BelcoBlogLM

BelcoBlogLM

8 décembre : on remet le couvert…

Vendredi 7 décembre 2018 

 

 

L’opération « peur sur la ville » menée samedi dernier par le pouvoir n’a pas fonctionné. Et pourtant, tous les moyens, tant policiers que médiatiques, furent convoqués. Seulement voilà, en ces temps de réseaux sociaux incontrôlés, ou en tout cas incapables de contrôler les masses de vidéos postées, les images tournent en boucle et, avec elles, les témoignages des « braves gens » venus, ce samedi 1er décembre, manifester et sitôt enfermés, matraqués, gazés sans que soit pris en compte leur âge, leur attitude pacifique. C’est ainsi que l’on a vu ici cette grand-mère, manifestement désarmée, se faire bousculer puis gazer alors que nulle nécessité d’ordre public ne le justifiait. Que dire de cette opération policière menée dans un fastfood dans lequel s’étaient réfugiés des manifestants, dont un journaliste de Libération, qui se sont fait dûment matraquer, gazer, etc. Et, puis, bien sûr, tourne aussi cette image de snippers policiers placés sur des toits avoisinant les Champs-Élysées dont on ne saisit pas bien le rôle exact mais qui ne lasse pas d’inquiéter. De toutes ces images, les médias mainstream ne feront pas état. Selon une méthode maintenant bien rôdée, ils mettront l’accent sur l’assaut donné par les gilets jaunes sur les « forces de l’ordre » à l’Arc-de-Triomphe et les images qui s’en suivirent, images devant lesquelles la population est invitée à s’indigner. Des voitures, des belles voitures qui brûlent, quelle horreur ! Seulement voilà, des gilets jaunes chantant la Marseillaise autour de la flamme du Soldat inconnu ne sont pas forcément pour déplaire à tous ceux qui, dans l’ensemble du pays, tiennent les ronds-points. Et la charge qu’eurent précédemment à affronter les CRS non plus. De sorte qu’après avoir passé sous silence ce qui s’était passé dans la France entière ce samedi 1er décembre pour ne parler que de ce qui s’était passé sur les Champs-Élysées avec l’espoir de provoquer un électrochoc, BFM, CNews, France 2, TF1, etc. ne purent que constater l’échec de leur opération : la France continue à soutenir massivement le mouvement !

 

 

Il est intéressant de voir le déroulé de la semaine pour mesurer l’état de choc dans lequel sont le pouvoir et ses relais d’influence. Dès dimanche soir, chacun est prié de « condamner » les intolérables violences commises sur les Champs-Élysées par tous ces « casseurs » que l’on présente comme étant d’extrême-gauche ou d’ultra-droite, à moins que ce ne soit l’inverse. Peu de politiques s’y refusent. L’injonction est présentée comme de principe : ne pas condamner, c’est se faire complice voire même encourager, initier ces violences. Ce qui est plutôt croquignolet dans cette affaire, c’est que du côté des Gilets jaunes et plus généralement de cette population qui les soutient, tout le monde se fiche de ces condamnations. Cause toujours, nous on est là, on y reste et on tiendra jusqu’au bout semble dire cette France revêtue de jaune. Quant aux mesures politiques annoncées, elles ne concernent que la seule taxe carbone qui devait s’appliquer au 1er janvier et encore ne sait-on pas bien à ce jour si cette taxe est ajournée de six mois ou un an… Bref, trop peu, trop tard, trois semaines trop tard. Entre temps, les « cahiers de doléances » se sont considérablement étoffés et chacun sent bien qu’aujourd’hui, qu’elle n’est plus qu’un point parmi d’autres, un point quasi marginal. Sont désormais inscrites à l’ordre du jour non seulement des mesures sociales telles que le SMIC à 1300 € net ou le minimum vieillesse à 1 200 €, mais aussi des mesures politiques tel le recours à des référendum, la taxation des GAFA, l’isolation des logements, la fin des délocalisations, le salaire médian pour les élus, la fin des CDD, la fin du travail détaché, etc. Le lecteur intéressé pourra avec profit prendre connaissance ici d’un document trouvé sur l’internet qui montre tout à la fois l’étendue des revendications et, en regard, la faiblesse de la réponse gouvernementale, son asynchronisme, son immense retard.

 

Sur le terrain politique, chacun a en mémoire la visite de Jupiter à la préfecture du Puy-en-Velay. Images désastreuses rappelant en filigrane la « fuite à Varennes ». Un « monarque républicain » qui est devenu, tel Louis XVI en son temps, le point focal de la contestation.

 

https://www.youtube.com/watch?v=qeNT8zwCBeE

 

Le pouvoir est aux abois. Et, comme chaque fois en pareilles circonstances, il se lézarde. Le 1er ministre, réduit depuis le début au rôle de « collaborateur », ne peut jouer le rôle de fusible. Disparaîtrait-il, et c’est très probablement ce qui va se passer, que rien ne serait régler. Emmanuel Macron, ayant choisi de concentrer sur lui l’intégralité du pouvoir, la mettant en scène dès le 1er jour, ne récolte là que ce qu’il a semé.  On se souvient des cris d’orfraies qu’avait soulevé François Rufin avec sa tribune « Lettre ouverte à un président déjà haï » parue dans Le Monde du 4 mai 2017 avec un « Vous êtes haï » répété ad nauseum, 12 fois plus précisément, qui avaient soulevé des torrents d’indignation de la bien-pensance médiatique. « Vous êtes haï, vous êtes haï, vous êtes haï. Je vous le martèle parce que, avec votre cour, avec votre campagne, avec la bourgeoisie qui vous entoure, vous êtes frappé de surdité sociale. Vous n’entendez pas le grondement : votre heure, houleuse, sur le parking des Whirlpool, n’était qu’un avant-goût. C’est un fossé de classe qui, face à vous, se creuse. » Comment osait-il, quelle infâmie ! Que n’entendit-on ? Un véritable crime de lèse-majesté ! (Le lecteur pourra trouver ici les deux tribunes de François Ruffin, celle du 4 mai 2017 publiée dans Le Monde et celle du 26 novembre 2018 publiée dans Libération.) Et aujourd’hui, cette haine éclate au grand jour. L’ensemble de toutes ces « petites phrases », ces « bons mots » sur « ceux qui ne sont rien », ceux à qui il suffirait de traverser la rue pour trouver un emploi, le « pognon de dingue », les « Gaulois réfractaires », etc. toute cette morgue de classe lui revient comme un boomerang. Il se dit dans « les milieux autorisés » que « Le Président vit très mal d’être détesté par les Français ». Sans rire ! On se pince, on pouffe ! On se dit que, décidément, ce type ne comprend rien à rien et que, par voie de conséquence, et en toute cohérence avec la façon dont il a usé du pouvoir, une seule solution lui reste : partir !

 

On n’en est évidemment pas encore là. Mais outre que l’on sent bien que le départ du 1er ministre n’est qu’une question de jours, se fait entendre une petite musique venant de ceux qui ont tout misé sur lui que ce pourrait être là une solution. En tout cas, on voit assez clairement que certains médias commencent à tourner casaque. Conscients sans doute de ce que leur discrédit est à la hauteur de leur compromission avec ce pouvoir honni, l’idée de devoir procéder au « sacrifice suprême », une sorte de gambit du Roi, fait son chemin.

 

C’est que depuis, et outre que la mobilisation des Gilets jaunes ne semble nullement marquer le pas, viennent d’entrer dans la danse les lycéens. Oh, certes, pas ceux de centre-ville, mais ceux de la « périphérie », autrement dit ceux dans lesquels les enfants des Gilets jaunes sont. Et, là, il est clair que le pouvoir a décidé de frapper fort. Il s’agit d’étouffer dans l’œuf cette contestation en lui faisant peur. Ainsi a-t-on pu assister à cette scène surréaliste de lycéens à genoux entourés de CRS, images terribles qui rappellent des heures terribles prises à Mantes-la-Jolie ce 6 décembre (voir ici), images qui tournent sur les réseaux sociaux face auxquelles le pouvoir ne sait comment répondre. Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Christophe Blanquer s’y est essayé ce jour dans la « matinale » de France inter, tentant d’expliquer que ces images devaient être remises dans leur contexte, bla-bla-bla… Peu probable que toutes ces explications convainquent. Elles sont inaudibles parce que, dans ce pays, on ne touche pas à la jeunesse, on ne la traite pas ainsi, elle est sacrée !

 

https://www.youtube.com/watch?v=TnOwLMdYBDs

 

Il est donc probable que loin de rétablir l’ordre, ces brutalités vont alimenter le feu qui couve. Ce ne seront donc pas 200 lycées touchés par le mouvement, mais des centaines d’autres. Et ceci, dans un contexte de fin de 1er trimestre qui fait que, dans les établissements, à ce moment de l’année, on attend Noël, que les conseils de classe sont terminés et que rares sont les enseignants qui parviennent à faire un « contrôle » avant les congés. Une telle période est donc à très haut risque pour le pouvoir. Les lycéens peuvent sans risque pour la suite de leur année scolaire s’adonner aux joies de la contestation. Alors, certes, elle a peu à voir, a priori, avec les revendications des Gilets jaunes, elle porte sur le nouveau Baccalauréat, Parcours-Sup, etc. Mais derrière, et cela a tout à voir, c’est leur avenir dont il est question. Autrement dit, et pour peu qu’ils approfondissent leur réflexion, et ils ne manqueront pas de le faire, ce sont des questions d’une vertigineuse profondeur qui se posent à eux. Quel avenir leur propose-t-on ? Quelles chances ont-ils d’avoir un avenir meilleur que celui de leurs parents ? Et ce que leurs parents leur disent, c’est qu’a priori, si rien ne change, aucune. Il faut donc que ça change et pas seulement sur leur avenir immédiat. Bref, il est probable que loin d’étouffer dans l’œuf cette révolte juvénile, le pouvoir vient de se tirer une balle dans le pied.

 

Pointe donc la journée du 8 décembre. Quatrième jour de mobilisation des Gilets jaunes avec une manifestation à Paris qui sera l’objet de toutes les attentions. La propagande bat son plein. Tout est mis en œuvre pour faire peur. Quiconque ira manifester à Paris ce 8 décembre se met en péril. Et, bien entendu, et par avance, les affidés font savoir urbi et orbi que ceux qui feraient les frais de l’opération ne devraient s’en prendre qu’à eux-mêmes. Autrement dit que si, comme disait Coluche, « ça bave sec », le pouvoir s’en lave les mains, se dégage de toute responsabilité. Singulière dialectique invoquée que de revendiquer d’être le pouvoir et de se refuser d’en assumer la responsabilité… Le mystère est soigneusement entretenu sur la façon dont les forces de l’ordre seront employées. On sait de source policière que samedi dernier, elles étaient déjà quasiment toutes au front. Tout juste le pouvoir peut-il espérer en dégager davantage avec le remplacement par l’armée de celles qui assurent les « gardes statiques ». Mais, bon, au lieu des 60 000 policiers mobilisés, on en aura quelques milliers de plus. On sait aussi qu’au lieu et place d’un dispositif de type « fan zone » employé samedi dernier qui a montré sa totale inefficacité, les forces de police seront appelées à être mobiles. En clair, lâchées dans les rues avec des consignes de fermeté maximale dans la lignée de ce qu’on a déjà vécu la semaine dernière mais en plus intense, en plus féroce. On promet donc de bastonner très fort et sans retenue. On fait savoir aussi que des chars de la Gendarmerie feraient route sur Paris. Toutes ces informations sont évidemment distillées dans un seul but : faire peur, dissuader ceux qui seraient tentés de « monter à Paris » avec l’espoir de voir des rangs clairsemés dans les rues de Paris afin de pouvoir dire, dès dimanche soir prochain que le mouvement reflue…

 

Il va de soi que ce pari est très loin d’être gagné. Car, en admettant même que cette offensive médiatique terrorisante ait quelque effet, il est clair que les manifestations qui se dérouleront ailleurs, sur les ronds-points, aux péages d’autoroutes, etc. ne vont en rien faiblir. Tout porte à croire qu’ils seront massifs et que, quoi qu’il arrive à Paris, l’heure n’est en rien à « plier les gaules », rendre les armes dont, au demeurant, ils ne disposent pas. La fraternité qui s’est nouée en tous ces lieux, la remise en cause du pouvoir, de tous les pouvoirs, ne va pas s’éteindre comme par magie. Et même la perspective des fêtes de Noël, la « trêve des confiseurs », a du plomb dans l’aile. Noël, le Nouvel an, peuvent parfaitement se faire en ces mêmes lieux et, pour beaucoup de ces Gilets jaunes, il n’est pas impossible d’imaginer que ce serait là le meilleur de tous les Noël et de tous les Nouvel an qu’ils ont jamais connus...

 

Nous n’y sommes certes pas. Bien des choses peuvent arriver. En ce nouveau jour de « veillée d’armes », bien malin celui qui peut dire de quoi les deux prochains mois seront faits. Mais, le fait que ce mouvement ne s’essouffle en rien, qu’il agrège de surcroît des contestations nouvelles, que le pouvoir n’a d’autre ressource que de montrer les muscles, qu’il soit dans l’incapacité de convaincre, autrement dit, en fait, de constater sa grande faiblesse, est porteur tout à la fois d’espoirs et de craintes. L’espoir de voir ce pays changer de cap, la crainte de le voir sombrer dans une guerre civile dont on ne sait qui en tirerait bénéfice. Les forces politiques, toutes les forces politiques, sont hors-jeu. Fruit de dizaines d’années de connivence affichée avec les puissants, leur parole est démonétisée et englobe y compris les forces qui ne sont se sont en rien compromises. Ce serait le grand mérite d’une abdication du monarque présidentiel en place que de redonner au débat politique sa noblesse. Tel un De Gaule après le référendum de 69 qui lui fit défaut, on pourrait imaginer qu’Emmanuel Macron rende son tablier ou dissolve l’Assemblée nationale dont l’absence de représentativité n’est plus à démontrer. Autrement dit, quelle que soit l’option choisie, qu’il rende la parole au peuple de ce pays. Ce « gambit du Roi » ou de ses fantassins aura-t-il lieu ou bien, comme on peut le craindre, le pouvoir cherchera-t-il à perdurer dans son être, au risque de plonger le pays dans un chaos total, telle est la question qu’il convient de poser dès maintenant. Il va de soi que quelle que soit l’option choisie, il n’est pas sûr que le pays s’oriente vers un « avenir radieux ». Il est évidemment bien trop tôt pour porter la discussion sur ce point, mais il serait parfaitement inconséquent de ne pas s’y préparer, de ne pas y réfléchir. Il n’est pas interdit d’avoir « un coup d’avance »…

 



07/12/2018
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 61 autres membres