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Le temps de l’incertitude

Dimanche 5 février 2017

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Sujets traités :

  1. Fillon out, au suivant !
  2. Hamon, Mélenchon, Jadot…
  3. Et au centre ?
  4. Et chez “la blonde” ?
  5. Deux semaines aux USA, une éternité

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1. Fillon out, au suivant !

Comme prévu, François Fillon est discrédité, carbonisé et, donc, incapable, en dépit de ses dénégations, de tenir devant le flot de preuves de sa duplicité. Dernière en date, après la sortie du Canard enchaîné de ce mardi qui montre qu’on parle désormais de 900 000 euros, la diffusion sur France 2, dans le cadre de l’émission Envoyé spécial, de l’interview de Penelope accordée à Kim Willsher pour le Sunday Telegraph. Interview filmée le vendredi 18 mai 2007, alors que François Fillon vient d’être nommé Premier Ministre par Nicolas Sarkozy, dans laquelle Penelope explique qu’elle « n’a jamais été son assistante ou quoi que ce soit de ce genre » et qu’elle « ne s’occupe pas non plus de sa communication ». Est-il besoin de préciser qu’elle a été, durant la période précédent la nomination de son mari à Matignon, dûment déclarée et rémunérée comme attachée parlementaire de son mari. On sait qu’en outre, elle sera déclarée comme attachée parlementaire du successeur de François Fillon pour une somme encore plus importante (environ 10 000 euros/mois brut). Pour ceux et celles qui veulent revoir cette partie de l’émission, c’est ici)

 

Penelope Sunday Telegraph.jpg

 

Les électeurs de droite qui se sont massivement portés sur son nom lors du deuxième tour de « la primaire de la droite et du centre » et, plus largement, l’ensemble des électeurs de droite prennent conscience de ce qu’ils ont été les dindons de la farce. L’homme réputé être un parangon de vertu, l’austère, celui dont le parcours n’a jamais été entaché de la moindre mise en examen, le « chrétien » qui a expliqué que son plan de réforme de la sécurité sociale ne pouvait pas être aussi terrible que ce qu’on le disait au motif qu’il était imprégné de « valeurs chrétiennes » se révèle pour ce qu’il est, un affairiste, un âpre au gain, un menteur. Et encore n’a-t-on pas eu le loisir de creuser l’affaire de 2F Conseil, société de conseil créée dès sa sortie de Matignon et avant qu’il ne redevienne parlementaire, autrement dit avant qu’il ne puisse plus le faire au regard des règles qui prévalent au Parlement, société dont il est l’unique actionnaire, l’unique bénéficiaire à hauteur de 750 000 euros en cinq ans et dont il cache obstinément le nom des clients, craignant sans doute que l’on voie à l’occasion qu’il était dûment appointé par des gens assez peu recommandables et que cette activité de conseil était, en tout cas, éminemment suspecte au regard des conflits d’intérêts qu’elle pouvait susciter. La droite, le « peuple de droite » se sent donc trahi car il ne fait désormais aucun doute que son candidat ne peut plus l’être. Le risque est dès lors de voir ce qui devait être une bataille gagnée d’avance devenir une bérézina. Comment éviter un tel scenario ? Nous signalions ici la semaine passée combien, à droite, l’idée d’un plan B pouvait faire son chemin. Alors, bien sûr, en « on », on affiche sa solidarité avec Fillon, « Fillon est notre candidat » disent ceux qui, dans le même temps réservent des noms de domaine internet à leur effigie tels François BaroinXavier Bertrand ou  Laurent Wauquiez. On avance aussi le nom de l’actuel Président du Sénat, Gérard Larcher et, bien sûr, d’aucuns pensent très fort à Alain Juppé qui est le seul de la bande à pouvoir se prévaloir de la légitimité conférée par les primaires.

 

Au passage, notons que cette affaire de primaires prend du plomb dans l’aile avec cette affaire. Elle amuse certes les médias mais, pour finir, alors qu’elles étaient censées désigner le champion de chaque camp, elle désigne tout au plus le candidat d’un parti dont en outre il s’avère qu’il n’est pas nécessairement le meilleur pour gagner : Fillon pour LR, Hamon pour le PS en passant par Jadot pour EELV tandis que s’affirment, en dehors de ces primaires des candidats tels que Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon qui, tous, ne se sont pas prêtés à l’exercice et dont nul ne doute que la candidature pèsera autrement plus fort que les précités issus des trois primaires. À noter que c’est là ce qu’a fort justement souligné François Bayrou lors de son passage à la matinale de France inter ce 2 février à l’occasion de la sortie de son livre « Résolution française ». L’homme se donne deux semaines pour dire s’il y va ou pas. Manifestement, il attend de savoir si Alain Juppé prend la suite de Fillon ou pas. Il n’a aucun doute sur le renoncement de Fillon mais si, d’aventure, LR se donnait d’autre candidat qu’Alain Juppé, il irait. D’où le délai qu’il se donne pensant que le ciel devrait d’ici là se dégager. Il a aussi, au cours de cette même émission, pris un malin plaisir à souligner ses différences avec Emmanuel Macron. Chacun a compris qu’ils chassaient sur les mêmes terres et, donc, il s’agit de marquer les différences. À l’évidence et quoiqu’en pensent ceux et celles qui se reconnaissent dans cette aire politique centriste, Bayrou n’a nulle intention de se rallier à Macron pas plus que l’inverse, bien sûr. On peut donc penser que si Alain Juppé renonce, on aura deux candidatures au centre et que, qui que ce soit celui qui devance l’autre, il s’en trouvera affaibli. À la clé, bien sûr, la 2ème place au soir du 1er tour, autrement dit, pour tous ces gens-là, la présidence puisque tous pensent que, face à Marine Le Pen, ils gagneront tel Chirac en 2002. Ce en quoi il n’est d’ailleurs pas impossible qu’ils se trompent. Partout, en effet, se lève un vent de fronde des électeurs, « l’insurrection électorale » soulignée par Hubert Védrine, qui rend ce genre de certitude tout à fait problématique et, à l’usage peu fondée telle Hillary Clinton et son camp qui pensait que “le perruqué” était leur meilleur adversaire, autrement dit celui face à qui ils étaient sûrs de gagner… On sait ce qu’il en advint.

Une chose est sûre, le temps presse car il s’agit tout à la fois de se trouver un champion ayant quelque chance de se qualifier mais aussi de lui confectionner une chambre à sa main. François Fillon avait, suite à sa victoire, revu de fond en comble les investitures précédemment décidées par Nicolas Sarkozy. Il est clair qu’avec la disparition de Fillon, vont se retrouver sur la sellette un certain nombre de candidats actuellement pressentis. Ça va être un carnage, ça va tirer dans tous les coins dans une période où il faudrait a minima afficher son unité devant les électeurs. Ces mêmes électeurs qui, à travers l’affaire Fillon, soupçonnent que ce genre de batailles tient largement aux bénéfices et prébendes que confèrent ces places au Parlement.

Dernière remarque : ceux et celles qui se raccrochent à l’espoir que les affaires qui ont emporté Fillon pourraient également toucher Marine Le Pen en ce qu’elle aussi a des attachés parlementaires européens dont l’activité a été jugée inexistante, se trompent lourdement. Tout d’abord en ce que son électorat « naturel » est peu sensible à ce genre d’arguments et ensuite parce que, certes, ses deux attachés parlementaires n’ont pas servi à son mandat européen mais bien servi au FN. Autrement dit, par rapport au cas Fillon, ils étaient certes rémunérés pour un travail qu’ils ne faisaient pas, mais ils travaillaient néanmoins, eux, contrairement à Penelope…

 

2. Hamon, Mélenchon, Jadot…

Si, à droite, comme on l’a vu, c’est un peu la panique, cela ne fait pas pour autant qu’à gauche il y ait lieu de se réjouir outre mesure. Certes, la disparition du très thatchérien Fillon n’est pas pour déplaire, certes la disparition du très libéral Manuel Valls peut ne pas faire verser des torrents de larmes mais, pour autant, trois candidats, ça reste beaucoup et ça reste dangereux en ce que, dans cette configuration, chacun des trois peut se trouver disqualifié à l’issue du 1er tour. Nul ne pense sérieusement que Jadot va rester en lice. Manifestement, la perspective de se retrouver aux quelques pourcents au soir du 22 avril ne peut satisfaire EELV surtout si ceux-ci peuvent se révéler avoir manqué au candidat de gauche pour se qualifier. Les discussions entamées entre le vainqueur de la primaire du PS, Benoît Hamon, et Frédéric Jadot vont donc aboutir au renoncement de ce dernier qui aura à cœur, en échange, de se voir attribuer quelques circonscriptions « gagnables ». Au passage, on voit mal comment Benoît Hamon va pouvoir faire l’économie de revisiter les investitures du PS. Ainsi, comment imaginer que Myriam El Khomri puisse encore être investie dans le XVIIIe arrondissement de Paris alors que le vainqueur de la primaire a été élu parce que, précisément, il est identifié à la fronde qu’a soulevé cette loi au sein des députés PS. Le problème pour Hamon est très sérieux car à la clé de ces révisions, c’est le sort de l’aile droite du PS, de tous ceux qui font profession de vanter les mérites du quinquennat de François Hollande, qui se joue. On peut sans crainte faire le parallèle avec ce qui se passe au sein du Parti travailliste britannique, l’opposition de l’appareil tenu par la droite du parti à celui qui le dirige, Jeremy Corbyn, en l’espèce. Les uns se prévalent de leur légitimité interne tandis que l’autre vient de gagner la primaire, autrement dit de ce que deux millions d’électeurs lui ont largement accordé la préférence face à celui qui était le représentant de la ligne officielle, Manuel Valls. Comment ce dernier va-t-il la jouer ? Car, dans le même temps, Jean-Luc Mélenchon n’a pas manqué de souligner la difficulté dans laquelle était Benoît Hamon de proposer un accord de gouvernement avec lui pendant que, dans le même temps, le PS se préparait à valider les candidatures d’une armée de Vallsistes aux législatives (voir ici).

On devrait savoir ce dimanche ce qu’il adviendra de ces investitures au PS. Mais, d’ores et déjà, on voit bien comment Jean-Luc Mélenchon se montre relativement habile dans sa réponse. Il sait que dans « le peuple de gauche », le risque de voir la gauche être exclue du second tour et corrélativement de voir arriver Marine Le Pen au pouvoir fait que l’appel à l’unité de candidature de la gauche trouve un large écho. Il ne peut donc pas, quoi qu’il en pense, rejeter du revers de la main les appels à l’entente que lui lance Benoît Hamon. Et, donc, il lui renvoie la question sous forme politique : l’effacement ne peut se concevoir que sur la base d’un accord sur le programme et ce programme n’a aucune chance de voir le jour, à supposer que « le » candidat qui le porte gagne la présidentielle, que si les parlementaires élus en juin sont prêts à le voter. Comment, dans ces conditions, Benoît Hamon entend-il y arriver avec des députés tels Myriam El Khomri et combien d’autres qui n’ont eu de cesse de voter toutes les lois que Benoît Hamon et ses amis ont contestées ? Et, donc, même si on peut penser qu’il sera difficile de faire un programme de gouvernement commun avec un peu de Jadot ici, une part de Hamon et le reste de Mélenchon là, à supposer donc qu’une telle entreprise puisse voir le jour, quels seront les députés prêts à l’appliquer ? On saura dimanche soir prochain, on l’a dit, au terme de la commission des investitures du PS, la réponse qui sera apportée à cette question. Le plus vraisemblable est que Benoît Hamon n’a pas les moyens de sa politique en interne au PS puisque cela supposerait de « faire le ménage » avec le risque, à la clé, de voir le PS exploser et une partie de ses élus actuels suivre ceux qui ont déjà dit qu’ils soutiendraient Emmanuel Macron. Le temps imparti pour faire ce ménage, si tant est que Benoît Hamon en ait la volonté, est en outre un obstacle. Cela supposerait de faire ce que Fillon a fait à LR – et, au passage si, comme on l’a dit, Fillon disparaît, quid des investitures qu’il a lui-même décidées ? – en un temps, quelques jours, qui est manifestement insuffisant. En conséquence de quoi, la scène du « je t’aime, moi non plus » que jouent Hamon et les siens envers Mélenchon n’a d’autre but que de tenter de faire accroire que Mélenchon est celui qui aura refusé, de faire porter l’échec à Mélenchon. Petite comédie à but électoral, destinée à « sauver les meubles », sauver les apparences, répondre à l’attente de son électorat sans aucun espoir réel d’y parvenir. De même que Hamon a dit haut et fort à Jean-Jacques Bourdin qu’il y aura un bulletin Hamon à la présidentielle (voir ici), il y aura un bulletin Mélenchon. Tout au plus peut-on penser que Yannick Jadot rendra son tablier. Nul doute que cela passera inaperçu du plus grand nombre…

 

Benoît Hamon.jpgJLM.jpg

 

3. Et au centre ?

Les sondages sont flatteurs pour Emmanuel Macron. L’homme du système qui ose se prétendre en dehors est crédité d’une vingtaine de points par un nombre toujours plus grand de sondages dont on connaît, par ailleurs, la fiabilité et l’immense valeur prédictive… Ces résultats sont surprenants à plus d’un titre et on peut penser, comme certains, qu’il s’agit là d’une bulle qui, à mesure que s’amplifiera la campagne, à mesure que se rapproche l’échéance, éclatera dès lors qu’Emmanuel Macron consentira, par la force des choses, à préciser son programme et qu’il sera mieux connu. On notera que l’affaire des « frais de bouche » du ministère a trouvé peu d’écho, emportée par le bruit et la fureur médiatique de l’affaire Fillon et sans doute aussi par la complaisance dont il bénéficie... Son espace politique est manifestement au centre. Sa joliesse et sa jeunesse, son côté « bien propre sur lui » et le soutien objectif que ne manquent jamais de lui apporter la médiacratie qui fait le commentaire politique quotidien peuvent plaire dans cette partie de l’électorat que la globalisation ne frappe pas. Mais, on le sait, l’élection reine en Ve République, celle du roi constitutionnel, est celle pour laquelle la participation est forte, autrement dit pour laquelle les catégories populaires consentent à participer massivement (80 % en 2012). Ses positions libérales, tant sur le plan sociétal que social, ne vont pas manquer d’apparaître et le programme dont il commence à dessiner les contours a quand même de fortes chances de déplaire dans ces immenses secteurs de la population en butte à la difficulté quotidienne depuis tant d’années. « On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens », selon le mot resté célèbre du Cardinal de Retz. C’est ce que risque de vérifier Emmanuel Macron. Le chemin pavé de roses que lui dessinent actuellement les media peut connaître le même succès qu’Édouard Balladur en son temps. Favori des sondages des mois durant, ce dernier s’était vu relégué à la 3ème place en 1995 avec 18,6 % des voix derrière Jacques Chirac et Lionel Jospin. Et si, en outre, ses adversaires savent montrer l’incroyable adéquation qu’il y a entre ses parcours politique et professionnel, savent en faire l’héritier de François Hollande – ce qu’il est, reconnaissons-le, secrétaire général adjoint de l’Élysée en 2012 puis nommé à la tête de Bercy de 2014 à la mi-2016 – gageons que l’aura du « jeune premier » va quelque peu ternir. Si, par ailleurs, et à juste titre, on arrive à montrer que, comme le fait Marianne cette semaine, le flamboyant Macron n’est pas aussi brillant qu’il aime à le laisser penser (deux échecs à Normale Sup et une production philosophique de bas étage), si remontent à la surface certaines de ses décisions dont il n’y a vraiment pas lieu de se satisfaire – on songe ici à la vente de la branche énergie d’Alsthom à General Electric ou aux « bus Macron » ou à la cession de l’aéroport de Toulouse aux Chinois – tout indique que la « bulle Macron » risque fort de subir la rude épreuve des projecteurs. Les temps, en outre, ne sont pas à la reconduction de l’ancien et le programme Macron, c’est de l’ancien, rien d’autre. Partout, y compris en France, souffle un vent fort, tempétueux. La rage des citoyens est forte et le discours policé, pro-européen par exemple, technocrate et inscrit dans le « cercle de la raison » cher à Alain Minc (qui est un de ses soutiens) est partout rejeté. En ces temps d’adversité, d’impasses, d’impatiences, de rage, Emmanuel Macron paraît bien frêle. Le « préféré » des media, après ces jours heureux où il a pu « vivre caché » va subir l’épreuve du feu. Il ne va pas de soi qu’il soit ignifugé…

 

Emmanuel Macron.jpgFrancois Bayrou.jpg

 

4. Et chez “la blonde” ?

Marine Le Pen fait comme si de rien n’était. Le Parlement européen va dès maintenant tenter de récupérer les 298 000 € qu’il estime lui être dus au titre de l’emploi fictif de Catherine Griset, directrice de cabinet de MLP, et 41 500 € pour celui de Thierry Légier, garde du corps de MLP.

 

Catherine Griset FN.jpgThierry Légier FN.jpg

 

Les media aiment à penser que cette affaire d’emplois fictifs, ou réputés tels, va, à l’image de ce qui se passe avec François Fillon, entacher la candidature de Marine Le Pen. On pourrait souhaiter qu’il en allât ainsi mais c’est là faire l’impasse sur le « fonds de commerce » de MLP, autrement dit ignorer qui sont ses électeurs et ce qui motivent leur choix. C’est finalement la même erreur faite outre Atlantique avec Donald Trump ou outre Manche avec le Brexit. Les électeurs de Marine Le Pen veulent « renverser la table » et si l’outil pour ce faire n’est pas parfait, qu’importe du moment qu’il leur donne la satisfaction qu’ils cherchent, celle de voir toutes ces âmes bien nées qui font l’opinion, les gagnants et les laudateurs de la « mondialisation heureuse », tordre le nez, être défaits. De ce point de vue, que Marine Le Pen ait rémunéré indûment deux militants du FN leur importe peu. Nul ne les soupçonne en effet de n’avoir rien fait comme Penelope Fillon, Marine Le Pen s’est simplement servie des moyens que lui procure son mandat au Parlement européen pour salarier deux militants, la belle affaire !

Et, donc, pour “la blonde”, cette affaire est un non événement et elle mène campagne, as usual. Nous a donc été donné à entendre sa proposition d’organiser un referendum sur la « préférence nationale » et de taxer tout emploi d’un étranger par une entreprise française, que le bénéficiaire de cet emploi soit intra-communautaire ou non. On sait qu’il s’agit là d’une tentative de réponse à l’affaire des « travailleurs détachés », ce scandale qui fait, par exemple, que sur nombre de chantiers tel celui de Flamanville, se trouvent davantage de travailleurs venant d’autres pays que de travailleurs français pour le simple motif qu’à supposer même qu’ils soient payés au SMIC français, leurs cotisations sociales sont établies au regard de la législation de leur pays d’origine, autrement dit bien inférieures à ce qui a cours en France. On sait, en outre, que les heures supplémentaires comptées sont sans rapport avec la réalité et qu’ils sont donc ainsi doublement rentables.

La mesure proposée ici n’est pas sans rappeler le « America first » qui fit le succès de Donald Trump. Et pour les mêmes raisons. Non seulement les entreprises françaises délocalisent à tour de bras – il suffit pour s’en convaincre de voir la part des voitures que Renault fabrique encore dans le pays – mais, en outre, est organisée par l’Europe la concurrence des travailleurs dans leur propre pays via la directive des travailleurs détachés. En d’autres termes, Marine Le Pen sait qu’elle joue là sur du velours, sur ce qui va conforter ses électeurs des classes populaires qui, d’une part, voient dans cette concurrence une profonde injustice et, d’autre part, ne portent pas un amour immodéré pour l’étranger soupçonné tout à la fois de venir lui voler leur pain voire de ne pas partager les mêmes valeurs, chrétiennes, par exemple.

Bien évidemment, à gauche, on va crier à la xénophobie, au racisme, on jouera sur la corde vertueuse autrement dit, on passera à côté de l’enjeu. C’est sans doute ce qu’a bien compris JLM qui, plutôt que de jouer du registre bien-pensant et moralisateur a expliqué le 5 juillet dernier au Parlement européen qu’il croyait « que l’Europe qui a été construite, c’est une Europe de la violence sociale, comme nous le voyons dans chaque pays chaque fois qu’arrive un travailleur détaché, qui “vole son pain” aux travailleurs qui se trouvent sur place. » ce qui lui valut tout à la fois d’être dénoncé par le NPA d’Olivier Besancenot et Philippe Poutou et du Monde, de Libération et quelques autres… Il a eu le loisir depuis de préciser sa pensée par exemple le 9 octobre 2016 lorsqu’invité au Grand Jury RTL-Le Monde, il a précisé (voir ici, 48ème minute) : « Si je suis élu, il n’y aura plus un seul travailleur détaché en France, vous m’entendez, parce que c’est immoral, parce que ça détruit, ça met les travailleurs en concurrence les uns avec les autres » et, dans la foulée, a rappelé que les Verts, le PS avaient voté la nouvelle directive européenne qui prévoit que les cotisations sociales qui s’appliquent sont celles du pays d’origine et maintient la possibilité du détachement durant deux ans !

 

Sinon, et pour revenir à “la blonde”, les sondages lui sont toujours favorables et rien, pour le moment, ne laisse à penser qu’elle ne sera pas au 2nd tour de la présidentielle. Le 21 avril 2002 fut une surprise, le 22 avril 2017 a de fortes chances de ne pas en être une pour ce qui la concerne. Tout au plus peut-on se féliciter que la campagne, pour le moment, ne semble pas se focaliser sur l’identité et les remugles qui accompagnent cette question mais sur les mesures sociales qu’il conviendrait de prendre pour remédier à la misère qui se répand dans le pays. Mais on sait que la ligne Philippot est précisément là pour laisser croire qu’avec le FN au pouvoir ils auraient quelque chance de voir leur situation s’améliorer. Erreur funeste sans doute, toute l’histoire de l’extrême-droite est là pour en témoigner mais, ici comme aux USA, la question n’est pas de jouer les pères la morale, de fustiger les pauvres en ce qu’ils seraient coupables d’être incultes, grossiers, fainéants, mal pensants mais de leur donner des raisons de choisir une voie d’espérance dans des lendemains meilleurs qui ne joue pas sur le rejet et la vindicte de plus pauvres qu’eux ou de dissemblables mais sur l’égalité des droits et des devoirs à laquelle il faut soumettre les puissants qui n’ont de cesse de s’en exonérer. Vaste programme, comme dirait le Général…

 

5. Deux semaines aux USA, une éternité

Le 45ème président des États-Unis a pris ses quartiers à la Maison Blanche depuis le 20 janvier et on a d’ores et déjà l’impression que c’était depuis un an voire davantage. C’est que l’homme à l’étrange chevelure n’a pas chômé. Pas un jour ne passe sans que, à coups de décrets, de nominations ou de licenciements ne nous soit démontré que, décidément, il se passe quelque chose de nouveau outre-Atlantique.

L’usage veut en effet que la passation de pouvoir entre deux administrations d’orientations politiques différentes se fasse sans accroc. Ici, rien de tel, les décrets pris par Donald Trump provoquent des soubresauts jamais vus auparavant. Ainsi voit-on comme jamais auparavant les rues se remplir de gens qui manifestent pour contester ce qu’il décide. L’interdiction faite aux ressortissants d’un certain nombre de pays musulmans (voir ici), Iran, Irak, Syrie, Libye, Soudan, Yémen et Somalie, heurte la tradition du pays qui se prévaut, depuis sa création, d’accueillir en son sein tous ceux qui, de par le monde, sont en butte aux persécutions, ont voulu le rejoindre. On songe d’abord, à tous ces irlandais, ces italiens, ces juifs qui ont fait l’histoire de ce pays. De sorte que, la politique de Trump remet en cause le « brain drain » qui fait la fortune du pays et l’image que celui-ci aime à se raconter quant à son humanité. C’est ce que n’ont pas manqué de souligner les patrons de la Silicon Valley qui, pour beaucoup, sont les enfants de cette immigration. On notera au passage que sont exclus de la liste des pays musulmans visés des États comme l’Arabie Saoudite ou le Pakistan dont les liens avec le terrorisme islamiste sont avérés quand, dans le même temps, y est placé l’Iran dont on mesure en Syrie, par exemple, le rôle face à ce même terrorisme. Il s’agit bien sûr d’un choix qui a tout à voir avec Israël et le soutien sans faille que Donald Trump entend lui apporter…

 

Dans le détail, Trump a pris 17 décrets en 8 jours. On trouvera ici leur liste dans l’ordre où ils ont été pris :

 

Les 17 décrets signés par Donald Trump.jpg
 

Outre le décret mis en exergue ci-dessus et son corollaire (11 et 12), parmi ces 17 décrets émergent un ensemble de décrets ayant tout à voir avec le climato-scepticisme de Trump (6, 7, 8 et 9) et, plus surprenant peut-être, la dénonciation du TPP, autrement dit de l’accord commercial transpacifique dont le but était pourtant de contenir la puissance chinoise en faisant d’un certain nombre de pays d’Asie des alliés commerciaux. Dénoncer un tel accord quand par ailleurs on laisse à penser que l’ennemi principal c’est la Chine en a surpris plus d’un et on peut penser que dans les rangs des patrons américains, très influents tant parmi les élus républicains que démocrates, on s’en inquiète.

 

Autre chapitre, les nominations dont la première d’entre elle, le poste laissé vacant à la Cour suprême qui est aux USA ce que sont chez nous le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel réunis. Donald Trump propose d’y nommer Neil Gorsuch, 49 ans, jeune juge, donc, pour occuper un poste à vie. Conservateur, bien sûr, il se réfère à l'école de jurisprudence “originaliste”, pour laquelle la Constitution doit être interprétée conformément à son sens originel à l’époque de son adoption (1787) et ses prises de position passées posent déjà souci. Comme juge à la cour d’appel fédérale de Denver (Colorado) il s’est ainsi montré favorable à la peine de mort et a soutenu des entreprises qui refusaient de fournir une couverture santé incluant une contraception à leurs employées. Rappelons ici qu’au terme des dernières élections, le Sénat compte 52 républicains, 46 démocrates et 2 indépendants et que la nomination d’un juge à la Cour suprême requiert 60 suffrages pour peu que l’opposition fasse valoir le filibuster, procédure à laquelle ils ont déjà dit qu’ils auront recours et qui a permis aux républicains de s’opposer à la nomination par Barak Obama du 9ème juge. Donald Trump demande au président de la Cour suprême, Mitch McConnell, dès lors et s’il le peut de choisir « l’option nucléaire » autrement dit de changer les règles du jeu, d’imposer la majorité simple ce qui ne manquerait pas, là aussi, de faire des remous considérables. Plus finement, Donald Trump espère que se feront jour un certain nombre de défections dans le camp démocrate en particulier dans les États qui ont basculé dans le camp républicain lors des dernières élections et dont le mandat arrive à terme en 2018. Ajoutons que, vu l’âge d’un certain nombre des juges actuels, il est fort à parier que Donald Trump ait à pourvoir d’autres sièges laissés vacants au cours de son mandat…

 

Neil Gorsuch.jpg

 

L’enjeu, dans ce pays, est considérable. Nombre de décisions se retrouvent examinées par cette instance suprême. Que l’on songe, par exemple, à l’arrêt Roe vs Wade qui, en 1973, exprime que les entraves légales à l’avortement sont contraires au 14ème amendement. En d’autres termes, que l’avortement est une liberté fondamentale. Cet arrêt est évidemment dans la ligne de mire de tous les conservateurs et culs-bénits du pays et on peut penser qu’avec les pressions dont ils sont capables et à l’occasion d’une décision judiciaire en rapport, ils reviennent sur cet arrêt et, donc, sur le droit à l’avortement.

En tout état de cause, il semble que le fait que Donald Trump ait été si mal élu – Hilary Clinton a obtenu 2,5 millions de voix de plus que lui – fragilise sa légitimité au yeux de nombreux étatsuniens et c’est sans doute ce qui explique les manifestations auxquelles ses décisions donnent lieu. Une partie de la population, fort de ce constat et si tant est qu’elles heurtent leurs convictions, le montrent en défilant, en défiant le pouvoir en place. Nul ne peut dire comment cette contestation se cristallisera. Mais le rythme des scrutins dans ce pays est tel que la pression est forte sur le locataire de la Maison Blanche puisque, comme chacun le sait, et Barak Obama en a fait les frais en début de mandat, les prochaines élections – les midterms – se tiennent dans deux ans et qu’à la clé, c’est le tiers du Sénat et l’ensemble de la Chambre des représentants qui est remis en jeu. Que Donald Trump se montre tout à la fois incapable de gouverner et de satisfaire les électeurs qui lui ont fait confiance et il se retrouvera, comme Barak Obama, en cohabitation dans un pays où, contrairement au nôtre, le parlement est très loin de ne faire que de la figuration. On peut penser que c’est avec ce souci qu’il a décidé de frapper fort d’emblée, via une série de mesures conformes au programme qu’il a développé durant sa campagne et dans le but de montrer à ses électeurs que, lui, s’oppose à la bureaucratie et au pouvoir des élites réputées tenir le pays en général et Washington en particulier. On ne manquera pas de suivre ce passionnant feuilleton dans tous ses développements dans les mois qui viennent.

 

@ suivre…



05/02/2017
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