc quelques questions…
1. Après les multiples mensonges avérés des États-Unis et de l’Angleterre sur les ADM de Saddam Hussein, par exemple, est-il bien raisonnable de les croire sur parole et de les suivre dans leurs aventures guerrières ?
2. Le pouvoir, dans notre pays, a prétendu détenir des preuves et les a diffusées. Pourquoi l’ensemble des médias a-t-il accepté de faire comme si ces preuves en étaient quand tout montre qu’elles n’en sont pas ? (voir ici)
3. La ministre de la défense, Florence Parly, nous a expliqué que toute l’opération s’était déroulée conformément au plan fixé. Pourquoi nous a-t-elle caché qu'un avion Rafale s'est trouvé dans l’incapacité de larguer un de ses deux missiles et que la Marine nationale française a dû fait face à des problèmes pour lancer des missiles de croisière depuis ses frégates multimissions ?
4. Si l’on veut bien considérer avec Clausewitz que « la guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens», qu’attend-on politiquement de ces frappes ? Le régime de Damas n’en est en rien affaibli. Si tant est que les cibles visées hébergeaient effectivement des armes chimiques – et la démonstration, à cette heure, n’est pas faite – il a largement eu le temps de faire place nette avant qu’elles ne soient touchées. En outre, sa victoire sur le terrain est totale et, quelle que soit la détestation légitime que l’on peut nourrir à son endroit, ce n’est pas en s’alignant sur Donald Trump que l’on peut espérer « reprendre la main » ou même reprendre pied. Est-ce en participant de l’axe Washington-Tel Aviv-Riyad que l’on manifeste une indépendance acceptable pouvant permettre de revenir au centre du jeu ? En outre, la Syrie va devoir se reconstruire. Est-ce ainsi que les entreprises françaises seront admises à « partager le gâteau » de la reconstruction ? À l’évidence, on le sent bien, c’est tout le contraire qui va se produire.
5. Petite question à l’endroit des « belles âmes » qui trouvent « légitime » – nouveau cache-sexe de l’illégalité – et « juste » cette intervention : pourquoi intervenir ici et pas au Yémen voisin ? Les 46 morts de La Douma ont-ils infiniment plus d’importance que les centaines de milliers de Yéménites aujourd’hui bombardés et affamés par le régime saoudien ? Notre indignation ne serait-elle qu’à proportion de l’importance de nos contrats d’armement ? Et que penser de la totale indifférence dont nous avons fait preuve à l’endroit de l’épuration ethnique qui a frappé les Rohingyas en Birmanie ? Pourquoi ne lève-t-on pas le petit doigt pour aider ceux qui ont été nos seuls alliés sur le terrain dans la lutte contre l’État Islamique, à savoir les Kurdes, aujourd’hui attaqués par la Turquie ?
6. Enfin, à l’heure où l’on réduit de 1,7 % les pensions des retraités, après avoir réduit les APL de 5 €, fait les cadeaux fiscaux que l’on sait à ceux qui en avaient le moins besoin (suppression de l’impôt sur la fortune pour les revenus mobiliers et flat-tax à 30 % de ces mêmes revenus), à l’heure où les hôpitaux crient misère, où les amphis des universités se révèlent incapables d’accueillir le baby-boom de l’an 2000, comment expliquer qu’il n’y avait rien de plus pressé que de mobiliser plus de 16 millions d’euros (850 000 €/missile SCALP-EG, 2,86 millions €/missile MdCN) hors moyens humains, navires (5 frégates dont 3 « multimissions », une anti-sous-marine et une anti-aérienne + un pétrolier ravitailleur), 17 avions (5 Rafale, 4 Mirage-2000, 2 avions-radar et 6 avions ravitailleurs), carburant, etc. ?
Sur le plan diplomatique, après l’avertissement russe d’user de sa défense antimissile dès lors qu’un seul soldat russe serait touché, le téléphone a fonctionné à plein et au plus haut niveau pour assurer Moscou que tout serait fait pour que les frappes ne touchent que les deux objectifs visés, à l’exclusion de tout autre et, donc, de tout faire pour que ces frappes n’aient d’autre but que d’avertir Damas que la ligne rouge ne pouvait désormais être franchie sans conséquence. Les Russes ont donc « scruté » les cieux et protesté au niveau diplomatique. 5 russes ont été tués mais Moscou les qualifie de « mercenaires », ce qui lui permet de les passer pour pertes et profits… Le régime syrien, qui n’est pas en reste sur le terrain de la propagande, a déclaré avoir fait usage de sa défense anti-missile qui aurait ainsi abattu trois quarts des missiles « ennemis ». Bien évidemment, là aussi, il est parfaitement impossible de vérifier ses dires. Il a également pris la peine de diffuser des images montrant l’accueil enthousiaste qu’a fait la population de Douma aux militaires russes qui les ont « libérés » des islamistes. Bref, dans les deux camps, on montre les muscles, on use et on abuse de toutes les armes et, en particulier, de la propagande la plus indigeste. Si cela paraît presque normal venant de pays comme la Russie ou la Syrie, nul ne s’étonne pourtant que dans le « camp du bien », supposé être le nôtre, nous soyons soumis au même déferlement. Une fois établi que cette coûteuse passe d’armes sera sans conséquence réelle, qu’il n’y aura pas d’escalade immédiate, on ne peut que s’inquiéter de ce que ces événements ne soient qu’un prélude dès lors qu’à Washington se pressent en première ligne, autour de Donald Trump, un aéropage néoconservateur des plus inquiétants tels Gina Haspel à la tête de la CIA ou John Bolton comme conseiller spécial à la Sécurité nationale. Que notre pays se retrouve, de fait, engagé aux côtés d’aussi sinistres personnages est plus qu’inquiétant.
- Évacuation de la ZAD de NDL : pure diversion !
Suite à l’arrêt de la construction de l’aéroport de Notre-Dame des Landes par Emmanuel Macron, on s’attendait à ce que la situation se calme en ce lieu, que la départementale fut rouverte à la circulation et que la situation évolue à peu près comme dans le Larzac… Les ZADistes devaient présenter en préfecture des plans d’activité qui permettraient à l’autorité publique propriétaire des lieux de leur concéder un droit à l’exploitation selon des modalités diverses. Bref, il convenait de « laisser le temps au temps ».
Mais, c’était là sans compter avec l’actualité politique qui fait qu’Emmanuel Macron, après avoir donné un signe de faiblesse en ce lieu, se devait de montrer sa puissance « jupitérienne » dans une période marquée par des conflits sociaux nombreux, SNCF en tête. Décision fut donc prise d’évacuer la ZAD et les moyen mis en œuvre pour déloger la cinquantaine d’occupants des lieux laissent pantois : plus de 2 500 gendarmes mobiles avec des moyens militaires massifs. Affrontements, gazages divers, matraquages en règle, tirs tendus, 11 000 grenades dont 10 000 lacrymogènes et un millier de type GLI F4 (à effet de souffle et assourdissantes), pelleteuses en charge de détruire des cabanes et des enclos et, tout ça, pour aujourd’hui apprendre que la ZAD tient toujours et, puisque désormais sont admis la présentation de projets collectifs, que nombre de ses occupants ont ou vont déposer leur projet agricole en préfecture. Tout ça pour ça ! Tout ça pour ça !
Alors, bien sûr, et un peu comme dans le cas précédent, la propagande alla bon train. Les journaux télévisés reprirent en boucle les déclarations du général Bertrand Cavailler nous expliquant que ses hommes avaient à faire face à « des adversaires très dangereux » et que l’usage de la force avait été proportionné à cette menace. On n’en attendait pas moins. Mais, bizarrement, ces mêmes médias oublièrent de nous expliquer qu’ils avaient été mis dans l’incapacité de faire leur métier et que les images dont ils disposaient provenaient en direct de la gendarmerie, seule autorisée à filmer… Connaissant le sens de la déontologie de tous ces journalistes, on aurait pu s’attendre à ce qu’ils protestassent et acceptassent d’autres images, celles des ZADistes, par exemple ou, à défaut, qu’ils contrevinssent aux ordres de la maréchaussée et se fissent « journalistes d’action », consentant à salir leurs escarpins pour aller filmer sur place dans la lande… Mais, non, rien de tout cela. Le « journalism embedded » ne leur posât aucun souci. L’essentiel n’était-il pas, ici comme ailleurs, de servir (le pouvoir) ?
Reste donc, par-delà ces hauts faits d’armes, à se demander quel intérêt avait le pouvoir à relancer ainsi cette affaire de ZAD. Rien ne pressait, nul ne réclamait une évacuation rapide au motif que ses intérêts eussent été niés. Une cinquantaine d’apprentis cultivateurs, plus ou moins chevelus, fumant ici et là quelques substances officiellement prohibées, voulaient refaire phalanstère, la belle affaire ! On peut donc penser que toute cette mobilisation de la gendarmesque n’avait en réalité qu’un seul but, faire diversion, montrer les muscles et participer de la récupération de l’électorat filloniste en mal d’autorité, de respect intransigeant du droit, etc. Reconnaissons-le, de ce point de vue, l’opération fut un succès. Au lieu de parler des problèmes sociaux du pays, des diverses lois en cours d’examen à l’Assemblée, on occupât les français avec ce disproportionné et inutile affrontement.
- Macron dans les médias : peu convaincant !
On passera pudiquement sur l’interview qu’Emmanuel Macron donna sur TFI avec l’ineffable Jean-Pierre Pernaut en passeur de plats… Le décor était soigneusement choisi : une petite salle de classe, propre sur elle, avec écran interactif, faibles effectifs et des questions n’ayant d’autre but que de permettre à Emmanuel Macron d’expliquer à cette frange de citoyens, plutôt âgée et campagnarde, les bonnes raisons qu’il avait de lui faire les poches… L’émission fut un succès d’audience mais le taux de « convaincus » à l’issue de l’émission ne bougea pas. Sans surprise, les téléspectateurs qui avaient voté pour Emmanuel Macron le trouvèrent convaincant quand les autres ne le furent pas. Un coup pour rien, donc…
Après cet apéritif, on en vint donc aux choses un peu plus sérieuses, avec deux journalistes d’une autre trempe, Edwy Plenel et Jean-Pierre Bourdin, pour et sur Mediapart et BFM-TV. Rapidement, en ce dimanche 15 avril, on sentit que loin des Pernaut et autres Delahousse, on avait affaire à des journalistes qui entendaient ne pas être dans la connivence et le passe-plat (ceux et celles qui ont loupé ça peuvent vérifier ici…) Ils s’étaient répartis les dossiers et chacun d’eux sut, par des questions, un ton, obliger Emmanuel Macron à sortir du discours techno insipide qu’il affectionne tant. Il fut donc quelque peu bousculé, obligé de se réfugier dans la contre-attaque, s’étonnant de ce que fut énoncé la rémunération indécente de la ministre des transports (plus de 50 000 €/mois) quand elle était en charge de la stratégie de la SNCF, incapable d’expliquer en quoi le changement de statut des cheminots avait quoi que ce soit à voir avec la dette de la SNCF, tout aussi incapable de s’engager sur la reprise de la dette de la SNCF autrement qu’en l’affichant clairement comme une contrepartie à discuter de l’abandon du statut. Mêmes faiblesses sur l’augmentation de la CSG des retraités, etc. Bref, les réponses furent convenues, Emmanuel Macron se montrant incapable de présenter le moindre argument nouveau et, accessoirement, la moindre empathie à l’endroit des français qui souffrent, des français qui luttent. Rien de nouveau sur l’hôpital autre qu’une vague promesse de réforme de la tarification à l’acte (T2A) et, surtout, une incapacité à faire partager son « projet » qui, pour le moment n’apparaît que pour ce qu’il est : la mise en coupe réglée du « modèle social » et le service des puissants. Il nous fut toutefois donné de rigoler un peu en entendant des « marcheurs » réagir pour s’offusquer de ce que les deux journalistes ne furent pas respectueux de la fonction présidentielle. Il est vrai que dans ces cercles-là, on aime la déférence et on cultive l’entregent…
Les études d’opinion qui ne manquèrent pas d’être faites à l’issue de l’émission confirment ces constats et il n’est pas sans intérêt de voir qu’Emmanuel Macron suit les traces de son prédécesseur, tant en termes de cote de popularité que de réactions dans la rue, comme en témoigne sa petite visite dans la modeste ville de Saint-Dié dans les Vosges. Un retraité qui avait cru bon de lui faire un doigt d’honneur a même été arrêté et mis en examen pour « outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique »…
À propos de « prédécesseur », il nous a été donné d’entendre Flamby complaisamment invité sur les médias à l’occasion de la sortie de son livre « Les Leçons du Pouvoir ». Il n’a pas fallu longtemps pour comprendre qu’il n’en tire aucune… Quant au précédent, le petit nerveux, il est empêtré dans les affaires, mis en examen, en particulier dans l’affaire Libyenne. De plus en plus se présente comme hypothèse sérieuse que l’intervention française en Lybie n’avait d’autre but que de couvrir ses frasques en faisant assassiner Kadhafi qui l’avait abondamment arrosé. On aura ici aussi une pensée émue à l’endroit de tous ceux qui nous ont expliqué que, là aussi, il s’agissait de sauver des vies innocentes… Gageons cependant que les avocats de ce sinistre individu auront à cœur de multiplier les recours, de « faire durer » et de parvenir un acquittement de bon aloi, pour « services rendus »…
- Un « front social » toujours éclaté
Le printemps est là et, avec lui, se multiplient les secteurs de la société qui protestent du sort qui leur est fait. La SNCF est évidemment en tête de gondole. La « grève perlée » se poursuit, les manifestations succèdent aux manifestations avec des succès divers, l’unité des organisations syndicales tient, les caisses de soutien aux grévistes se remplissent et le gouvernement passe en force à l’assemblée fort de son aussi imposante que non représentative majorité. On notera à ce propos qu’il trouve dans les rangs de LR tout le soutien qu’il pouvait espérer et que les plus modérées des organisations syndicales – CFDT et UNSA – viennent de claquer la porte en déclarant publiquement que, décidément, il n’y avait nul dialogue possible avec la ministre en charge du dossier. Il faut bien dire qu’effectivement, le gouvernement ne leur concède absolument rien, rien qui pourrait leur permettre de justifier le renoncement auquel ils nous ont habitué. Il se murmure mezza voce dans les couloirs du pouvoirs qu’Emmanuel Macron a décidé de faire aux cheminots et leur syndicats ce que Margaret Thatcher avait fait aux mineurs en 1984… Tout porte à le croire dès lors qu’aucun des arguments avancés à l’appui de cette réforme tombe dès lors qu’on consent à y regarder quelque peu.
Autre front : les campus universitaires, le « blocage » de certains d’entre eux et l’usage de la force du pouvoir pour les « libérer ». Ainsi circulent sur les réseaux sociaux des images peu conformes avec l’idée qu’on se fait de l’usage proportionné de la force. Des étudiants gazés, matraqués, tirés par les cheveux, frappés avec des boucliers, etc. Heureusement, dans ce dossier aussi, les images sont rares. Les journalistes de cour n’ont en effet pas le courage d’aller y voir. Les dépêches de l’AFP leur suffisent… Journalisme de caniveau, couché, répétant en boucle les pires sornettes comme ces accusations de prostitution dans le campus de Tolbiac ou la présence d’agitateurs professionnels, d’éléments dangereux et incontrôlés – les punks à chiens – qu’il conviendrait de faire dégager par tous les moyens. On y est hélas habitués…
Se profilent donc le classique 1er mai qui, rappelons-le, loin d’être « la fête du Travail et de la Concorde sociale » chère aux pétainistes de tous poils est « la fête des travailleurs », en mémoire de la grève que firent de dizaines de milliers de travailleurs américains en 1886 en faveur de la journée de huit heures. En charge, les organisations syndicales et, malheureusement, cette année encore, on pourra déplorer que l’unité fasse défaut. FO fera son petit rassemblement dans son coin et la CFDT fera, une fois de plus, semblant de faire quelque chose… Les défilés seront donc gros de ce que le syndicalisme « de lutte » compte de partisans, CGT en tête, Solidaires et FSU derrière…
Passé ce 1er mai, point la journée du 5 mai suite à l’initiative de François Ruffin et Frédéric Lordon de « faire sa fête à Macron ». Le 5 mai est un samedi. On en a déjà parlé ici et son but est évidemment de permettre à tous ceux que la politique d’Emmanuel Macron répugne de le faire savoir dans la rue. Il y aura donc une manifestation nationale à Paris et on peut imaginer que l’initiative sera reprise dans les grandes métropoles du pays à l’endroit de tous ceux et toutes celles qui n’auront pu faire le voyage à Paris.
Quel que soit le succès de ces deux journées, il est à craindre qu’elles ne suffisent pas à faire plier le pouvoir. Celui-ci a manifestement décidé de « rester droit dans ses bottes », de passer toutes ses lois en force, de n’en changer aucune virgule, de n’écouter personne pas même les centaines d’avocats, de magistrats et de greffiers qui protestent contre la loi Belloubet, pas plus que les dizaines d’associations et de personnalités – dont Jacques Toubon, le défenseur des droits, lui-même – qui protestent de la réforme du droit d’asile de Gérard Colomb.
Le pouvoir, sur tous les dossiers, use de la même tactique : aller vite, ouvrir tous les fronts en même temps, ne pas laisser aux adversaires le temps de respirer et arriver ainsi aux libératrices vacances d’été dont chacun sait qu’elle agissent comme un extincteur. En face, on espère une « convergence des luttes » dont il faut bien reconnaître que, pour le moment, elle n’apparaît guère. La « mayonnaise » tant espérée ne semble pas prendre. En termes de popularité, le pouvoir retrouve peu ou prou les étiages correspondant aux scores agrégés d’Emmanuel Macron et François Fillon, autrement dit de la France qui ne souffre guère. Il importe assez peu à ces gens-là que le « modèle social » fut mis à bas, convaincus qu’ils sont de n’en avoir nul besoin, que leurs moyens personnels leur permettront toujours de faire face et que ceux qui en bénéficient ne sont que des assistés qu’il convient de mener rudement. Bien sûr, ici et là, certains déchantent. On peut ainsi penser que toutes les « robes noires » qui s’emploient à manifester devant les palais de justice ont, pour beaucoup, voté pour Emmanuel Macron y compris au 1er tour de la présidentielle… On peut aussi penser à tous ces gens qui se disent « de gauche », y compris dans les rangs de LREM, qui répugnent à faire la chasse aux migrants et voient dans la loi Colomb la marque de l’extrême-droite sont quelque peu désenchantés. Mais tout ceci reste du « chacun dans son coin » car les mêmes ne trouvent sans doute pas grand-chose à redire à la fin du statut des cheminots et à la privatisation de la SNCF qui se profile, rien à redire à la loi qui vient d’être votée sur le « secret des affaires » qui bâillonnera les « lanceurs d’alerte ». Pas plus qu’ils ne trouvaient à redire à la réforme du code du travail…
Bref, tous ces secteurs ont le fâcheux défaut de ne voir midi qu’à leur porte et, au risque d’être démenti, il est à craindre que tout ceci ne nous amène à une longue suite de défaites cruelles. À l’issue, instruits de ces échecs, combien auront encore le courage de s’opposer à la calamiteuse réforme des retraites qui se profile ? Puisse le printemps qui vient nous donner tort…
@ suivre…
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