Macron, comment vous dire.. Ras-le-bol !
Dimanche 4 septembre 2016
----------------------------------
Le soufflé autour du Burkini étant retombé, une nouvelle chassant l’autre, les français ont été priés de s’intéresser en ce mardi 30 août à la démission d’Emmanuel Macron, ci-devant ministre de l’Économie dans le gouvernement de Manuel Valls.
Emmanuel Macron quitte le gouvernement ! Quelle affaire ! Pain béni pour une presse qui n’aurait eu à s’occuper que du marronnier de la rentrée, scolaire, bien sûr… Et donc, faute d’enchaîner sur les divergences politiques qu’il aurait pu avoir avec ce gouvernement, son chef ou celui qu’il a si longtemps conseillé, François Hollande, la presse s’est focalisée sur son avenir politique. Pas grand chose à dire, en fait, en dehors de vaseuses spéculations qui rapproche le journalisme politique tel qu’il se pratique dans ce pays des sciences divinatoires...
Avant, donc, de réfléchir à cet « avenir politique », notons quelques réactions… Celle de celui qui se présente comme « journaliste au service politique du Monde » – le “journal de révérence” – et qui tweete « “Responsabilité”, “gravité”, “difficultés”... @EmmanuelMacron choisit la stature présidentielle pour son départ » tandis que JLM (Jean-Luc Mélenchon), de son côté, y allait avec « Bonne nouvelle : avec la démission de #Macron, il n’y a plus que 13 millionnaires au gouvernement. » ou encore « #Macron quitte le gouvernement pour être candidat. #Hollande ne produit que des monstres politiques. » Et puis, celle de Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT : « Il ne s'est pas beaucoup occupé de l'industrie, il ne s'est pas beaucoup occupé des Français sauf parfois pour les insulter, les traiter d'illettrés ». On notera, au passage, qu’avant même d’avoir passé le relais à Michel Sapin en ce mercredi 31 août, Macron se voyait déjà faire des offres de services d’un Jean-Christophe Lagarde, l’immense et incontournable « Président de l’UDI »… Pas de quoi être surpris puisque quelque temps auparavant, il avait confié au chouan de service, Philippe de Villiers, son hôte au Puy du Fou, « L’honnêteté m’oblige à vous dire que je ne suis pas socialiste ». Une surprise pour peu de gens, disons-le…
Résumons : Macron quitte le navire, dont on sait qu’il fait eau de toutes parts, croyant ainsi se préserver un avenir politique de type présidentiel, lui qui n’a jamais affronté le moindre scrutin et qui déclarait lors d’un forum organisé par Le Monde en septembre 2015 que « parvenir à de hautes fonctions par la voie des urnes était un cursus d’un ancien temps » !
Au-delà de la mousse médiatique, cette opération politique soulève quelques questions et appelle quelques commentaires…
1. Le créneau politique de Macron, le « néo-libéralisme », selon tous les observateurs de la vie politique, c’est 5 % des électeurs, essentiellement parmi les winners…
2. Le créneau est déjà largement occupé puisque, en gros, du P.S. à la droite de LR, le programme est « néo-libéral » ou, dit autrement, promeut une « politique de l’offre »…
3. Le « parti » politique de Macron, « En marche ! », c’est une camarilla de visiteurs de son site dont on a vu quelques exemplaires à la maison de la Mutualité le 12 juin ou faisant les cages d’escalier devant les caméras des chaînes de télévision complaisantes. Ils prétendent être 50 000 et avoir rencontré 100 000 personnes… Blagounette à destination des media qui se gardent bien de vérifier… Tous ces jeunes gens « bien nés », sortis de l’IEP ou quelque école de commerce rappellent, en son temps, ceux qui soutenaient Jean-Jacques Servan-Schreiber voire Valérie Giscard d’Estaing.
4. Macron laisse à entendre qu’il démissionne pour préparer sa candidature à la présidentielle de 2017… Admettons… Mais, alors, à qui va-t-il prendre des voix ? Ceux qui entendent son discours ne se comptent pas dans les abstentionnistes traditionnels des quartiers populaires… Il n’est pas certain que le petit Emmanuel soit très populaire parmi ce qui reste d’adhérents au P.S. En d’autres termes, dans la petite bourgeoisie dite « intellectuelle », il n’est pas sûr qu’il fasse un malheur. Alors quoi ? Les beaux quartiers… Ceux qu’il fréquente depuis que, sorti de l’ENA, dans « la botte » (Inspection des finances), il a officié chez Rothschild… Mais, même ceux-là, à qui il est incontestablement sympathique, ont déjà pléthore de candidats dont un jeune et fringant Bruno Lemaire et ne voudront, pour la plupart, pas mettre en danger la victoire de leur camp. Le classique coup du « vote utile » fonctionne aussi à droite…
5. D’où il ressort que le proche avenir d’Emmanuel Macron risque fort de ressembler à une traversée du désert. On sait que d’autres avant lui ont vécu une telle épreuve et ne vivent qu’une fois tous les cinq ans… François Bayrou, par exemple. Mais il faut durer – n’est pas Charles de Gaule qui veut – et il n’est pas certain que le « jeune homme ambitieux » ait le cuir assez tanné pour ça.
6. Une thèse séduit… La vie politique est pleine de ces petites opérations type « billard à trois bandes » qui, au travers de coups de pouce à l’endroit de tel ou tel, a pour unique but d’affaiblir l’adversaire. Est-il si absurde d’imaginer que celui qui fut le très proche conseiller de François Hollande… roule pour François Hollande, autrement dit que sa candidature « à la magistrature suprême » n’affaiblisse les adversaires de F.H., adversaires de droite, s’entend, puisqu’on voit mal les électeurs écolos ou mélenchonistes être tentés par les sirènes macronniennes… Sans doute est-ce là une variante de la « théorie du complot » qui peut sembler quelque peu tirée par les cheveux mais si l’on fait crédit à Emmanuel Macron de n’être pas forcément stupide, il ne peut être arrivé à une autre conclusion que la chronique d’un échec annoncé. Si cette thèse devait être rejetée, la seule autre possible est qu’il est affecté par un syndrome mégalomaniaque qui échappe, par définition, au « cercle de la raison »…
S’il n’est pas question de revenir ici au Burkini, je note qu’une partie de la gauche tendance « Indigènes de la République » fait déjà procès à Jean-Luc Mélenchon de ses positions laïques et l’assimile à Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy et quelques autres illuminés de l’identité. Ainsi a-t-on pu lire ceci sur un blog qu’héberge Mediapart (https://blogs.mediapart.fr/bobbydude/blog/260816/burkini-retour-sur-une-polemique-aux-confins-du-droit-et-de-labsurde) :
« De « laïcité-liberté », la laïcité devient ainsi progressivement une « laïcité-répression », instrumentalisée à des fins politiques. Les responsables politiques (de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen en passant par Manuel Valls et Nicolas Sarkozy) qui, aujourd’hui, se posent en protecteurs de la « laïcité républicaine » prétendent agir en faveur de la coexistence de toutes les religions. En réalité, ils ne font qu’accroître les tensions religieuses dans notre pays, à travers des déclarations et des actes guidés par des préoccupations électoralistes : ces déclarations, ces actes stigmatisent, en pratique, la religion musulmane et ceux qui en sont adeptes. »
Dans la même série et en provenance des mêmes, ça les gratouille que JPC (Jean-Pierre Chevènement) soit nommé à la tête de la Fondation pour l’islam de France. Et les arguments volent haut : JPC n’est pas musulman ! Ce serait un laïcard, limite raciste… Rien de bon à attendre de ces gens-là. Ils exècrent la laïcité, leur modèle est celui de la cohabitation des communautés de type anglo-saxon, mais pas seulement. S’il est bien un domaine où la France fait figure d’exception, c’est bien celui-ci. Il suffit pour s’en convaincre de comparer avec nos voisins anglais dont la Reine est chef de l’Église anglicane, de nos voisins allemands où chacun se voit prélevé un impôt nourrissant l’église de son choix, etc. Oui, il y a bien une « exception française » et il faudra bien que tous ces gens s’y fassent. Sarkozy, en son temps, s’y est brûlé les ailes lorsqu’il a crû bon affirmer au Latran en décembre 2007 que « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance. »
Et pendant que nos media ont pour Macron les yeux de Chimène*, l’actualité internationale passe à la trappe. Difficile, en effet, de considérer comme une « information internationale » la sanctification ce jour de la petite sœur des pauvres de Calcutta dont le seul aspect sympathique fut ses doutes quant à l’existence de Dieu. Pour le reste, elle fut une opposante farouche à la contraception et, évidemment, à l’avortement – « le plus grand destructeur de la paix » –, entre autre caractère éminemment progressiste du personnage… Il est dit d’elle dans quelque ouvrage difficile à trouver (« Mother Teresa : the untold Story », Aroup Chaterjee, Ed. Fingerprint) qu’elle ne fut pas qu’un exemple, qu’elle glorifiait la souffrance en ce qu’elle rapprochait de Jésus-Christ, moyennant quoi elle répugnait à donner de l’aspirine aux enfants…
* France inter l’a invité ce jour pour la première de son émission politique du dimanche soir, émission présentée par Nicolas Demorand, ex co-directeur de Libé de 2011 à 2014, revenu sur France inter pour cause de motion de défiance de la rédaction de Libé. Pour ceux qui veulent voir ce morceau de bravoure, c'est ici.
Et, donc, on parle peu ou pas de l’offensive turque en Syrie, offensive dont on sait qu’elle est essentiellement dirigée contre les kurdes en passe d’aboutir à bouter Daesh et à créer ce qui pourrait devenir un Kurdistan à la frontière turque… Et on parle encore moins, ou si peu, de la répression que mène le « Sultan d’Ankara », suite du putsch manqué – sur lequel il n’est pas interdit de s’interroger –, Erdogan qui vient de libérer 30 000 prisonniers de droit commun pour faire de la place dans ses prisons. Il va sans dire que les places ne sont ainsi libérées que pour y mettre les opposants de tout poil, démocrates, kurdes, etc. D’ici à ce que l’on se retrouve avec une vague d’immigration semblable à celle que nous avons connue avec l’Algérie de la « sale guerre »… Peu de commentaires également sur la rencontre Erdogan-Poutine. Une fois encore, le « joueur d’échecs de Moscou » a deux coups d’avance. La Turquie, membre de l’OTAN faut-il le rappeler, se rapproche de la Russie honnie de la caste néo-conservatrice qui œuvre à Washington, à Paris et dans bien d’autres capitales. On se demande vraiment où ces gens-là ont appris à raisonner et quelle vision géostratégique sous-tend leur action. Gribouille n’est pas loin… et Poutine l’a bien compris. Il avance ses pions, fait des sacrifices mineurs quand il le faut – la rencontre avec Erdogan met fin au froid polaire qui s’était installé après que l’armée turque a abattu un avion russe à la frontière syrienne le 24 novembre 2015 – tandis que l’Europe gesticule en Ukraine où s’installe le chaos qu’entretient Poutine sur son flan est, sans parler de l’annexion, sans coup férir, de la Crimée où, faut-il le rappeler, la Russie a sa base de Sébastopol…
On pourrait enfin souligner que la semaine a été marquée par la destitution de Dilma Roussef qui paye là tout à la fois la corruption dont le PT n’a pas su se mettre à l’abri quand, comme tous les autres avant lui, il ne l’a pas encouragée et la revanche de la caste qui dirige le Brésil depuis toujours et n’a jamais, pour une large fraction d’entre elle, admis de devoir partager le pouvoir. La crise des matières premières et les conséquences sur le Brésil, la difficulté qu’a connu dès lors le PT de poursuivre sa politique de redistribution, a fait le reste. Le motif trouvé pour la destituer ferait presque sourire tant chacun convient qu’arranger la présentation des comptes publics est œuvre commune et partagée de tous les gouvernants… Quant à ceux qui ont voté la destitution, dont le premier d’entre eux, Michel Temer, c’est peu dire qu’ils trimbalent des montagnes de casseroles à côté desquelles celles de Dilma font figure de pêché véniel… Tout ceci dans un contexte de recul général de la gauche sud-américaine et retour sur le devant de la scène de tous les libéraux, grands amis des USA.
Ainsi va le monde en cette semaine.
@ suivre…
P.S. : quiconque, un peu au fait de la vie politique, aura reconnu dans le titre de cette chronique la "petite phrase" prononcée par Martine Aubry en septembre 2015 lors de sa conférence de presse de rentrée à Lille après qu'E.M. s'en soit pris au statut de la Fonction publique qu’il avait jugée inadéquat.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 61 autres membres