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La recomposition est engagée

Dimanche 21 mai 2017

 

Sujets traités :

  1. Un nouveau gouvernement et des législatives en vue
  2. Deux bonnes nouvelles
  3. Moyen-Orient : les grandes manœuvres continuent

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  1. Un nouveau gouvernement et des législatives en vue

Sans surprise et comme annoncé la semaine dernière, c’est bien le maire du Havre, Édouard Philippe, ci-devant grand ami d’Alain Juppé, à qui Emmanuel Macron a confié la tâche de constituer le premier gouvernement de son mandat. En fait, ceci est une fiction à l’usage des gogos car il va de soi que, sous la Ve République et sauf cohabitation, c’est bien le Président de la République qui constitue le gouvernement et le 1er ministre qui exécute.

 

On passera par pudeur sur le suspense qui s’en suivit, c’est-à-dire des chaînes d’infos en continu qui ont meublé des heures durant, s’interrogeant longuement sur les chances de tel ou telle de se voir confier un ministère, et lequel… Tout ceci ne venant que renforcer la « Macronmania » de tous ces médias pour qui la déontologie de leur métier est décidemment rangée au rayon des accessoires désuets.

Outre, donc, un 1er ministre issu des rangs de LR, que dire de ce gouvernement ? D’aucuns veulent y voir un gouvernement « pluriel », entendez de gauche et de droite, d’autres, plus sérieusement, y voient le contour d’une nouvelle majorité politique qui regrouperait la « droite de la gauche », le centre et la « gauche de la droite », c’est-à-dire, peu ou prou, tout ce que le libéralisme et son ombre, l’européisme, comptent de supporters. Ce n’est évidemment pas faux même si, on le sait bien, comme tout gouvernement mis en place à l’issue d’une élection présidentielle, ce gouvernement a un but et un seul, dans l’immédiat : assurer une « majorité présidentielle » à l’Assemblée nationale.

De ce point de vue, nul doute que l’opération a quelque chance de réussir. Outre le fait que, comme d’habitude, il est dans la logique de l’inversion du calendrier de sanctifier aux législatives le choix fait à la présidentielle, le fait pour Emmanuel Macron d’avoir promu quelques « prises de guerre » ne sera pas sans effet. De ce point de vue, outre Édouard Philippe lui-même, comment ne pas souligner que les clés du coffre, autrement dit Bercy, ont été confiées à deux ministres de la même famille politique, LR, à savoir Bruno Le Maire et Gérald Darmanin. Il se dit en outre que NKM se serait bien vu ministre de la Défense…

 

Outre ces deux « prises de guerre », celle qui fit sensation fut bien sûr Nicolas Hulot, l’écolo préféré des français. Comment celui qui déclarait il y a peu « Jean-Luc Mélenchon, c’est le seul qui a bossé sur l’écologie. C’est celui avec lequel j’ai le plus de plaisir à dialoguer, c’est même lui qui m’en apprend, notamment sur la mer. Ah ça, quand il bosse Mélenchon, il ne fait pas semblant », comment celui qui est favorable à l’abandon du nucléaire fera affaire avec un premier ministre dont les états de service chez Areva montrent à tout le moins qu’il ne partage pas ses vues, c’est un mystère. Sera-t-il, comme on peut le penser, le « dindon de la farce », sa nomination n’ayant pas d’autre vocation que d’envoyer un message subliminal aux écolos de tout poil destiné à leur montrer que Macron n’est pas hostile à l’écologie même si son programme n’en dit mot ? On peut néanmoins penser que le prix de ce ralliement sera la fermeture de Fessenheim et que l’objectif nécessairement lointain associé à la conférence de Paris sur l’avenir de la planète de parvenir à 50 % d’énergies renouvelables pourra s’accommoder de cinq années de « petits pas », la fermeture des centrales étant un problème aujourd’hui sans solution technique. Quant à Notre-Dame des Landes et son aéroport qui est un autre point de fixation, on peut penser que se dessinera une solution que l’agrandissement de l’actuel aéroport de Nantes pourrait dessiner. Ce ne serait quand même pas la première fois que l’on s’assoit sur le résultat d’un référendum dans ce pays…

 

Pour le reste, ce gouvernement dessine une recomposition du paysage politique qui ressemble à une clarification puisque, nombreux sont ceux qui le reconnaissent mezza voce, rien de fondamental ne différentie les libéraux du PS, les centristes et cette partie de la droite qu’Alain Juppé regroupe. Dans un tel paysage, restent orphelins tous les vieux qui ont porté Fillon et cette droite de LR qu’incarne un Laurent Wauquiez dont le discours xénophobe n’a pas grand chose à envier au FN.

Et comme, justement, côté FN, la « ligne Philippot » et son échec évident lors de la présidentielle est sur la sellette, il semble bien que l’heure soit venue de réorienter le parti. Marine Le Pen a déjà commencé à ouvrir quelques portes à cet effet via une autocritique sur TF1 et on peut penser qu’une fois les législatives passées, leur résultat décevant constaté, quelques couteaux sortiront de leur fourreau, des têtes tomberont, la ligne de sortie de l’euro aura du plomb dans l’aile…

 

Côté LR, après la défaite de Fillon et le ralliement à Emmanuel Macron de Le Maire et Darmanin, l’heure est à la méthode Coué. Celui qui est en charge de conduire le parti, François Baroin, fait le job. Mais d’aucuns disent que, par delà les objectifs affirmés – obtenir la majorité le 17 juin et obliger Emmanuel Macron à cohabiter – peu y croient vraiment. L’objectif réel est de sauver les meubles sachant que nombre de LR élus seront Macron-compatibles, autrement dit susceptibles de servir de force d’appoint à LREM (Les Républicains En Marche) à l’Assemblée nationale.

 

Au PS, nul ne se fait d’illusions sur le sort qui attend les candidats investis par le parti. Là aussi, on fait semblant. Dans les faits, rares sont ceux qui ne sont pas prêts, eux aussi, à rejoindre la « majorité présidentielle ». Le seul intérêt de leur candidature est d’affaiblir la gauche, la seule qui reste, celle représentée par FI, le mouvement constitué autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Là aussi, histoire de motiver les troupes, on esquisse l’horizon d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale. Si les candidats investis par le mouvement bénéficiaient du même nombre de voix que celui obtenu par JLM dans leur circonscription, FI pourrait être au 2nd tour dans 78 % des 577 circonscriptions. Mais on sait bien que, quelles que soient les préventions que l’on peut avoir quant au « triomphe » d’Emmanuel Macron, la participation aux législatives qui suivent une présidentielle est en général significativement inférieure et, qu’en outre, la dynamique créée par l’élection présidentielle pèse dans nombre d’esprits de ces français qui se disent, un peu naïvement sans doute, qu’il faut lui laisser sa chance…

 

Par ailleurs, comment faire l’impasse sur les divisions qui se sont fait jour à l’occasion des investitures. Le PCF, quoique moribond, et parce que sa survie en dépend, a fait le choix de refuser l’accord minimal qui lui était proposé. Pierre Laurent, son secrétaire national, a choisi de faire fuiter via Le Canard Enchaîné un SMS peu amène qu’il a reçu de Jean-Luc Mélenchon : «  Vous êtes la mort et le néant. (…) Dix mois pour ‘’me soutenir’’, dix minutes pour soutenir Macron. Je vais donc annoncer notre rupture politique dès mon retour à Paris. Et je vais dire pourquoi  ». En foi de quoi et dans nombre de circonscriptions, il y aura des candidats du PCF contre des candidats FI avec le risque, évident, que les quelques points recueillis par ceux du PCF empêchent ceux de FI d’être au second tour.

 

S’agissant de Jean-Luc Mélenchon lui-même, on sait qu’il a choisi de se présenter sur la 4ème circonscription de Marseille, celle tenue jusqu’alors par Patrick Mennucci, en plein cœur de la ville avec une population « bigarrée », populaire, disposant de peu d’argent. On notera cette bizarrerie qui voit les médias ayant reproché en son temps à Jean-Luc Mélenchon d’être allé se présenter à Hénin-Beaumont en 2012 face au FN et y échouer lui reprocher aujourd’hui de ne pas le refaire… Ces gens-là ne sont pas à une incohérence près.

Rappelons que Jean-Luc Mélenchon n’a pas choisi cette circonscription tout à fait par hasard puisqu’il y a obtenu 39 % des voix au 1er tour de la présidentielle. Un sondage réalisé cette semaine par IFOP-Fiducial auprès de 602 électeurs montre que son pari est en bonne voie puisqu’outre les 38 % qu’il obtiendrait au 1er tour ce même sondage teste deux hypothèses de 2nd tour dont il sort chaque fois vainqueur : en cas de duel avec Corinne Versini, la candidate de LREM, JLM l’emporterait avec 53 % et si cela devait être contre Patrick Mennucci, le candidat du PS, ce serait avec 61 % des voix.

 

 

On peut certes se réjouir de ce résultat et néanmoins rester lucide : il est très peu probable que FI gagne son pari nationalement. Autrement dit, dès lors que l’on a compris que via les élus de LREM dûment estampillés comme tel, leurs ralliés potentiels venant tant du PS – tels Manuel Valls, Jean-Marie Le Guen et Myriam El Khomri – que de LR ou de l’UDI – tels Franck Riester, Thierry Solère et Yves Jégo – qui ne se voient opposés aucun candidat de LREM là où ils se présentent (il y a 55 circonscriptions dans ce cas. Voir ici), la question est de savoir qui va incarner l’opposition au gouvernement de « majorité présidentielle ». C’est cela qui se joue et c’est ce qui explique que ceux qui sont en charge de la stratégie de la France Insoumise aient décidé de ne pas refaire ce qui s’est passé après 2012 avec le Front de Gauche qui a été incapable de constituer un bloc solide, identifiable, autrement dit dans lequel ceux qui s’opposent à la politique libérale du gouvernement sur des idées humanistes pouvaient se reconnaître. Inutile de dire que, de l’autre côté de l’échiquier politique, la question se pose à peu près dans les mêmes termes. Que restera-t-il de LR une fois les ralliements opérés et comment le Front national va-t-il évoluer pour capter ces orphelins…

 

  1. Deux bonnes nouvelles

La première, c’est la libération de Bradley Manning, emprisonné en 2010 dans les geôles étatsuniennes, devenu depuis Chelsea Manning, qui fut à l’origine de la mise sur la place publique internationale via Wikileaks de documents militaires classifiés, notamment sur la mort de civils durant la guerre d’Afghanistan et d’une vidéo montrant une bavure de l’armée US en Irak. Il fut pour cela condamné en 2013 à 35 ans de prison. Sa libération cette semaine est en partie due au fait que Barak Obama a choisi de commuer sa peine juste avant de quitter la Maison Blanche.

 

L’autre bonne nouvelle, c’est l’abandon par la justice suédoise des poursuites engagées contre Julian Assange, cet emblématique « lanceur d’alerte » australien que les USA voudraient voir jugé chez eux suite, là aussi, à la masse considérable de documents classifiés qu’il a publié via Wikileaks qu’on le soupçonne d’avoir fondé. On sait que l’homme est réfugié dans l’ambassade d’Équateur à Londres depuis juin 2012 et qu’en dépit de l’abandon des poursuites par la Suède, la justice anglaise entend qu’il réponde d’infractions commises sur le sol britannique. En effet, le simple fait de s’être réfugié dans les locaux de l’Ambassade fait qu’il a rompu les conditions qui présidaient à sa liberté surveillée d’alors. On comprend sans mal que ce qui a motivé son asile à l’Ambassade était de voir exécutée son extradition en Suède, dans un premier temps, puis aux USA ensuite. De ce point de vue, même si les charges britanniques retenues contre lui aujourd’hui sont bénignes, ce qui pose souci c’est évidemment que la Grande-Bretagne ne se saisisse de lui pour ce motif ridicule, le condamne à une peine symbolique n’ayant d’autre objet que de lui permettre ensuite de répondre à la demande d’extradition des USA. Julian Assange voit donc son affaire s’arranger en Suède mais l’affaire n’est pas finie. C’est avec ce genre d’histoires que l’on mesure qu’il ne fait pas bon déplaire à l’Oncle Sam… C’est évidemment le message que celui-ci veut que tous ceux qui seraient tentés de suivre la même voie entendent : quelle que soit la gravité des faits dont vous pouvez avoir connaissance, il vous en cuira d’en faire l’étalage public. Fermez-là !

Pour ceux qui veulent en savoir davantage, c’est ici

 

 

  1. Moyen-Orient : les grandes manœuvres continuent

Pendant qu’un des derniers bastions des « rebelles » syriens tombe aux mains de l’armée de Bachar El Hassad aidé en cela, on le sait, par l’aviation russe et la présence au sol de militaires iraniens, alors que le président de la République islamique d’Iran, Hassan Rohani, se voit reconduit pour un second mandat, Donald Trump est en visite dans le délicieux pays des droits de l’Homme, le pays dans lequel on lapide allègrement la femme adultère (quand on ne lui coupe pas la tête dans la rue), l’Arabie Saoudite que l’on sait être le centre de formation et de financement d’officines terroristes telles Al Qaïda, Daesh et ses satellites disséminés sur plusieurs continents dont le nôtre.

 

« Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples » a écrit Charles de Gaulle dans ses Mémoires de Guerre à propos d’un contexte qui a peu à voir avec la situation actuelle (les suites de l’intervention du Canal de Suez). Le Général, à qui on peut difficilement contester la hauteur de vues ne disait cela, bien sûr, que pour mieux montrer l’inanité de la proposition qu’il s’empressait de compléter par « Je savais qu'au milieu de facteurs enchevêtrés, une partie essentielle s'y jouait. Il fallait donc en être. » C’est sans doute avec cela en tête qu’il faut apprécier la visite de Donald Trump à Ryad. Après le refroidissement des relations établies durant le double mandat de Barak Obama, l’heure serait donc venue du réchauffement. Les esprits simples ne manqueront pas de souligner qu’outre le « tapis rouge » et « l’accueil royal » qui l’attendait à la sortie de l’avion, les 380 milliards de dollars de contrats ont dû être appréciés par les grandes entreprises bénéficiaires dont, en particulier, les 110 milliards pour le seul complexe militaro-industriel US. Au passage, on peut penser que l’industrie militaire française qui avait si bien réussi sous François Hollande va probablement être amenée à déchanter suite à ce « réchauffement » et ses mirifiques contrats… Certains ne manqueront pas d’évoquer également que Donald Trump vient aussi, en partie, pour se faire pardonner les propos anti-islam qui ont émaillé sa campagne, sans parler de ses fameux décrets… Mais par delà ces « affaires », ces postures à destination des américains les plus incultes, se cachent évidemment des raisons stratégiques beaucoup plus sérieuses. En cause, la position de l’Oncle Sam envers l’Iran, l’ennemi juré de l’Arabie Saoudite, ses relations avec Israël qui tient l’Iran pour l’ennemi principal, l’avenir de l’Irak actuellement dominé par des sunnites et celui de la Syrie soutenue militairement par l’Iran chiite et la Russie, sans parler du problème palestinien qui complique tout et dont le règlement tient du serpent de mer tant qu’Israël aura à sa tête l’extrême-droite. Bref, un « terrain de jeux » à côté duquel le jeu de go ou le jeu d’échecs ne sont qu’aimables jeux d’enfants. Une partie de l’avenir du monde se joue dans cette région. Le terrorisme et la lutte qui est menée contre lui, lutte que l’on pressent sans fin, ne sont pas sans lien avec tout cela. Le « monde arabe » est une fiction, recouvrant des pays d’une diversité aussi grande que l’espace qu’il occupe (Indonésie, Pakistan, Afghanistan, Turquie, Maroc, Iran, etc.) regroupe des cultures au moins aussi éloignées que ne le sont celles que recouvre « l’Occident » dans lequel on mêle allègrement les USA, les pays européens et… le Japon. Ne lire le « monde arabe » qu’avec pour seule grille de lecture la religion – sunnites vs chiites, par exemple – est certes commode mais erroné ou, en tout cas, souvent bien insuffisant. Ceux qui sont en charge de nous informer et a fortiori ceux qui nous gouvernent seraient bien inspirés de tenter de lever le voile et de raisonner avec plus de hauteur de vues. Nos diplomates français bénéficient, de ce point vue, d’une tradition qu’il serait malvenu de malmener ou d’ignorer. Hubert Védrine en fait souvent la démonstration… François Hollande et ses subordonnés s’en sont hélas souvent affranchis, quand ils n’ont pas choisi de lui tourner le dos, de la piétiner en la méprisant, menant souvent une « politique de gribouille » aussi unilatérale que contre-productive. Dans un « Orient compliqué », ce ne fut pas là la moindre des erreurs commises et il n’est malheureusement pas certain que l’équipe qui se met en place consente à réviser cela.

 

@ suivre…

 

 



22/05/2017
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