Un tournant ?
Mardi 8 mai 2018
Sujets abordés :
- 1er mai, 5 mai, et ensuite ?
- Pendant ce temps, Macron voyage…
- Accord nucléaire iranien : vers une reconfiguration des alliances ?
- Coupe de France : le choc des extrêmes
=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=
- 1er mai, 5 mai, et ensuite ?
Ce 1er mai était attendu. Dans le climat social qui prévaut, il ne pouvait passer inaperçu en ce qu’il est, chaque année, le témoin de la mobilisation sociale. Celui-ci fut donc scruté tant en ce qui concerne ceux qui y participèrent que ceux qui se firent porter pâles… Au rayon de ces derniers, comme nous l’avions dit, figurent la CFDT, l’UNSA et FO. S’agissant de la CFDT et de l’UNSA, au lieu de se joindre aux cortèges syndicaux, sous leurs banières et avec leurs mots d’ordre, ils firent le choix d’envoyer leurs dirigeants se faire une toile… en foi de quoi, France Inter, qui est toujours à la hauteur de ce que le pouvoir attend d’elle, invita la secrétaire générale adjointe de la CFDT à sa matinale. On croit rêver… Quant à Force Ouvrière, même si son dernier congrès fut un cinglant désaveu de la ligne Mailly – son rapport d’activité ne recueillant qu’à peine plus de 50 % des suffrages – et alors que son remplaçant, jusqu’alors adjoint, Pascal Pavageau, se payait le luxe de voter contre ce rapport, il lui était difficile de se joindre aux manifestations organisées par la CGT, la FSU et Solidaires alors que la direction sortante s’était portée aux abonnés absents. En tout état de cause, même si cette absence de FO est plutôt traditionnelle, le discours d’investiture du nouveau Secrétaire général de FO était suffisamment revendicatif et peu amène à l’endroit du pouvoir pour que l’on comprenne qu’après ce congrès il fallait s’attendre à ce que FO ne suive plus la ligne suivie par Jean-Claude Mailly depuis l’élection d’Emmanuel Macron.
Jean-Claude Mailly et Pascal Pavageau
Dans toutes les principales villes du pays, défilèrent donc des dizaines de milliers de personnes. Mais, dans la manifestation qui donne le “la”, à Paris, on eut droit, en fait, à deux cortèges. Le premier, celui dont les médias parlèrent à l’envi, fut celui de ce que l’on appelle le « Black Bloc », que l’on appelait jadis « Autonomes », autrement dit cette mouvance pseudo-révolutionnaire et vaguement anarchiste qui s’était déjà fait remarquer à l’occasion des manifestations contre la loi El Khomri, cette petite armée de violents qui ne viennent aux manifestations que pour en découdre avec les forces de l’ordre et casser ici des abribus, là des vitrines réputées être emblématiques du capitalisme honni, McDonald's, Banques, etc. Les images qu’ils donnèrent à voir furent à la hauteur des attentes du pouvoir : affrontements violents avec les CRS, incendies de commerces, etc. et, bien évidemment, un désordre total dans la manifestation parisienne puisque cette petite armée était devant le cortège syndical, l’empêchant de progresser des heures durant.
Comme lors des manifestations de 2017, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la façon dont les forces de l’ordre ont géré la situation. Comment ont-elles pu laisser se regrouper et s’installer en tête de manifestation ces hordes toutes de noir vêtues ? Pourquoi ont-elles pu les laisser casser impunément sous leurs yeux ? Et, pourquoi, au lieu de s’attaquer à elles, ces mêmes forces de l’ordre furent-elles enjointes de contrôler certains des paisibles manifestants qui suivaient le cortège syndical ? Le maintien de l’ordre leur appartient et leur expertise en la matière est universellement reconnue. Les « dérapages », la politique de gribouille qui prévaut depuis trois ans ne peut donc être que le fruit d’un choix politique. Et, vu sous cet angle, on comprend bien ce que le pouvoir en place pouvait espérer tirer de bénéfices à voir diffusées des images violentes que le français moyen condamne, à juste titre…
Les commentaires qui suivirent ce 1er mai furent donc, pour l’essentiel, circonscrits à ces violences. Et le premier ministre, se saisissant de cette occasion, ne trouva rien de mieux que de diffuser un communiqué par lequel il déclara « condamner également l'irresponsabilité des discours radicaux qui encouragent de tels agissements », visant ainsi, sans le dire, Jean-Luc Mélenchon et son mouvement, La France Insoumise. Les éditocrates enchaînèrent sur le même mode. Où l’on voit que le nouveau monde macronien a vraiment tout de l’ancien…
On peut penser que ces désordres ne sont pas sans rapport avec ce qui allait suivre, à savoir la manifestation du 5 mai, manifestation destinée à « faire la fête à Macron », convoquée à l’initiative du député LFI François Rufin et de l’économiste Frédéric Lordon. But de la manœuvre : faire peur le 1er mai afin que cette manifestation soit un échec…
Pari perdu, disons-le. La manifestation du 5 mai fut un réel succès. Sous un soleil quasi estival et, en tout cas printannier et radieux, ce sont des dizaines de milliers de personnes qui défilèrent ce 5 mai entre l’Opéra et Bastille. Des jeunes, beaucoup de jeunes, des moins jeunes, voire des vieux… des poussettes, des enfants, des « chars » faisant ironiquement sa « fête à Macron » et, tout ça en rangs très serrés avec du monde dans les rues mais aussi sur les trottoirs, chantant, criant, applaudissant, revendiquant.
Les médias ne purent que reconnaître le succès de cette manifestation et ne trouvèrent comme seule consolation que le maigre chiffre affiché par Occurrence, à savoir 38 900 personnes. On admirera au passage la précision du décompte – à la centaine près – qui le ridiculise d’emblée. Et on s’étonnera une fois encore que cet « organisme indépendant » ne compte que si peu de monde tant est abyssale la différence entre ce qui a été donné à voir défiler et ce chiffre. Mais qu’importe. Tous ceux qui défilèrent savent que l’on était loin, très loin de ce chiffre. La densité, la longueur du parcours, le temps de parcours, tout témoigne que, décidément, Occurrence devrait revoir ses méthodes. Les médias ne purent que glisser pudiquement sur ce hiatus et témoigner du caractère à la fois bon enfant et dynamique de ce défilé qui ne connut, remarquons-le, aucune violence. Les « Black Blocs » étaient sans doute fatigués…
Après cet indéniable succès, se pose la question des suites. On sait que cette manifestation avait pour but de permettre à tous ceux qui ne peuvent se joindre aux défilés traditionnels qui sanctionnent l’agitation sociale actuelle de se manifester, dans l’unité et la diversité. Nul ne doute que ceci corresponde en tout point à ce que Jean-Luc Mélenchon souhaite voir grandir dans le pays. Les leçons de l’échec des manifestations contre la loi Pénicaud ont été tirées. Jean-Luc Mélenchon prend grand soin de ne pas paraître en première ligne, même si ses partisans forment le gros des troupes et que la ridicule tentative de partis s’affichant « de gauche » (Génération.s, NPA, etc.) de se réunir quelques jours auparavant fut misérable (à peine 300 personnes). Il apparaît donc clairement qu’en ce qui concerne la direction politique de ce mouvement de contestation, c’est LFI qui tient le haut du pavé, qui donne le “la”.
Sur le terrain strictement social, deux faits émergent :
1. La grève perlée de la SNCF dure et perdure. La direction a beau s’évertuer à afficher des taux de grévistes ridiculement bas, les faits sont là : les gares, ces jours-là, sont vides et peu de rames circulent. L’unité syndicale est et reste totale, quelle que soit la volonté de l’UNSA et de la CFDT d’en rabattre, le gouvernement fait le choix de ne rien concéder et la réunion qui s’est tenue ce 7 mai à Matignon est venue le leur confirmer : il n’y a rien à négocier. Édouard Philippe se contente d’écouter les différentes organisations pour ne leur donner, pour seule réponse, que de vaines explications sur la réforme qu’il entend mener. Sur ce point, il apparaît également que le gouvernement est dans l’incapacité d’expliquer en quoi la fin du statut des cheminots aurait quoi que ce soit à voir avec les difficultés de la SNCF. Et quels que soient les efforts des médias pour l’aider en ce sens, le message ne passe pas. Tout le pays comprend que le changement de statut de la SNCF n’a d’autre but que de parvenir à sa privatisation et que le changement de statut des cheminots n’a d’autre raison que de préparer cette même privatisation.
2. Pendant que le cheminots tiennent, Air France connaît une série de grèves qui, contrairement à celle de la SNCF qui est de nature défensive, revendique qu’après une période de gel des salaires, qu’après que le groupe a renoué avec les bénéfices (480 M€ au 3ème trimestre 2017) et voit son CA augmenter de 4,2 %, les salariés de la compagnie soient augmentés de 6 %, une partie de cette augmentation étant destinée à rattraper les longues années de vaches maigres. Le PDG d’Air France, Jean-Marc Janaillac, a choisi l’affrontement et, se refusant à toute réelle concession susceptible de mettre fin au conflit, a choisi de faire procéder à un vote électronique des salariés d’Air France sur les maigres avancées qu’il proposait (2 % d’augmentation) tout en mettant en jeu son mandat si sa proposition se voyait refusée. Mal lui en pris ! La réponse des salariés d’Air France fut claire : avec une participation supérieure à 80 %, 55,4 % des votes furent négatifs ! On notera que, dans cette affaire, Laurent Berger, le Secrétaire général de la CFDT, appelait à voter « oui » avec la direction… faisant valoir qu’à ses yeux le conflit d’Air France était pris en otage par les pilotes. Autrement dit, et contre toute réalité, cherchant à monter en épingle la vieille division bien connue entre « volants » et personnels « au sol ». Sans succès manifestement… En sorte que Jean-Mac Janaillac n’eut d’autre choix que de proposer sa démission.
Jean-Marc Janaillac, PDG démissionnaire d’Air France
Ce qui frappe dans ces deux dossiers, c’est que tant le gouvernement s’agissant de la SNCF, que Jean-Marc Janaillac s’agissant d’Air France, laissent perdurer deux conflits hors de toute réalité économique bien comprise. La SNCF perd des dizaines de millions à l’occasion de cette grève sans que l’on comprenne en quoi le changement de statut de la SNCF et des cheminots pourraient en quoi que ce soit pallier ses défaillances et garantir son avenir ; Air France vient, avec le présent conflit, de perdre environ 300 millions d’euros quand la différence entre les 2 % d’augmentation de la direction et les 5 % aujourd’hui réclamés par les syndicats représentent 120 millions d’euros, moins que le montant de l’intéressement annuel (140 millions), autrement dit alors que s’affiche clairement que l’augmentation réclamée est parfaitement compatible avec la profitabilité et la pérennité de l’entreprise. En d’autres termes, dans ces deux dossiers, on mesure que l’on est pas dans la « rationalité économique » mais dans le « conflit de classe ». Ne rien céder est devenu la règle, quoi qu’il en coûte.
De sorte que, même si l’on sait que l’Histoire ne se répète pas, on se prend à tenter un parallèle, cinquante ans après, avec Mai 68. Dans un contexte international certes bien différent, on ne peut s’empêcher de le faire sur le terrain des inégalités. C’est Thomas Piketty, l’économiste que le monde nous envie, qui, dans sa tribune publiée dans Le Monde du 6 mai, nous rappelle que si la période 45-67 fut celle d’une forte croissance, elle fut aussi celle de l’accroissement des inégalités puisque « la part des 10 % des revenus les plus élevés, qui était d’à peine 30 % du revenu total en 1945, s’élève progressivement à 37 % en 1967 » et que, suite aux accords de Grenelle qui sanctionnaient la grève générale d’une augmentation de 20 % du SMIC jusqu’alors stagnant, « le pouvoir d’achat du salaire minimum progresse au total de plus de 130 % entre 1968 et 1983, alors que, dans le même temps, le salaire moyen ne progresse que d’environ 50 %, d’où une très forte compression des inégalités salariales. » On connaît la suite… La « gauche » au pouvoir en 81, le « tournant de la rigueur » de 83 et le retour à l’accroissement des inégalités qui sont aujourd’hui comparables à celles que connut le pays au début du XXe. De ce point de vue, la question qui se pose est donc de savoir si mai 2018 va renverser la tendance, autrement dit si les salariés de ce pays vont être capables de reprendre ce qui leur a été pris depuis 1983 et renouer ainsi avec le « progrès », celui qui fait qu’une population vit mieux qu’auparavant. (Le lecteur trouvera ici l'intégralité du texte de Thomas Piketty.)
Une perspective s’ouvre après le 5 mai. Plusieurs organisations (la CGT, Union Solidaires, le SNESup-FSU, le Syndicat de la Magistrature, Attac, la Fondation Copernic, Femmes Égalité, Convergence pour les services publics, le groupe parlementaire de La France Insoumise, Ensemble, le NPA, le PCF, le PCOF, le Parti de Gauche, Reso, et le Collectif Fête à Macron le 5 mai) se sont réunies jeudi 3 mai au soir pour discuter de cette date. Selon un communiqué, elles « travaillent à une marée populaire pour l’égalité, la justice sociale et la solidarité partout en France le samedi 26 mai ». Cette perspective offerte au mouvement est à plus d’un titre intéressante en ce que, contrairement aux atermoiements connus jusque-là, se réunissent tous les acteurs du mouvement en cours, syndicats, partis politiques et associations diverses. Autrement dit, et pour la première fois depuis bien longtemps, se dessine la possibilité d’une « convergence » qui a tant fait défaut lors du mouvement contre la loi Pénicaud. Il s’agit, à l’exemple de ce qui s’est fait à Marseille il y a peu, de permettre à toute la population, un samedi, dans chaque département, de descendre dans la rue pour affirmer son opposition à la politique menée par le pouvoir. Il n’est pas impossible, en outre, que ce « front du refus » se voit rejoint par diverses organisations, sections syndicales, etc. qui, en contradiction avec leur direction, rejoindraient le mouvement. On songe à la CFDT et à FO, par exemple…
Il va de soi que si cette journée du 26 mai est une réussite, le pouvoir aura quelque difficulté à ignorer le message. Sur le plan institutionnel, rien ne l’en empêche, certes, mais sur le terrain démocratique, celui dont il se plaît à se prévaloir, il faut parfois accepter de faire des compromis. C’est ce que le Général de Gaulle sut faire, en son temps, en mai 68.
- Pendant ce temps, Macron voyage…
Feignant d’ignorer les mouvement sociaux qui agitent le pays, notre président a choisi le terrain international pour se faire valoir. On a donc eu droit à une « visite d’État » aux États-Unis avec force câlins médiatisés entre Donald Trump et Jupiter. Les images furent au rendez-vous. On en retiendra deux…
Emmanuel Macron et Donald Trump plantent un chêne…
Donald Trump chasse les pellicules de Macron
Par-delà ces ridicules images, reste que tout ce voyage fut un échec cinglant pour Emmanuel Macron puisque, sur tous les dossiers qui posaient souci, il se vit opposer une fin de non-recevoir tant sur les sanctions économiques que compte prendre Donald Trump sur les importations d’acier en provenance de l’Europe que sur le maintien de l’accord nucléaire avec l’Iran. Chou blanc, comme on dit. Bien évidemment, les médias de cour se garderont bien d’insister sur cet échec, faisant valoir que le grand mérite d’Emmanuel Macron fut d’essayer…
Autre voyage, autre problématique, la Nouvelle-Calédonie. On sait que suite aux « accords de Nouméa » signés le 5 mai 1998, un référendum d’autodétermination y sera organisé le 4 novembre prochain. Sous réserve d’accord du Conseil d’État, la question posée sera « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » En visite sur « le caillou », notre président dut renoncer à se rendre à Ouvéa, sa présence en ces lieux étant regardée comme une provocation par les Kanaks, et pris bien soin de n’afficher aucune préférence quant au vote. Il se contenta de donner dans le sibyllin, soulignant que « le jour d’après, chacune et chacun aura à travailler ensemble » et que la France « ne serait pas la même sans la Nouvelle-Calédonie ». Une façon de réaffirmer, sans trop le dire, une préférence personnelle pour un maintien en France de la Nouvelle-Calédonie.
Même si les sondages tendent à donner une majorité au « non », d’ici le 4 novembre prochain, bien des choses peuvent changer. Nous nous garderons bien d’afficher ici une préférence quant à l’issue de ce référendum. Une chose est sure, nous sommes assurément sur le Caillou dans le cadre d’un développement séparé que tout dans notre histoire condamne. La République s’accommode par ailleurs mal du « droit coutumier » Kanak et les « caldoches » ont un fonctionnement qui a peu à voir avec nos règles de vie hexagonales. Tout sur ce territoire est affaire de « communautés ». Dans ces conditions, il ne parait pas absurde de voir le Caillou prendre son indépendance. Mais celle-ci ne réglera rien quant aux étranges relations qu’entretiennent les deux « communautés » qui s’affrontent depuis si longtemps et les maigres ressources de ce territoire – le Nickel, pour l’essentiel (6ème producteur mondial) – laissent à penser que, quelle que soit l’issue de ce référendum, les problèmes subsisteront. La « période de transition », celle qui sépare les accords de Nouméa à aujourd’hui, a montré combien le « partage des richesses » et des responsabilités étaient difficiles. Nombre de cadres politiques Kanaks ont, durant cette période, montré leurs faiblesses, usant de leurs nouvelles positions pour promouvoir leur situation personnelle. Bref, ici comme ailleurs, argent et politique entretiennent de bien fâcheuses connections et, loin du « socialisme » affiché, le FLNKS a montré ses limites en usant de pratiques que les cadres politiques caldoches affectionnent. Si la Nouvelle-Calédonie devait prendre son indépendance, il lui faudra trouver des voies de développement propres qui ne suivent pas le chemin pris par tant d’îlots du Pacifique qui, sitôt devenus « indépendants », se sont transformés en paradis fiscaux. Il lui faudra œuvrer à une « réconciliation » qui a fait défaut durant un siècle et demi. Bref, quel que soit le chemin pris au lendemain du 4 novembre, il sera aride et plein de dangers…
- Accord nucléaire iranien : vers une reconfiguration des alliances ?
Donald Trump dira ce jour qu’il fait sortir son pays de l’accord sur le nucléaire iranien. Au grand dam de cinq des six signataires de l’Accord de Vienne (Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne), la seule question qui se pose concerne l’ampleur de ce retrait, autrement dit de savoir s’il se conjuguera avec la reprise des sanctions économiques contre l’Iran. L’échiquier international est donc, à cette occasion, en voie de recomposition puisque les États-Unis n’ont pour seuls alliés dans cette affaire qu’Israël et l’Arabie Saoudite. Quant aux européens, ils se retrouvent de facto aux côtés de la Russie dont ils expliquaient il y a peu qu’elle était le danger principal. Il n’est donc pas sans intérêt de suivre les circonvolutions que suivront les médias pour expliquer que ce qu’il convenait de brûler hier – Vladimir Poutine et la Russie – est maintenant devenu fréquentable. Emmanuel Macron a d’ailleurs prévu un voyage en Russie à la fin du mois, voyage dont on peut penser qu’il a pour but, non de dénoncer les affreuses atteintes aux Droits de l’Homme de Vladimir Poutine mais de participer d’un renversement de perspective avec la Russie. Rappelons pour mémoire que ce dernier vient de se voir confier un quatrième mandat à la tête de son pays avec un score tel – 76,7 % des voix avec 67,4 % de participation – que nul ne doute, par-delà quelques irrégularités électorales constatées ici et là, qu’il sanctionne un réel soutien de la population à la politique qu’il mène. L’intervention russe en Syrie a sans nul doute été la clé permettant de mettre fin à L’État islamique qui se constituait et menaçait de tout emporter. En outre, l’Allemagne d’Angela Merkel, dépendante comme jamais de ses approvisionnements en gaz russe depuis son abandon du nucléaire, a toujours montré une modération qui contrastait singulièrement avec les positions va-t-en guerre de la France. On notera au passage que celui que les libéraux de tous poils encensent, Gerhard Schröder, est un grand ami de Poutine et préside le Conseil d’administration du géant pétrolier Rosneft… En face de ce front à géométrie souple, se constitue un front qui fait de l’Iran l’ennemi à abattre. Israël, pour des raisons géostratégiques locales, craint de voir ce pays l’encercler via une présence au Liban qui ne se dément pas – le Hezbollah vient d’y remporter les élections – et un Bachar El-Assad qui ne peut rien lui refuser après l’aide décisive qu’il a reçue sur le terrain des troupes iraniennes. Quant à l’Arabie Saoudite, selon la règle qui veut que les ennemis de mes ennemis sont mes amis, elle oublie les palestiniens et choisit de faire front avec Israël, l’ennemi juré des pays arabes. Jusqu’où iront-ils ? Les États-Unis disent vouloir se désengager de l’Irak et de la Syrie mais, dans le même temps, accélèrent le transfert de leur ambassade à Jérusalem, s’alignent sur la position d’Israël qui se déclare en guerre avec la Syrie et procède d’ores et déjà à des bombardements en Syrie sur les positions de l’armée syrienne et des troupes iraniennes présentes sur place entre Ohms et Palmyre. Benyamin Netanyahou monte en épingle de soi-disant documents secrets tendant à prouver que l’Iran continue son programme nucléaire et se dit « déterminé à arrêter l’agression de l’Iran tant qu’elle est à ses premiers stades, même si cela implique un conflit », ajoutant un « Mieux vaut maintenant que plus tard. » tout à fait inquiétant. D’une certaine façon, on voit se constituer un front de fous de Dieu – extrême-droite et colons israéliens, néo-conservateurs fondamentalistes chrétiens américains et islamistes saoudiens – capables de mettre le feu à la région et, par voie de conséquence, agissant comme une force déstabilisatrice mondiale. Après notre participation à l’opération militaire US en Syrie, il serait bon qu’Emmanuel Macron, instruit de sa pitoyable visite aux USA, sache, avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, faire une prudente marche-arrière et nous évite l’engrenage dans lequel tous ces gens-là veulent nous entraîner. Les semaines qui viennent devraient nous éclairer. Le pire n’est jamais sûr…
- Coupe de France : le choc des extrêmes
Une fois n’est pas coutume, nous allons ici nous intéresser à ce qui, d’habitude, nous indiffère, le sport et, plus particulièrement, cette épreuve, la finale de la Coupe de France, qui permet de voir s’affronter en ce 8 mai un club vendéen de troisième division, les Herbiers, au champion incontesté de la ligue 1, le PSG. Selon une image convenue, c’est David contre Goliath. Nul ne doute du résultat mais, par-delà le match lui-même, ce qui frappe c’est bien évidemment la disproportion des moyens de chacun des deux clubs : l’un, Les Herbiers, a un budget annuel 270 fois moins important que l’autre (2 M€ vs 540 M€). Quand David paye mensuellement ses joueurs 3 000 €, Goliath paye les siens en moyenne 750 000 €. Quand 46 000 personnes, en moyenne, se pressent au Parc des Princes pour voir jouer le PSG, 1 300 personnes consentent à s’assoir au stade Massabielle des Herbiers… La Coupe de France a ce mérite : permettre à des équipes amateurs de se frotter aux professionnels, permettre aux petits, aux sans-grade, d’affronter les géants, les mercenaires du ballon rond. Aucune équipe amateur n’a jamais réussi à gagner la finale mais qu’une telle occasion puisse leur être donnée fait que cette épreuve est sans doute la seule à mériter de survivre…
@ suivre…
P.S. : il eut été étonnant que fut passée ici sous silence la dernière couverture de magazine à la gloire d’Emmanuel Macron, en l’espèce le très « populaire » Forbes, celui dont le classement des milliardaires fait autorité chaque année... Que le lecteur sache seulement que c’est dans ce numéro que se trouve l’annonce faite par Emmanuel Macron d’abandonner l’exit tax, autrement dit une des rares mesures prises en son temps par Nicolas Sarkozy pour coincer quelque peu les aigrefins qui veulent échapper au fisc après la vente de leur startup. On songe à tous ceux qui ont voté Macron en croyant à son « en même temps de gauche et de droite ». Ils ont l’air malins aujourd’hui…
Mai 68 et les inegalites (Thomas Piketty, Le Monde 6 mai 2018)
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 61 autres membres