La « République en marche » se met en place
Vendredi 30 juin 2017
Sujets traités :
- Comme prévu : le MoDem est éjecté et Emmanuel Macron dispose d’une majorité sans précédent
- Politique étrangère : les « bien pensants » pris à contrepied
- Loi travail : on commence à y voir plus clair
- La « rigueur » est de retour
- Simone Veil n’est plus
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Le lecteur, attentif – nécessairement attentif – aura sans nul doute observé et, bien sûr, regretté, l’absence de billet publié la semaine passée, absence due tout à la fois à une actualité peu fournie et à une suractivité extra-éditoriale ayant tout à voir avec la qualité de l’ensoleillement qui a baigné la Provence. Disons-le, avec l’été, il n’est pas certain que le rythme hebdomadaire de ce billet soit tenu… le lecteur saura se montrer magnanime.
- Comme prévu : le MoDem est éjecté et Emmanuel Macron dispose d’une majorité sans précédent
L’offensive éditoriale et judicaire contre le MoDem a produit ses fruits. François Bayrou, ministre de la Justice, et ses amies, Sylvie Goulard, ministre des Armées et Marielle de Sarnez, ministre chargée des Affaires européennes, sortent du gouvernement ou, plus précisément, ne font pas partie du nouveau gouvernement. Au final, François Bayrou aura donc servi d’idiot utile à Emmanuel Macron qui est, en quelque sorte celui qui aura réussi ce que lui, François Bayrou, n’aura su faire, à savoir « gouverner au centre » en asséchant le marigot de la droite du PS, de la gauche de LR et du centre. Peut-être n’a-t-il simplement eu le tort que d’avoir eu raison trop tôt en ce que, décidément et depuis un bon moment, on cherchait assez vainement les divergences entre ces deux groupes réputés opposés. Au moins pourra-t-il se féliciter d’avoir réussi à faire élire, dans le sillage d’Emmanuel Macron, 42 députés, ce qui, dans une configuration politique normale, eut été du domaine du rêve. Et, bien sûr, avec eux, viendra un financement politique qui lui faisait si cruellement défaut et qui est à la racine de ses ennuis judicaires du moment. Parallèlement, et avec sans doute un bonne dose de cynisme, le Premier ministre constitue un groupe de dissidents réputés « constructifs » qui vont venir grossir les rangs déjà pléthoriques de LREM. De sorte qu’au sortir de cette séquence politique, on peut s’amuser à recenser les députés favorables à Emmanuel Macron :
- LREM : 308 députés ;
- « Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants » : 36 députés ;
- MoDem : 42 députés ;
- PS « accommodants » + quelques apparentés LREM comme Manuel Valls : environ 25 députés.
Pour ceux qui l’auraient oublié, pour 577 sièges, la majorité absolue est à 289 et, à quelques approximations près, on voit ici qu’Emmanuel Macron dispose de plus de 400 soutiens dans l’hémicycle (et encore reste-t-il en dehors des députés dont l’opposition n’est pas le trait dominant). La « déclaration de politique générale » du 4 juillet à l’issue de laquelle le parlement est invité à voter la confiance au gouvernement permettra d’y voir un peu plus clair. « Un peu » car on sait que si le PS a affiché d’emblée son opposition, la réalité sera bien différente, certains de ses députés choisissant de voter la confiance et d’autres s’abstenant. Combien voteront contre ? Et combien de courageux choisiront de ne pas aller siéger ?..
On ne manquera de souligner au passage cette incongruité qui fait que le Premier ministre fera sa déclaration le lendemain de celle d’Emmanuel Macron devant le Congrès réuni à Versailles. Par ce geste, « Jupiter » fait donc le choix de traiter Edouard Philippe en aimable « collaborateur », selon l’expression désormais célèbre de Nicolas Sarkozy à l’endroit de son Premier ministre, François Fillon. Nombre de commentateurs politiques ont souligné combien symbolique était cette opération. Pour ceux qui en doutaient encore, la « monarchie présidentielle » s’affiche d’emblée. Il sera amusant de confronter les deux discours, de voir ce que l’un aura laissé à l’autre. Toute cette comédie ravira les médias mais il n’est pas sûr que la population du pays suive tout cela avec grande attention. On peut même, sans grande crainte, penser le contraire… S’agissant de la convocation du Congrès à Versailles ce lundi 3 prochain, ça commence à tanguer. Jean-Luc Mélenchon a déjà annoncé qu’aucun des députés de son groupe ne s’y rendrait. Et, du coup, ça donne des idées à d’autres qui, sachant que cette aimable réunion n’a d’autre but que de se faire asséner le discours de Jupiter « sur l’État de l’Union », se disent qu’il leur est donné là une bonne occasion de faire montre d’opposition. On verra lundi ce qu’il en sera mais il n’est pas totalement impossible que ne soient présents ce jour-là que les députés et sénateurs macronistes et ralliés, de droite et de ?gauche”. Si tel est le cas, ça ne manquera pas d’être souligné et cela va singulièrement écorner l’image lénifiante du président-monarque. Un détail : au moment où le gouvernement insiste lourdement sur le déficit public et le non respect des 3 %, il n’est pas sans intérêt de souligner que la petite sauterie versaillaise coûtera environ 500 000 €. La République est bonne fille et rien n’est trop beau pour magnifier le monarque républicain !
C’est donc cette semaine que se sont installés nos députés. La presse n’a pas manqué de nous inviter à suivre certains « nouveaux », élus LREM s’entend. Que retenir de cette séquence ? Par delà les « premiers pas » de ces nouveaux et nouvelles, la façon dont les uns et les autres ont choisi de s’afficher. Ainsi n’a-t-il pas échappé aux médias que les députés « insoumis » avaient choisi de siéger sans cravate.
Pour qui a vu siéger la Knesset ou suivi quelque interview de ministres israéliens, dont le Premier d’entre eux, on rirait volontiers de ce que cette absence d’attribut vestimentaire fasse le buzz. Pourtant, ça a marché : tout ce que le pays compte de « scrogneugneu » s’est offusqué de ce refus de porter la cravate. Et, dans la foulée, les mêmes députés « insoumis » ont refusé de participer à la « standing ovation » qui a suivi l’élection au « perchoir » du sieur François Goullet de Rugy ! Que n’a-t-on entendu ? « Mauvais perdants » ! À entendre ces gens-là, il faudrait applaudir à l’élection à la 4ème place de l’ordre protocolaire de la République d’un petit monsieur dont la déloyauté le dispute à l’arrivisme. On se pince ! Est-il besoin de rappeler à ces contempteurs de la macronie que ne pas applaudir à l’élection d’un adversaire politique n’est pas une injure hors république bananière et, de surcroît, que quelques mois plus tôt, celui qui en est à son troisième mandat, qui a été successivement député EELV puis apparenté PS, a choisi de participer à la primaire du PS, signant comme Manuel Valls cet engagement pour, sitôt l’élection perdue, se parjurer et se rallier à Emmanuel Macron !
Comble du ridicule, il s’est même trouvé des commentateurs « distingués » tel Thomas Legrand sur France inter pour voir dans le geste vestimentaire des insoumis rien moins que le retour des Hébertistes au parlement. Mélenchon et ses amis en « hébertistes », il fallait oser ! Bien évidemment, ceux qui font ça savent ce que sont les « hébertistes » et n’ont rien moins en tête que de revêtir les « insoumis » et leur dirigeant emblématique, Jean-Luc Mélenchon, de l’opprobre attachée à l’histoire de ces révolutionnaires en ce qu’ils étaient des « ultras » quand, en réalité, ils étaient l’expression politique du peuple, celui que le suffrage censitaire renverra dans l’ombre pour le réserver à la bourgeoisie triomphante. On s’amusera au passage de ce que Jean-Luc Mélenchon se prévaut, lui, plutôt de l’héritage spirituel d’un Robespierre, le même qui conduisit Hébert et ses amis à l’échafaud le 24 mars 1794… avant de s’y voir conduit lui-même peu de temps après, est-il bien besoin de le rappeler.
Une chose est sure, tous ces gens bien intentionnés font, à leur corps défendant, le jeu de Jean-Luc Mélenchon. Le parlement étant ce qu’il est, nul ne doute qu’il ne serve à rien d’autre qu'à entériner ce que « Jupiter » voudra. La seule question, dès lors, est de savoir qui incarnera l’opposition à sa politique. Les cravates, le refus de communier à l’élection du président de l’Assemblée n’ont d’autre but que de montrer que la seule opposition est celle de la France insoumise. Le FN qui, par ses résultats, prétend à ce rôle, disparaît dans ce concert et nul ne doute qu’à l’occasion de la présentation de politique générale de mardi prochain et plus tard lors du vote de la loi d’habilitation des ordonnances sur la loi travail seront l’occasion d’enfoncer le clou. C’est François Ruffin qui explique bien l’ambition de cette poignée de députés lors de son interview par Jean-Jacques Bourdin le 27 juin sur RMC (voir ici). Il y rappelle comment il a su opérer sa « remontada amiénoise » en faisant en sorte qu’une bonne part de ceux qui, dans cette 1ère circonscription de la Somme, avaient choisi de porter leurs suffrages sur le candidat du FN, Franck de Lapersonne (16 % des voix), acceptent de voter pour lui au second tour, lui permettant de battre le candidat de LREM qui avait pourtant 10 points d’avance sur lui au 1er tour (34 %). Ces électeurs se recrutent évidemment dans les catégories populaires. On est ici dans le Nord et pas chez les pieds-noirs et leurs enfants qui font le succès du FN dans le Sud-Est du pays. Ce sont les déboussolés des délocalisations, Whirlpool étant la dernière en date. Il explique bien que l’enjeu est de faire en sorte que deux catégories de pauvres – les immigrés et leurs enfants d’une part, les « petits blancs » d’autre part – ne se fassent pas la guerre comme les y invite le FN mais, au contraire, s’allient contre l’ennemi commun, les actionnaires divers, français ou étrangers, qui se gavent de dividendes sur leur dos. Tel est l’enjeu. Bien évidemment, nationalement, l’affaire est loin d’être gagnée. Le « terrorisme » et ses attaques meurtrières sont essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, le fait d’enfants de l’immigration maghrébine, arabo-musulmane. L’horreur qu’elles inspirent invite à jouer du registre « culturel » pour ne pas dire ethnique au détriment, évidemment, des enjeux « de classe ». Faire en sorte que ces populations qui, hier encore, étaient soudées, partageaient les mêmes difficultés, se réunissent aujourd’hui ne va pas de soi. Le FN est de ce point de vue le danger principal et, même si on comprend bien qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, il faut évidemment que ce qu’a entrepris François Ruffin à Amiens se fasse dans bien d’autres endroits. L’unanimité des nantis autour d’Emmanuel Macron et la « majorité introuvable » qui le sert au Parlement ont un défaut : ils sont la concrétisation politique des intérêts de la classe dominante. Dès lors que la politique menée ne fera évidemment qu’aggraver la « fracture sociale », la seule question qui vaille est de savoir qui incarnera l’opposition. Pour simplifier : deux candidats et deux seulement sont en mesure de jouer ce rôle : Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Ces deux-là, on le sait, n’ont rien d’autre en commun que de prétendre fournir un débouché politique à cette majorité de citoyens dont la classe dominante entend aggraver toujours plus le sort. L’Histoire n’est pas dite. Elle se fait et ceux qui aujourd’hui communient dans le changement macronien feraient bien de se préparer à déchanter. Les faits sont têtus et il n’est pas de pouvoir qui, un jour, triomphant, ne soit le lendemain aux abois.
Sinon, côté « parlement aux ordres », la république macronienne prend forme. Ainsi, l’usage veut que les trois postes de questeurs de l’Assemblée soient partagés entre 2 majorité et 1 opposition. Les « questeurs », ce sont ceux qui gèrent la boutique. Éric Ciotti était donc candidat pour LR et, patatras, c’est Thierry Solère, un LR « constructif », autrement dit un appendice macronien, qui est élu ! Quant aux 6 postes de vice-président de l’Assemblé, six LREM ! Cerise sur le gâteau, celui qui s’est trouvé blanchi dans l’affaire de l’hippodrome de Compiègne, Éric Woerth, se retrouve élu président de la prestigieuse Commission des finances… À décharge du pouvoir en place ni LREM ni le MoDem n’ont participé au vote. Reste que ça ressemble par bien des aspects à la nomination du représentant de l’Arabie Saoudite à la tête de la commission des droits des femmes à l’ONU. Prière de ne pas rire, nul ne peut remettre en cause la chose jugée dans notre belle démocratie. Et les exemples se multiplient ainsi de LREM qui, avec ses sous-marins plus ou moins furtifs, fait main basse sur l’ensemble des postes. Une « république exemplaire » nous avait été promise… Les naïfs qui y ont crû ressemblent déjà furieusement à des benêts, aux « ravis de la crèche »…
Un mot encore, pour finir, sur ces ridicules événements avec la photo officielle que Jupiter a postée sur son compte Twitter ce jeudi. On passera pudiquement sur les commentaires, une fois encore enamourés, servis à l’occasion par la presse de complaisance, les interviews de ridicules « communicants » – c’est un pléonasme – pour contempler et comparer avec les précédentes. Nicolas Sarkozy devant une bibliothèque, lui qui pouvait difficilement faire croire qu’il ait jamais lu autre chose que quelques ouvrages de droit (cf. sa référence à La Princesse de Clèves), un Hollande souriant et encore amaigri – on sait ce qu’il en advint – dans le jardin de l’Élysée et un Emmanuel Macron posant devant son bureau (déplacé pour l’occasion) avec quelques livres ouverts, une horloge, les drapeaux français et européen et, bien sûr, le symbole de la fenêtre ouverte sur laquelle on est priés de s’extasier tant elle est censée nous donner à penser…
Les réseaux sociaux n’ont pas manqué l’occasion de détourner cette « photo en majesté ». Tel y a placé, si on peut dire, Jean-Vincent Placé apparaissant dans un coin de la fenêtre. D’autres ont remplacé le bucolique fond par une armada de drapeaux de la CGT. Le persiflage, dans ce pays, a fort heureusement, encore de beaux jours devant lui…
- Politique étrangère : les « bien pensants » pris à contrepied
On se souvient du concert de reproches, de critiques acerbes qui avaient accueilli les positions de Jean-Luc Mélenchon en matière de politique étrangère à commencer par celle consistant à dire que, s’agissant de la Syrie, il convenait de parler à toutes les parties en présence, Bachar El Hassad et Vladimir Poutine en tête. À entendre ces éditocrates néo-conservateurs, dont on observera que Benoît Hamon reprenait pour l’essentiel les thèses, Jean-Luc Mélenchon était vendu à Poutine, soutenait Bachar El Hassad et ses soi disant attaques chimiques, etc. Depuis, les mêmes qui soutenaient si unanimement Emmanuel Macron se voient pris à contre pied par leur héros du jour. Au passage, les mêmes qui n’avaient pas de mots assez durs sur les crimes de guerre que constituaient les bombardement russes sur Mossoul ne pipent mot quand l’aviation de l’alliance étatsunienne fait la même chose sur Raqqa, dernier réduit sur lequel règne encore Daesh. Qu’en outre, des témoignages concordants fassent état d’utilisation de bombes au phosphore (voir ici) par la coalition est gentiment et complaisamment passée sous silence, pudeur sans doute destinée à ne pas choquer un public si peu préparé aux réalités d’une guerre qui, comme toutes les guerres, n’a rien de propre ou de « chirurgicale ». Seuls les niais peuvent penser que « libérer » des villes comme Mossoul ou Raqqa, avec leurs dédales de ruelles, se fait en ne tuant que des « combattants » et en épargnant les populations civiles. Pense-t-on sérieusement que les bombardements alliés pendant la 2ème guerre mondiale ont rasé Le Havre ou Caen en ne tuant que des allemands ? Misère de la propagande !
De la même façon, que n’apprend-on hier : Emmanuel Macron a décidé d’inviter Donald Trump au défilé du 14 juillet ! Là encore, il faut une bonne dose de complaisance pour ne pas s’étonner et critiquer un tel choix. Celui que tous les médias nous décrivent comme à moitié fou, celui qui vient de priver des millions d’américains de couverture maladie, celui enfin qui propose de fermer le pays à des arabes au seul motif de leur nationalité, celui qui est ouvertement climato-sceptique, après avoir été reçu en grande pompe à Versailles va passer nos troupes en revue, main dans la main avec Emmanuel Macron qui l’y aura invité. On se pince ! Et que disent Le Monde, Libération, France inter, etc. ? Rien que de très modéré, rassurez-vous… Ça nous promet de belles photos : « Jupiter » et Brigitte main dans la main avec le « perruqué » et son ineffable Melania, il ne va pas falloir louper Paris-Match !
Dans la série des « pudeurs de gazelles », que dire de la propagande qui sévit sur la situation de l’Ukraine et de « l’annexion » de la Crimée qui nous est présentée comme un crime majeur au motif qu’elle remettrait en cause les frontières des États réputées intangibles. Quelle blague ! Il faut ne rien connaître de l’histoire de l’Ukraine d’un part et mettre sous le boisseau l’affaire du Kosovo pour oser pareille embrouille. Et, donc, s’agissant de l’Ukraine, voilà que Le Monde, le « journal de révérence », dans sa livraison du 24 juin nous informe que l’extrême-droite faisait main basse sur l’Ukraine et que les dirigeants actuels de l’Ukraine qui ont repris pour l’essentiel les délétères positions de cette extrême-droite fascisante sont menacés d’un coup de force. Et nous qui, à la lecture de ce même journal, étions priés de croire que Vladimir Poutine était un affreux et le pouvoir en place à Kiev les « gentils ».
Enfin, au registre européen, comment passer sous silence la propagande intense qui a sévit à l’occasion de la participation d’Emmanuel Macron au sommet réunissant les chefs d’États européens à Bruxelles le 22 juin. Emmanuel Macron nous avait servi une « Europe qui protège ». Angela Merkel a eu tôt fait de remettre Jupiter à sa place sur ce terrain. À la tête d’une Allemagne en pleine dénatalité, hégémonique dans le Mitteleuropa, elle n’a que faire de ces prétentions françaises. Le million de Syriens ne suffira pas, une bonne part de sa production se fait déjà chez les satellites et son excédent commercial n’est rien moins qu’exorbitant. Et, donc, la montagne accoucha d’une souris : la remise en cause des règles présidant au « travail détaché » est reposée aux calendes et la seule « avancée » sera de doter l’Europe d’un budget de défense de 5 millions d’euros. Une misère quand on songe aux 600 milliards de dollars annuels que l’Oncle Sam consacre à la défense de l’Empire. Bien évidemment, et une fois de plus, les médias verront là un immense succès de notre président… Quelle blague !
- Loi travail : on commence à y voir plus clair
Après les fuites dans Le Parisien puis Le Monde et Libération, et après que les français eussent fini de voter comme l’on sait, c’est-à-dire sans bien connaître le contenu de ce qu’entendait faire le pouvoir macronien, on commence à comprendre l’étendue du désastre social qui se profile avec ce qui fera l’objet des ordonnances. Saluons ici le travail fait par le Syndicat des avocats de France (SAF) sur ce chapitre essentiel de la vie du pays puisqu’il concerne rien moins que 18 millions de salariés de ce pays. Le SAF vient de mettre en ligne une série de vidéos expliquant par le menu ce que le Président de la République entend faire passer durant l’été. Une introduction suivie de 13 vidéos représentant un peu plus d’une heure de visionnage dont la pertinence et la clarté sont simplement remarquables :
1. Introduction (6’24) ;
2. Vers la fin du CDI ? (5’43) ;
3. Contrat de travail : des droits à la carte ? (5’21) ;
4. Le licenciement pour motif économique (7’40) ;
5. Le délai de recours contre le licenciement pour motif économique (4’42) ;
6. Le plafonnement des dommages et intérêts, les barèmes (5’56) ;
7. L’assurance chômage en coupe réglée (4’42) ;
8. La réduction des accords de branche (3'49) ;
9. L’accord d’entreprise primera sur la loi et le contrat de travail (3’45) ;
10. Casser la loi (4’19) ;
11. La fusion des instances représentatives des personnels (4’08) ;
12. Diluer la négociation collective (2'59) ;
13. Le fonctionnement des instances représentatives du personnel (4’38) ;
14. Le recours au référendum (5’03).
Devant une telle menace, comment se positionnent les forces syndicales du pays ? On ne s’étonnera pas que le MEDEF et son alliée, la CGPME, applaudissent. Le contenu de ces ordonnances les satisfait en tous points, certaines satisfaisant leurs espoirs les plus fous. C’est évidemment du côté des organisations syndicales de salariés qu’il faut y regarder. Sans trop de surprise, la CGT et sa fédération des cadres, l’UGICT, affichent une opposition tranchée et dénoncent la procédure de consultation qui se déroule actuellement en ce qu’elle ressemble davantage à une concertation « de façade » et sans contenu. Elle appelle d’ores et déjà à une journée d’action le 12 septembre. Du côté de la CFE-CGC, syndicat de cadres qui s’était positionné contre la loi El Khomri, on affiche une certaine prudence affirmant que « l’équilibre est loin d’être trouvé ! ». Plus intéressant, sans doute, est de voir comment la CFDT qui est, depuis deux décennies au moins, un allié « constructif » du patronat, qui s’enorgueillissait d’avoir fait reculer le gouvernement Valls-El Khomri sur un certain nombre de points aujourd’hui remis en cause, comment donc la CFDT va-t-elle pouvoir « vendre » des régressions sociales qui, hier encore, étaient selon elle « une ligne rouge ». Nul ne doute qu’une fois de plus la grande centrale « réformiste » usera de tous les ressorts de la dialectique pour justifier sa capitulation. Quant à FO (Force ouvrière), qui aime rien moins que d’afficher comme sigle CGT-FO pour rappeler son origine lointaine CGT, qui a depuis longtemps vu son rôle de partenaire privilégié du MEDEF remplacé par la CFDT, qui a pu paraître hier encore aussi radicale que la CGT à l’occasion de la loi El Khomri, on la voit aujourd’hui expliquer que les « lignes rouges » ne le sont plus, qu’il y moyen de s’entendre. Son Secrétaire général, Jean-Claude Mailly, salue « une vraie concertation » et affirme que « La concertation sur la réforme du code du travail va dans le bon sens ». On imagine le rose aux joues qui montent tant à celles de Pierre Gattaz que d’Emmanuel Macron et sa ministre en charge, Muriel Pénicaud. Gageons que dans un certain nombre de sections FO, si cette ligne devait être maintenue, il va y avoir du tangage… Les mauvaises langues affirment que ce changement de ligne tient à ce que son compagnonnage avec la CGT dans une opposition marquée n’a pas porté les fruits attendus. Que FO s’imagine que c’est en se faisant le « compagnon » de la CFDT et du MEDEF sur le dos des droits des salariés que les fruits seront plus abondants relève d’une étonnante myopie voire d’un strabisme inquiétant.
- La « rigueur » est de retour
Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que la « rigueur », c’est-à-dire l’austérité, revienne à l’ordre du jour. Le signal en a été donné par le président de la Cour des Comptes, Didier Migaud, le « crâne d’œuf » emblématique qui, comme il s’y emploie depuis sa nomination à ce poste en février 2010, nous entonne l’air du déficit insupportable et de la nécessaire rigueur. Pour la circonstance, il dénonce un déficit de 8 milliards d’euros non budgétés, affirme que le budget présenté par son ami politique, Michel Sapin, était insincère et que le déficit public dépassera le dogme européen des 3 %. Le signal étant ainsi donné, on nous donne aussitôt à entendre Gérald Darmanin, ministre LR de l’Action et des Comptes publics qui explique sur le plateau de France 2 que comme il est hors de question de voter un « collectif budgétaire » qui signifierait de trouver des ressources nouvelles, l’opération se fera à travers une série de mesures dont le classicisme n’échappera à personne : gel du point d’indice des fonctionnaires, suppressions de postes dans la Fonction publique, non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, etc.
Sur le point d’indice qui est à la base du salaire des fonctionnaires – en ce qu’il est déterminé par la valeur du point x le nombre de points (lié au grade et à l’échelon dans le grade) – est-il besoin de rappeler ici ce la valeur du point a été gelée six années durant sur une période qui couvre les mandatures Sarkozy et Hollande (juillet 2010 – juillet 2016) et que, pour des raisons manifestement électorales, elle fut “généreusement” augmentée de 0,6 % en juillet 2016 et de 0,6 % en février 2017. En sorte que, si l’on regarde l’évolution du la valeur du point d’indice depuis 1994, elle a connu une hausse de 19,3 % quand, dans le même temps, l’INSEE mesure l’inflation à 39,2 % (voir ici). Et, si l’on restreint la période aux 14 dernières années (de mars 2002 à mars 2016), elle a progressé de 6,6 % alors que l'inflation a, sur la même période, progressé de 20,6 %. Ce sont donc 20 points de perdus en 23 ans dont 14 points au cours des 14 dernières années. C’est là une entreprise méthodique de paupérisation des fonctionnaires qui conduit, par exemple, à ce que les concours de recrutements de l’Éducation nationale connaissent si peu de succès voire affichent, dans certaines disciplines enseignées en collèges et lycées, une grave pénurie. Que des gouvernements de droite pratiquent une telle politique, même si on peut penser que ses effets sont délétères sur les services publics qu’ils sont en charge de faire fonctionner, peut être qualifié de convenu, d’attendu. Mais que des gouvernements se disant « de gauche » fassent la même politique à l’endroit de salariés qu’ils prétendent défendre et qui, historiquement, ne leur ont jamais mesuré leur appui électoral est une bonne mesure de la qualité de cette « gauche » gestionnaire qui, tel Didier Migaud, n’a de cesse de les appauvrir. Que cette même « gauche » se retrouve ensuite emportée, qu’une partie de ces fonctionnaires se mettent, contre toute tradition, à voter Front national ou, comme bien d’autres salariés, s’abstiennent, que la qualité du service rendu laisse parfois à désirer, que nombre d’agents publics soient démotivés, voilà les fruits amers de cette politique. Et, le pire, c’est que ces gouvernants, dont les liens avec les puissances d’argent sont établies, viennent ensuite sans vergogne leur donner des leçons. Si l’on ajoute à ce sombre tableau la perspective immédiate d’Emmanuel Macron de ponctionner de 1,7 % 60 % des retraités de la Fonction publique avant de mettre à bas leur système de retraites via un système de retraite « à points » qui conduira à une baisse de 30 % du niveau des pensions, on se dit que le pays ne peut pas ne pas connaître de fortes tensions sociales. La photo officielle « caviardée » d’Emmanuel Macron affichée plus haut pourrait bien se trouver devenir un jour d’une brûlante actualité…
Autre incidence de ce retour en force de la « rigueur », il n’est pas impossible que certaines mesures fiscales annoncées dans le programme d’Emmanuel Macron telles la restriction aux seuls revenus immobiliers, à l’exclusion donc des revenus financiers, pour le calcul de l’impôt sur la fortune ou la suppression de la taxe d’habitation aient quelques difficultés à être vendues. Déjà se font fort les bruits de couloirs sur la remise à des jours meilleurs de ces mesures… Les « ravis de la crèche », tous ces nigauds qui ont crû bon voter pour un « winner », « parce que c’est mon projet », vont probablement devoir déchanter. L’« état de grâce » n’aura-t-il été qu’un très court printemps ?
- Simone Veil n’est plus
Celle dont l’histoire retiendra qu’elle fit voter en 1977 la loi légalisant l’avortement dans ce pays vient de nous quitter. Même si ses options politiques furent le plus souvent à l’opposé de celles qui sont défendues ici, même s’il est arrivé que l’on s’étonnât de son soutien à Nicolas Sarkozy en 2007 alors que postulait un François Bayrou infiniment plus proche d’elle sur le terrain des idées politiques, elle fait partie de ces figures politiques qui invitent au respect tant est grand l’impact qu’aura eu sur la vie des femmes de ce pays le vote de cette loi. En regard, le reste importe finalement assez peu. Elle, au moins, qui eut à connaître la déportation à Auschwitz, qui en réchappa au motif que sa judaïté était inconnue des nazis, sut passer outre en promouvant la réconciliation franco-allemande et, sous l’autorité de Valéry Giscard d’Estaing, comme ministre de la Santé, défendit la légalisation de l’avortement au sein d’une assemblée nationale massivement masculine et réactionnaire. Qui ne connaît le célèbre « Je voudrais tout d'abord vous faire partager une conviction de femme – je m'excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes. » Grâce lui soit rendue pour cela. Peu d’hommes ou de femmes politiques laissent de telles traces dans notre histoire.
Pour retrouver l’intégralité du discours prononcé par Simone Veil en ce 26 novembre 1974, c’est ici.
Les vidéos sont hélas très très parcellaires. En voici une de 2’14.
On regrettera aussi de ne pas trouver les interventions qui furent faites lors des débats que suscita l’examen de cette loi. On y voit une droite, masculine, profondément réactionnaire, usant des pires arguments qui montrent l’état des mentalités dans cette population qu’elle représente hélas si bien. Fort heureusement, grâce aux députés de gauche et contre la majorité des députés de droite, il se trouvera une majorité au Parlement pour voter cette loi « temporaire », autrement dit à durée d’application limitée à 5 ans. Par bien des aspects et parce que les ressorts sont en gros les mêmes, nous venons de vivre assez récemment des débats assez semblables lors de l’examen de la loi sur le « mariage pour tous ». Les mêmes ou du moins leurs enfants, « la manif pour tous », nous ont servi à peu près la même soupe rance. C’est le vieux fond catho versaillais des beaux quartiers. Avec le même succès, fort heureusement…
@ suivre…
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