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J-7...

Dimanche 30 avril 2017

 

Sujets traités :

  1. Sociologie d’un vote : le 1er tour du 23 avril 2017
  2. L’entre-deux tours…

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  1. Sociologie d’un vote : le 1er tour du 23 avril 2017

Chacun le sait désormais, le choix donné aux électeurs le 7 mai sera entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen :

 

Comme toujours en pareil cas, sont parues de nombreuses études sur ce vote. En voici quelques unes :

 

 

À noter que ne figurent pas dans ces résultats 11,4 % d’électeurs potentiels qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales (un peu plus de 6 millions de personnes) et que, s’agissant de l’abstention mesurée globalement à 22,2 %, elle concerne 29 % des ouvriers, employés ou jeunes de moins de 24 ans, autrement dit que ces catégories sont sous-représentées. Comme le soulignent Cécile Braconnier et Jean-Yves Dormagen dans Le Monde du 26 avril « L’abstention est un phénomène très largement déterminé socialement. (…) Un retraité, diplômé du supérieur, ayant entre 65 et 70 ans avait 98 % de chances de voter en 2012. À l’inverse, une ouvrière ayant entre 18 et 24 ans, non diplômée, présentait 33 % de risques de s’être abstenue à cette même élection. ». Tout laisse à penser que le phénomène observé par cette étude faite en 2012 a été renforcé avec l’augmentation de l’abstention constatée ce dimanche 23 avril comme en témoigne la participation de 85,3 % dans le centre de Paris contre 60,2 % à St-Denis…

 

 

Quelques cartes ont également tenté de visualiser la situation :

 

 

Hervé Le Bras, compère occasionnel d’Emmanuel Todd, a ainsi produit une carte publiée dans Le Monde du 27 avril selon un procédé déjà utilisé dans « Le mystère français » :

 

 

La carte ci-dessus n’appelle guère de commentaire, elle est plutôt sans surprise dès lors que l’on a suivi le géographe Christophe Guilluy (in Fractures françaises, 2010) confirmant que le vote Macron est un vote des centre-ville, de populations aisées, à l’aise dans la globalisation et, qu’à l’inverse, Marine Le Pen fait ses meilleurs scores dans le nord, l’est et le sud-est de la France, en périphérie des villes, chez les « exclus », là où la désindustrialisation a fait un carnage, chez ceux qui ont été chassés des centre-ville par le coût du logement, par exemple, chez les peu ou pas diplômés. La première carte est plus fidèle à l’ensemble des résultats du premier tour en ce qu’elle met en évidence celui qui est arrivé en tête, quel que soit son rang d’arrivée et, donc, fait apparaître, en rouge, par exemple, là où Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête. Quiconque a un peu de mémoire ne peut manquer de faire le parallèle avec ce que fut naguère la carte du vote communiste dans notre pays… et il n’est pas sans intérêt d’observer la carte du premier arrivé en région parisienne : Paris et ses banlieues aisées pour Macron, les banlieues populaires, pour Mélenchon.

Les tableaux y vont plus finement… Emmanuel Macron fait à peine plus de 15 % dans les catégories populaires (ouvriers, employés) quand Marine Le Pen y réalise plus de 34 % des voix, plus du double ! De ce point de vue, le résultat de Jean-Luc Mélenchon est encourageant (22,7 %) mais bien loin des espoirs entretenus par les Insoumis et que dire du 9,4 % réalisé par François Fillon dans cette partie de la population ? C’est peu dire que LR n’a plus grand chose à voir avec les couches populaires, contrairement à ce que le parti gaulliste réalisait à la belle époque du Général...

Arrêt sur image, recevant Emmanuel Todd et Olivier Tonneau, a publié un graphique assez simple :

 

Ce graphique montre assez nettement en quoi le vote Macron est clairement un vote des CSP+, celui de Marine Le Pen celui des CSP- et Jean-Luc Mélenchon celui des classes intermédiaires, celui qui est le plus équilibré quant à ce critère. S’agissant de la catégorie « retraités », elle a l’inconvénient de mélanger « torchons et serviettes » et nécessiterait une étude plus fine, selon le CSP occupé précédemment en activité…

S’agissant de l’âge, là encore, comment ne pas trouver confirmation dans les chiffres des observations faites dans les meetings : LR est un parti de vieux, 40,6 % chez les plus de 65 ans ! À noter qu’Emmanuel Macron arrive en deuxième dans cette classe d’âge avec 27 % quand, à l’inverse, Marine Le Pen n’y réalise que 9,7 %.

Tout ceci confirme assez clairement qu’Emmanuel Macron est le favori des classes aisées quand Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon arrivent en tête chez tous ceux qui sont en insécurité sociale, les jeunes, les classes populaires. Sur tout cela, le lecteur se reportera avec profit et intérêt à la chronique d’Evariste ici.

  1. L’entre-deux tours…

Dès 20 h, les résultats sont affichés, conformes aux sondages diffusés dans les pays voisins en fin d’après-midi... Sans surprise, les « marcheurs » et les « frontistes » exultent. Emmanuel Macron fait une déclaration de victoire, un discours de victoire de second tour, discours d’une rare nullité qui ne manquera pas de susciter ricanements des uns et inquiétude des autres (voir ici). On apprendra que la fin de soirée se fera pour lui et ses amis à La Rotonde, célèbre brasserie de Montparnasse, rappelant en cela un peu trop la célèbre soirée du Fouquet’s de Nicolas Sarkozy… Du côté des Insoumis, c’est la « soupe à la grimace ». Certes, le score de Jean-Luc Mélenchon est loin des espoirs qu’ils auraient pu formuler un an auparavant, certes le 19,6 % est l’événement politique de ce premier tour mais ils comptaient tellement sur une qualification de second tour que c’est la déception qui prévaut. Jean-Luc Mélenchon fait une déclaration tardive, sombre, la mine des mauvais jours, déclaration qui contraste avec tout ce qui a été donné à entendre sur les plateaux télé auparavant, à savoir le ralliement de toute la classe politique à Emmanuel Macron, à commencer par François Fillon et Benoît Hamon, le grand défait de ce premier tour. JLM explique que ce qui nous est donné à voter au second tour c’est, en gros, « blanc bonnet, bonnet blanc » même si, en écoutant bien, il dit clairement qu’il est hors de question de voter Marine Le Pen (voir ici). Et il annonce pour conclure que les Insoumis seront consultés sur la position à prendre pour le 2nd tour… (le résultat en sera connu mardi 2 mai).

 

C’est peu dire que cette position prend à contrepied tous les tenants du « front républicain ». Dès lors, l’ensemble des « médiacrates », selon l’expression de JLM, n’auront de cesse d’expliquer que refuser de se rallier à Emmanuel Macron c’est, peu ou prou, voter Marine Le Pen et qu’il s’agit là d’une faute impardonnable. Comme si après qu’ils ont passé le temps de la campagne à lui taper dessus ces gens-là avaient la moindre envie de pardonner quoi que ce soit à JLM.

 

Sur les réseaux sociaux, la bataille fait rage. Nul parmi les Insoumis n’envisage évidemment d’aller voter Marine Le Pen le 7 mai mais entre ceux qui sont sur la ligne TSMLP – tout sauf Marine Le Pen – censée être l’incarnation du fascisme des années 30 et ceux qui ne veulent pas refaire le coup du ralliement à Jacques Chirac en 2002 ou à François Hollande en 2012, les avis sont partagés. C’est sans aucun doute ce qui a conduit JLM à ne pas se prononcer. Quel qu’ait été son avis – et nul ne doute qu’il en ait un et qu’il est vraisemblablement de voter Macron – l’afficher, c’est prendre le risque de diviser le mouvement. À la veille de législatives importantes et nullement jouées d’avance, courir ce risque pour complaire à la bien-pensance serait tout à fait contre-productif.

 

Si l’on se place dans le cadre de la philosophie « utilitariste », la question est de savoir quelle est la stratégie à adopter lors de ce second tour. Un constat d’abord, sur la base des reports de voix tels que mesurés à la sortie des urnes, on a :

 

Les sondages, ensuite, qui confirment qu’en dépit d’une campagne de second tour très faible du candidat Macron, rien de décisif ne se passe depuis dimanche dernier :

 

 

En d’autres termes, pas plus qu’en 2002, il n’y a le moindre risque de voir Marine Le Pen gagner le 7 mai. Le ralliement de Nicolas Dupont-Aignan ne change rien à l’affaire et, par ailleurs, on peut légitimement douter du poids réel des consignes de vote des hommes politiques tant leur discrédit global est certain.

Et, donc, pour revenir à l’utilitarisme, théorie philosophique conséquentialiste qui évalue une action ou une règle uniquement en fonction des conséquences escomptées (Jeremy Bentham, John Stuart, John Stuart Mill), que vaut-il mieux : Emmanuel Macron élu avec 80 % ou 60 % des voix ? Emmanuel Macron n’a de cesse de répéter qu’il n’entend faire aucun compromis sur son programme libéral. En d’autres termes, la politique qu’il a conduite avec François Hollande sera poursuivie et aggravée. Politique de l’offre à tous les étages – cadeaux aux entreprises et aux classes aisées via, par exemple, l’exonération des revenus mobiliers de l’impôt sur la fortune – flexibilisation accrue du marché du travail – loi El Khomri en pire – suppression de 120 000 postes de fonctionnaires – dont il se garde bien de préciser la nature – acceptation de la domination de l’Allemagne en Europe, suppression de la taxe d’habitation qui conduira à l’asphyxie des collectivités locales, etc. On peut donc, sans crainte de se tromper, prévoir une politique antisociale qui aura les mêmes effets que celle qu’il a conduite avec François Hollande et, bien sûr, des résistances à celle-ci. Si l’on veut bien entendre qu’il aura le soutien de ses électeurs de 1er tour (et encore faut-il bien mesurer que nombre d’entre eux ne lui ont porté leur suffrage que dans le cadre d’un vote « utile » contre Marine Le Pen), que ceux de François Fillon lui reprocheront tout au plus de ne pas aller plus avant dans ces mesures antisociales, cela fait un tiers des inscrits et même moins si l’on prend en compte les six millions de citoyens en âge de voter qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales… Du côté de la résistance, vaut-il mieux qu’il sorte du second tour avec 60 % ou 80 % des voix ? On peut penser, après l’expérience Chirac que plus il sera affaibli au soir du second tour, moins il lui sera facile de faire ses mauvais coups et, donc, aller voter, certes, mais blanc ou nul, par exemple, en déposant à nouveau un bulletin Mélenchon…

 

S’agissant de cette première semaine de campagne, ce qui frappe c’est la faiblesse de celle que conduit Emmanuel Macron :

- Dimanche soir : discours triomphaliste et soirée La Rotonde

- Lundi : rien !

- Mardi : visite de l’hôpital de Garches, visite non préparée, déclaration d’amateur sur les « clients » de l’hôpital, etc.

- Mercredi : journée Whirlpool à Amiens. Marine Le Pen se fait acclamer par les ouvriers de l’usine pendant qu’Emmanuel Macron est en réunion à la CCI d’Amiens ce qui le contraint à aller dans l’usine où il reçoit un accueil plutôt frais…

- Jeudi : rien ou presque…

- Vendredi : visite à Oradour-sur-Glane à l’occasion de l’anniversaire du massacre et dans le but évident de dire qu’il faut voter pour lui parce que Marine Le Pen = fascisme…

 

 

Son « premier cercle » sent bien que tout ça n’est pas fameux : François Bayrou prend la peine de rappeler à son favori qu’il lui faut mener campagne ; François Hollande, qui s’est évidemment rallié à son protégé, se croit obligé de faire de même, bref, ça panique un peu et même beaucoup chez les supporters de Macron. C’est qu’ils ont en tête ce qui est arrivé à Hillary Clinton avec, en face d’elle, celui qui était supposé être son meilleur adversaire, autrement dit celui qui était réputé être le plus facile à battre. On sait ce qu’il en advint… Même si les sondages (voir plus haut) ne traduisent nullement un effondrement des intentions de vote, le doute s’installe. Nombre d’entre eux ont envie de se faire peur et de se servir de cette peur qui s’installe pour exercer à l’endroit des électeurs de Jean-Luc Mélenchon un chantage sur le mode « si Macon échoue, ce sera de votre faute, donc votez Macron ! ». En d’autres termes, au nom d’un danger qui n’existe que dans leur imagination, « ralliez-vous ! ».

L’ennui, pour eux, c’est que ce genre d’injonctions est souvent contre-productif et que plus ils en joueront plus ils risquent de faire se raviser un certain nombre de ceux qui, par dépit, dans le cadre d’une morale kantienne de bon aloi – « la morale kantienne est un couteau sans lame auquel il manque un manche » – se préparaient à aller glisser un bulletin Macron le 7 mai.

 

De l’autre côté de l’échiquier politique, chez les Fillonistes, par exemple, l’appel de leur favori dès dimanche 23 avril n’a pas fait que des heureux. Certains, chez LR, l’ont observé d’où leurs « pudeurs de gazelle » à appeler à voter Macron. En vue, la recomposition du parti. Fillon étant out, la question pour eux est de savoir qui va mettre la main sur LR à l’issue… Disons-le, tout ça est à peu près sans intérêt. Ce parti de vieux est en passe de suivre le PCF dans son vieillissement avec la même issue. Emmanuel Macron va faire en sorte que son parti centriste devienne le pivot de la vie politique avec une aile gauche qui est la droite du PS et une aile droite constituée des LR accommodants (NKM…) et l’UDI qui n’a plus aucun intérêt à rester arrimée à LR finissant.

 

Comme il apparaît assez clair qu’En Marche ! est, en dehors de quelques caciques reconvertis tel le maire de Lyon, un rassemblement d’amateurs CSP+, la question des législatives qui suivent reprend des couleurs qu’on ne lui aura pas connues depuis bien longtemps. L’inversion du calendrier, autrement dit le fait que depuis 2001 et le passage au quinquennat les élections législatives suivent désormais les présidentielles, a jusqu’à présent donné lieu à un raz-de-marée de couleur identique au celle du président élu et un laminage voire une totale disparition des autres au point que la composition de l’Assemblée nationale est sans aucun rapport avec la représentativité réelle.

 

Pour mémoire, au 1er tour des législatives de 2012, le FN a obtenu 13,6 % des voix et a eu 2 députés à l’assemblée quand le PS, avec un peu plus du double (29,3 %) en a obtenu 280, c’est-à-dire 140 fois plus… Chacun sent bien que cette fois le scenario risque d’être différent. Sans doute les candidats d’En Marche ! risquent-ils de bénéficier de l’élection de leur champion mais il ne va pas de soi que le phénomène soit de même ampleur d’autant que, sur la base des résultats du premier tour, le nombre de triangulaires voire de quadrangulaires risque d’être important. Ainsi, et si tant est que FI (France Insoumise) reste soudée et retrouve ses voix de 1er tour lors de ces législatives, elle est en situation de se maintenir dans 451 circonscriptions sur 577 (plus de 12,5 % des inscrits). Le système des législatives étant le même que celui des présidentielles – scrutin uninominal à deux tours – ce sont donc 577 micro-élections présidentielles qui se dérouleront en juin et il est bien évident que la situation de chaque circonscription a souvent peu à voir avec la situation d’ensemble. Bref, les grandes manœuvres ont déjà commencé et nous aurons largement le temps d’y revenir le moment venu.

 

@ suivre…

 

P.S. : il va de soi que le prochain billet sera diffusé lundi 8 mai, au lendemain du 2nd tour de la présidentielle…

 



30/04/2017
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