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Le macronisme de gauche fait pschitt...

Mardi 18 septembre 2018

 

Sujets abordés :

  1. Une toute petite gauche
  2. Élections européennes : la « gauche » façon puzzle
  3. Les « rebelles » syriens en déroute

 

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  1. Une toute petite gauche

Tambours et trompettes ! Emmanuel Macron, en très grande peine dans les sondages, a entrepris de montrer que son « en même temps » n’était pas un vain slogan de campagne. Aussi, après avoir, une année durant, montré de quel côté il était – « ni de gauche, ni de gauche » – à travers la suppression de l’ISF, la réforme du code du travail, le célèbre « les aides sociales, ça coûte un pognon de dingue », il fallait marquer les esprits.

 

C’est ainsi, donc, que l’on a eu droit à un concert médiatique digne des démocraties populaires d’antan pour nous expliquer tous les bienfaits de ce plan qui a pour objectif, rien moins, que d’éradiquer la pauvreté dans notre beau pays… À cette fin, nous a été vantée la générosité de l’opération : 8 milliards d’euros ! On oubliera de nous dire que dans ces huit magnifiques milliards figurent des dépenses déjà programmées (par d’autres). Ne faisons pas la fine bouche mais observons que, pour atteindre cette somme, le pouvoir use d’une très grosse ficelle consistant à « consolider » les dépenses engagées sur les quatre années à venir. En d’autres termes, il s’agit de deux milliards par an. C’est déjà nettement moins vendeur… D’autant qu’un rapide calcul réduit cette générosité à néant dès lors que l’on calcule la dépense engagée par pauvre et par an. Sur la base de 9 millions de pauvres visés, ça fait 61 cts/jour/pauvre ! Mazette ! On va faire bombance chez les pauvres ! Et encore oublie-t-on au passage qu’une grande partie de cette somme va aller à des organismes de formation ayant pour objectif de ramener tous ces pauvres à l’emploi. Mais de quels emplois parle-t-on ? Si l’on peut effectivement souhaiter que toute cette population dont les fins de mois commencent le 7 du mois retrouve un emploi, retrouvent dignité à travers cela, où sont les emplois ? Là-dessus, silence radio et pour cause…

 

Dans la foulée, la petite astuce de la « consolidation » a resservi à l’occasion du « plan vélos ». Là, on a fait encore mieux puisqu’on nous a annoncé un plan de 350 millions d’euros… sur 7 ans ! En clair, bien au-delà de l’horizon électoral de l’équipe en place et, en fait, de 50 millions/an, autrement dit à peu près rien !

 

Et puis, au rayon « gauche », pour encore moins cher, Emmanuel Macron, sans doute sous l’impulsion de Cédric Villani, a fait dans la repentance en reconnaissant la responsabilité de l’État français dans l’assassinat du mathématicien français communiste, Maurice Audin. Si l’on peut regretter que cette reconnaissance vienne si tard, 61 ans après, on ne va pas pour autant la regretter. On peut seulement penser qu’il eut été de bonne politique de faire, sur ce sujet, un salutaire « en même temps » en reconnaissant également la responsabilité de l’État français dans l’abandon des harkis, supplétifs de l’armée française, aux mains des égorgeurs du FLN. Et, dans la foulée, il eut été bienvenu que cette honte ne se reproduisît pas aujourd’hui avec leurs équivalents modernes que sont les traducteurs afghans qui ont servi l’armée française lorsque celle-ci était en opération d’appui des nord-américains. Comme avec les harkis, on les a proprement abandonnés en les empêchant de venir en France, en les laissant donc aux mains des Talibans. Bref, Maurice Audin, il était grand temps, mais nombre de dossiers attendent et de ceux-là, on ne parle pas.

 

 

Après ces épisodes censés nous montrer que le « en même temps » était une réalité, patatras. Chassez le naturel, il revient au galop… Journée du patrimoine, de nombreux visiteurs dans les jardins de l’Élysée. Notre président, très en forme, s’y fait remarquer en expliquant à un jeune horticulteur qui se plaint de ne pas trouver de travail que, lui, Emmanuel Macron, il lui suffit de traverser la rue pour lui en trouver un (voir ici). Outre que, contrairement à ce qu’il dit, les emplois vacants dans la restauration et le BTP ne sont pas légion, ce qui frappe, c’est l’indécence de la proposition. En quoi un horticulteur est-il formé pour occuper de tels postes ? Emmanuel Macron pense donc, d’une part, que tous ces postes ne nécessitent aucune formation et, d’autre part, qu’une personne formée dans une spécialité doit occuper n’importe quel emploi. Quel mépris pour tous ces millions de gens qui ont un métier, des qualifications !

 

Toujours au rayon « jambe gauche », grand raout à l’Élysée ce mardi pour présenter le « plan Santé ». On connaît le problème, pas assez de médecins et une répartition géographique qui, au nom de la sacro-sainte liberté d’installation laisse sur la touche des pans entiers du pays. On peut prévoir sans peine que sera annoncée la fin du numerus clausus, ou plus précisément une version établie par régions, ce qui promet de grandes heures… Que l’on mettre fin à ce concours absurde à la logique malthusienne, soit, mais l’on sait bien que ce barrage est contourné par nombre d’étudiants qui font leur études, qui en Belgique, qui en Roumanie, par exemple, et reviennent ensuite avec une formation sur laquelle nous n’avons pas la main et sans que nous puissions les empêcher de pratiquer leur art, Europe oblige. Quant à la création de formations d’assistants médicaux, pourquoi pas ? Les dentistes, les ophtalmo, etc. y ont déjà recours. Tout ceci ne résoudra en rien le problème des « déserts médicaux » et renforcera une médecine à deux vitesses. Les urgences seront-elles dès lors moins saturées ? On peut en douter. Bref, des annonces qui ne régleront rien sur le fond. Gageons que, là encore, nos médias applaudiront à tout rompre l’audacieuse réforme…

 

Et puis, passée cette petite crise, toute petite rougeole, arrivent en contrepoint toute une série d’annonces qui montrent bien que l’orientation fondamentale n’a en rien changé. Au nom de la sacro-sainte dette à rembourser, des déficits honnis, vient l’heure des suppressions de postes dans la Fonction publique. Reconnaissons-le, Macron l’avait promis durant sa campagne… L’Éducation nationale est ainsi priée de fermer 1 800 postes (400 chez les administratifs et 1 400 dans les rangs des professeurs du second degré) au moment même où les collèges vont devoir accueillir 32 000 élèves supplémentaires. Pour justifier la mesure, le ministre, Jean-Michel Blanquer, se veut rassurant en expliquant que le nombre d’élèves par classe n’augmentera pas puisque cela sera compensé par, d’une part, l’augmentation du volume des heures supplémentaires et, d’autre part, la mobilisation des professeurs aujourd’hui en sous-service. Tout ceci est évidemment une aimable plaisanterie, et Jean-Michel Blanquer est trop fin connaisseur du système pour s’abuser lui-même, puisque les professeurs font déjà, aujourd’hui, un grand nombre d’heures supplémentaires et que, comme le dit le représentant des chefs d’établissement, il sera très difficile de leur en demander davantage. D’autre part, s’il existe des professeurs en sous-service, ils sont concentrés dans des disciplines tels l’Italien ou l’Allemand, et l’on voit mal comment ces professeurs sauraient se transformer magiquement en professeurs de Mathématiques ou de Physique. En outre, ces professeurs sont déjà, pour la plupart, affectés sur deux ou trois établissements ce qui a le bon goût de leur rendre la vie très difficile. Mais, bon, si un jeune horticulteur peut se transformer en garçon de café, il y a de l’espoir… Enfin, l’annonce de l’augmentation de 850 millions du budget de l’EN doit être relativisée à l’aune de l’augmentation de 2 milliards par an qu’a connu ce ministère durant les dix dernières années. En clair, comme le souligne Jean-Paul Chatel sur France 2, « cela signifie forcément des économies à la clé ».

 

Dans la série « économies budgétaires », à l’heure où la France s’enorgueillit d’accueillir les Jeux Olympiques de 2024, avec l’objectif affiché d’y recueillir 80 médailles, quelle n’a pas été la surprise de la nouvelle ministre des sports, Roxana Maracineanu, sans doute en cadeau de bienvenue, d’apprendre qu’elle allait devoir supprimer 1 600 postes de CTS (conseillers techniques sportifs), autrement dit la quasi-totalité de ces postes. On ne sait dans quel esprit de crâne d’œuf du ministère du Budget a pu naître une telle idée, mais c’est ainsi dans notre belle république, il faut faire rendre gorge à cet État dispendieux, fût-ce au risque d’obérer l’avenir…

 

Dans la même série, que dire de la fin de l’indexation des retraites et pensions sur le coût de la vie. Pour la seule année 2018, alors que l’inflation est de l’ordre de 2,3 %, les retraites seront généreusement augmentées de 0,3 %. En clair, après le 1,7 point de CSG mis en place le 1er janvier 2018, c’est une baisse supplémentaire du pouvoir d’achat de 2 % à laquelle les retraités sont confrontés. Identique sur le fond au gel du point d’indice des fonctionnaires, avec les mêmes effets délétères sur le pouvoir d’achat, cette désindexation est mortifère. L’économie du pays tient pour 60 % à la consommation. Asphyxier ce moteur de l’économie, ce n’est rien moins que programmer des fermetures d’entreprises et, donc, voir le chômage reprendre de plus belle. On notera que, sur ce dernier point, le « journal de révérence » en date de ce jour note qu’« un an après, les ordonnances refondant le droit du travail semblent avoir peu d’impact sur les créations d’emplois ». Étonnant, non ?  

 

Bref, comme on le voit, la « gauchisation » de la macronie n’est ni pour aujourd’hui, ni pour demain. Le lecteur pourra avec profit comprendre un peu mieux la nature du pouvoir en place, ses ressorts, en lisant le dernier ouvrage de Laurent Mauduit, La Caste (Ed. La Découverte). À travers le parcours d’un certain nombre de hauts fonctionnaires de Bercy (Inspection des finances, Direction du Trésor), du Conseil d’État, qui ont, ou pas, fait l’actualité du pays depuis 20 ans, il montre comment cette « caste » – de Michel Pébereau à Daniel Bouton, hier ; de François Pérol à Stéphane Richard, aujourd’hui et dont Emmanuel Macron est la figure emblématique –, a pris le pouvoir elle qui n’a pour seule et véritable ambition que de s’assurer de confortables pantouflages aussitôt suivis de rétro-pantouflages. Il entame son ouvrage par deux citations qui, dans le contexte de la « macronie », résonnent étrangement…

* « Quelle que soit la nature du gouvernement, le pays souffre si les instruments du pouvoir sont hostiles à l’esprit même des institutions publiques. À une monarchie, il faut un personnel monarchiste. Une démocratie tombe en faiblesse, pour le plus grand mal des intérêts communs, si ses hauts fonctionnaires, formés à la mépriser et, par nécessité de fortune, issus des classes mêmes dont elle a prétendu abolir l’empire, ne la servent qu’à contrecœur. » Marc Bloch, L’Étrange Défaite, été 1940

* « Le danger, aujourd’hui, est que la direction des affaires soit accaparée par des oligarchies de compétents, associées […] aux puissances d’argent » Paul Ricœur, préface au livre de Jean Schwœbel, La Presse, le Pouvoir et l’Argent. Paul Ricœur dont Emmanuel Macron aime tant rappeler qu'il en fut un temps l'assistant...

 

  1. Élections européennes : la « gauche » façon puzzle

Le scénario est maintenant bien rôdé : dès qu’arrive un scrutin, chaque officine de « gauche » entend donner de la voix. Le scrutin de mai prochain se prête plus que d’autres à cette multiplicité de candidatures puisqu’il s’agit d’un scrutin de listes nationales à un seul tour à l’issue duquel s’applique une répartition des sièges à la proportionnelle pour toute liste dépassant les 5 %. Cerise sur le gâteau, ces députés ne servent à rien puisque le parlement européen peut bien voter tout ce que bon lui semble sans conséquence puisque c’est la Commission qui a le dernier mot. C’est ainsi que l’on a vu cette semaine ce parlement voter en faveur de l’application de l’article 7 du traité de l’Union européenne contre Victor Orban, le très droitier dirigeant de la Hongrie. Toutes les belles âmes s’en sont félicitées alors que tout le monde sait que cela n’aura pas le moindre effet puisque, in fine, la Pologne s’y opposera…

 

Le scrutin de mai prochain aiguise donc les appétits d’un grand nombre d’officines dont le grand nombre d’adhérents n’est pas forcément le trait distinctif : le PS, le PCF, EELV, Génération.s, etc. Dans ce contexte, la Fête de l’Humanité qui s’est tenue ce week-end a été très instructive. Celui qui avant l’été était en charge d’animer la campagne européenne du PCF, Ian Brossat, s’est transformé en tête de liste et n’y est pas allé avec le dos de la cuiller. Tout en prétendant conduire une liste d’union de la gauche, il a accusé les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon d’en rabattre sur la question de l’immigration, limite d’être racistes… En gros, pour Ian Brossat et ses amis, il ne peut être question de vouloir en quoi que ce soit limiter l’immigration d’où qu’elle vienne. Et que l’on ne vienne pas lui rappeler les propos d’un Georges Marchais ou ceux, plus anciens, d’un Jean Jaurès : « Ce que nous ne voulons pas, c’est que le capital international aille chercher la main-d’œuvre sur les marchés où elle est le plus avilie, humiliée, dépréciée, pour la jeter sans contrôle et sans réglementation sur le marché français, et pour amener partout dans le monde les salaires au niveau des pays où ils sont le plus bas. C'est en ce sens, et en ce sens seulement, que nous voulons protéger la main-d’œuvre française contre la main-d’œuvre étrangère, non pas je le répète, par un exclusivisme chauvin mais pour substituer l’internationale du bien-être à l’internationale de la misère. » (1894) Foin de tout cela, balivernes, pour notre ancien élève d’Henri IV, normalien, agrégé de Lettres, la concurrence que se livrent les prolétaires entre eux est un mythe.

 

 

Bien évidemment, dans cette entreprise de diabolisation, Ian Brossat et d’autres avec lui, reprochent à Jean-Luc Mélenchon d’avoir envoyé un représentant de son mouvement au congrès fondateur du mouvement Aufstehen (Debout) de Sahra Wagenknecht, la très talentueuse vice-présidente du groupe parlementaire de Die Linke au Bundestag.

 

 

C’est que cette figure de la gauche radicale allemande entend ne pas donner de blanc-seing à la politique menée par Angela Merkel qui a conduit l’Allemagne a accueillir plus d’un million de Syriens en 2015. La presse bien-pensante, Le Monde en tête, Libération, le Huffpost ont voulu voir dans les positions de Sahra Wagenknecht rien moins que la constitution d’un front rouge-brun contre l’immigration. À y regarder de plus près, on est très loin des positions de l’AfD puisqu’il s’agit, en fait, de s’opposer à tous les tenants du « no border » en distinguant parmi les immigrants ceux qui relèvent du droit d’asile, qui doivent être accueillis, et ceux qui n’en relèvent pas, ce que l’on appelle communément « l’immigration économique » qui, en augmentant la concurrence entre les travailleurs, concourent à tirer les salaires vers le bas, pour le plus grand bénéfice des employeurs qui, eux, intérêts bien compris, sont très favorables à une politique d’accueil total et sans condition. Voici, par exemple, ce qu’elle a déclaré lors du dernier congrès de son parti, Die Linke : « Chers camarades, nous sommes également d’accord pour dire que les guerres sont une cause majeure des mouvements de migration mondiaux. Et nous convenons que les personnes persécutées doivent se voir accorder l’asile. Je suis fier que le groupe parlementaire au Bundestag ait voté contre tout durcissement de la loi sur l’asile et qu’il continuera à le faire. Je pense que cela montre où nous en sommes dans ce dossier.

Et nous sommes également d’accord sur le fait que les réfugiés de guerre doivent être aidés. Il n’y a personne dans Die Linke qui s’interroge à ce sujet. Et je ne pense pas qu’il soit élégant de toujours prétendre que c’est différent. Non, ce n’est pas différent.

Ce dont nous discutons, c’est de savoir si un monde sans frontières dans des conditions capitalistes peut vraiment être une revendication de gauche. Même là, il y a quelque chose qui n’est pas controversé. Nous défendons le droit des pays pauvres de défendre et de protéger leurs marchés, leurs économies, avec des tarifs douaniers contre nos exportations agricoles. Mais cela signifie aussi fixer des limites à la libre circulation des marchandises. Nous exigeons un contrôle des capitaux pour empêcher les spéculateurs financiers de décider des devises, des taux d’intérêt et du sort d’économies entières. C’est pourquoi nous voulons bien entendu fixer des limites à la libre circulation des capitaux.

Oui, beaucoup d’entre nous sont probablement d’avis qu’il est irresponsable d’éloigner les pays pauvres de leurs spécialistes qualifiés parce que la pauvreté et la misère sur le terrain ne font qu’augmenter. Oui, nous discutons de la question de savoir s’il devrait y avoir des limites pour la migration de main-d’œuvre et, si tel est le cas, quelles sont-elles. Mais pourquoi ne pouvons-nous pas le faire objectivement, sans diffamation ?

Le politicien de gauche Bernie Sanders a également une opinion très tranchante à ce sujet. Je cite Bernie Sanders : « Ouvrir les frontières. Non. C’est une suggestion des frères Koch. » Ce sont de grands industriels avec 40 milliards d’actifs. Je cite Bernie Sanders : « Ce que la droite aime dans ce pays, c’est une politique d’ouverture des frontières. Amenez beaucoup de gens qui travaillent pour deux ou trois dollars de l’heure. Ce serait formidable pour eux. Je n’y crois pas. Je crois que nous devons travailler avec le reste des pays industriels pour lutter contre la pauvreté dans le monde. Mais nous ne pouvons pas le faire en appauvrissant la population de ce pays. » Voilà ce que dit Bernie Sanders. Et quand Jeremy Corbyn parle sur le sujet, ça sonne pareil. Vous n’avez pas à partager cette opinion, mais Bernie Sanders et Jeremy Corbyn ne sont en aucun cas des gens qui courent après la droite et adoptent leurs arguments. Qu’est-ce que c’est que cette non-culture du débat !

Je ne m’attends pas à ce que tout le monde soit d’accord avec moi non plus. Bien sûr que non. Mais ce que j’attends, c’est une discussion solidaire. Et si moi et d’autres camarades de mes propres rangs sommes accusés de nationalisme, de racisme et de proximité avec l’AfD, ou si l’on suppose que nous cédons à l’ère du temps droitiste, alors c’est le contraire d’un débat solidaire ! »

 

Déjà, dans une interview donnée à la Rhein Neckar Zeitung le 11 juin dernier, elle déclarait : « Nous sommes pour le droit d’asile et le défendons. Il doit y avoir des frontières ouvertes pour les personnes qui sont persécutées. Mais l’ouverture des frontières pour tous n’est pas réaliste. La perte de contrôle, qui a lieu à l’automne 2015, a changé ce pays, et pas pour le mieux. Cela ne doit pas se reproduire. »

 

Bien évidemment, toutes ces subtilités ne peuvent passer le tir de barrage médiatique. Au fond, et le MEDEF applaudit, il serait bon que s’exerçât sur les prolétaires une pression maximale et, rien de mieux en ce domaine qu’un marché du travail en tension, dans lequel chacun essaiera de survivre en abaissant ses prétentions salariales et où, de surcroît, sera portée à l’incandescence la division des travailleurs du fait de leurs origines, de leurs religions, etc. Dans un tel marché, le patron est roi. Lui, se fichera comme d’une guigne d’où vient le travailleur qui lui demande un emploi, quel Dieu il priera ou s’il n’en prie pas, seul comptera ce qui lui en coûte, le moins étant le mieux...

 

Pour en revenir à nos élections de mai prochain, l’heure est donc à la division à gauche. L’ennemi déclaré est évidemment ce Jean-Luc Mélenchon et ses Insoumis qui ont eu le tort de trop bien réussir tandis que tous les autres disparaissaient. Le procès en diabolisation est donc méthodiquement instruit avec l’espoir que, puisque ce scrutin ne mobilise que la fraction la plus aisée de la population, celle-ci sera plus attentive à ces « généreux » discours. Dans ce contexte, chacun y va de sa prétention à faire une liste. Ainsi a-t-on entendu Benoît Hamon, chef de la cabine téléphonique nommé Génération.s – on admirera au passage la grande modernité du « .s » – expliquer que lui aussi entendait se faire entendre et que, bien sûr, il ne pouvait être question de « sortir des traités ». La classique histoire du couteau sans lame auquel il manque le manche de Lichtenberg… Conduira-t-il la liste ? Peut-être, mais il verrait bien Nicolas Hulot dans le rôle… celui-là même qui vient de passer un an au gouvernement Macron sans rien obtenir mais qui n’a rien dit de la réforme du code du travail ou de celle de la SNCF. Avec une gauche de cet acabit, Macron et les siens peuvent dormir tranquille. Bien évidemment, les écolos autoproclamés, EELV, ne sont pas en reste avec un Yannick Jadot sur les starting-blocks… Sans parler de l’extrême-gauche (LO, NPA) qui, comme de coutume, devrait concourir au suffrages, comme on dit…

 

Des premiers sondages paraissent. Surprise, alors que tout ce que notre pays compte de commentateurs politiques avisés avaient enterré Marine Le Pen et son Rassemblement National, elle fait quasiment jeu égal avec LREM à 21 % d’intentions de vote. Excellente affaire pour Jupiter qui, depuis quelques mois, met en place cette fiction de l’opposition entre les « progressistes » – entendez lui, Mme Merkel, etc. – et les xénophobes des Salvini, Orban, etc. Un RN à 21 %, c’est pain béni en ce que cela conforte l’opération. Il s’agit, rien moins, que de refaire le coup du 2nd tour de la présidentielle avec Emmanuel Macron en grand défenseur de la liberté face à tous ces xénophobes anti-européens. Et puis, miracle supplémentaire, 55 % de ceux qui ont déclaré vouloir voter pour la liste LREM verraient bien Daniel Cohn-Bendit conduire la liste… On est bien étonnés, nous qui disions soupçonner ce dernier d’avoir refusé de devenir ministre remplaçant de Nicolas Hulot à cette fin…

 

 

On notera que, du côté de LFI, si les provocations de Ian Brossat les ont conduit à refuser d’aller à la Fête de l’Humanité, ils ont, le week-end précédent, eu d’intéressants échanges avec la gauche du PS conduite par Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Linemann. Jean-Luc Mélenchon, après les avoir invités à son « université d’été » rebaptisée AMFIS à la mi-août, est allé à leur réunion de rentrée, « Nos causes communes », y faire un discours assez remarquable en ce qu’il abordait la question de la stratégie. La question de l’isolement de son mouvement à gauche est évidemment un problème pour lui. Si l’on peut penser que son leadership à gauche a peu de chance de se voir contester dans les urnes, il reste que cet isolement empêche toute agrégation des forces de gauche dans le pays. Nul ne sait si l’invite faite à Emmanuel Maurel et ses amis trouvera un écho concret à travers, par exemple, l’occupation de places au sein de la liste FI aux européennes. Une chose est à peu près sure, si le PS, comme on peut le craindre ou l’espérer, venait à se donner un Moscovici pour tête de liste, on voit mal comment cette gauche du PS pourrait continuer à y rester. Bref, après avoir assis sa domination à gauche, se dessine pour Jean-Luc Mélenchon la possibilité d’élargir le cercle, autrement dit celui de proposer, le moment venu, une réelle alternative. Comme le souligne Stéphane Peu, député communiste de Seine-St-Denis, le pire serait qu’en 2022, avec un Emmanuel Macron démonétisé dont tout laisse à penser qu’il suit le chemin de son prédécesseur, la seule alternative politique sérieuse soit à « droite de la droite » comme cela s’est déjà fait dans tant de pays européens. L’enjeu est de taille. Il ne concerne évidemment pas que notre seul pays. Faire que celui-ci indique une autre direction, substitue à la désespérance qui prévaut depuis tant d’années une avenir possible, un avenir enviable, réorienter l’Europe pour la mettre au service des peuples qui la composent, entrer dans la transition écologique avec ses millions d’emplois à la clé, voilà qui mérite que l’on s’intéresse à la stratégie à mettre en œuvre pour y parvenir.

 

  1. Les « rebelles » syriens en déroute

C’est avec malice, il faut bien le dire, qu’est repris ici le terme de « rebelles » qu’emploient tous les médias mainstream. La réalité, on le sait depuis longtemps maintenant, c’est que ce vocable n’a pour seule vocation que de nous laisser penser que ceux qui sont encerclés à Idlib, au nord de la Syrie, seraient les descendants de ceux qui se sont opposés à Bachar el-Assad lors du « printemps syrien », il y a sept ans de cela. La réalité, c’est que les trois millions de personnes aujourd’hui encerclées sont totalement contrôlées par divers groupes djihadistes de diverses obédiences et que les « démocrates syriens » ont disparu. Le gouvernement Syrien, comme n’importe quel gouvernement du monde, entend reconquérir l’intégralité de son territoire et il est bien évident qu’il n’entend nullement accepter qu’une portion de ce territoire lui échappe. Imagine-t-on notre aimable gouvernement démocratique accepter qu’une quelconque province fasse sécession ? Alors, bien sûr, il est aidé par les pasdarans iraniens et l’aviation russe. Et ce ne sont pas des tendres. On nous ressort l’horreur que sont censés être les barils d’explosifs que larguent les hélicoptères de l’armée syrienne. Et, sans doute, peut-on imaginer sans peine les dégâts qu’ils causent. Mais, quelle différence avec nos bombes à nous, en dehors du fait qu’ils sont pour le moins rudimentaires ? Nos missiles sont-ils de nature différente ? Font-ils moins de morts civils ? Qui croit sérieusement au caractère « chirurgical » de nos engins… Quelle fable ! Alors, ne reste que le procès fait a priori au régime syrien de se préparer à larguer des bombes chimiques. Procès déjà fait par le passé sans que la moindre preuve n’ait pu être apportée puisque, précisément, les « alliés », entendez les USA et ses subordonnés, dont la France, ont refusé que l’organisation onusienne en charge de cette affaire puisse enquêter.

 

Idlib va donc tomber, tout le monde le sait et aucun de tous ces beaux parleurs ne lèvera le petit doigt pour l’empêcher. Non qu’ils ne le souhaiteraient pas, mais parce qu’ils en sont militairement incapables. Et, pendant ce temps, la guerre au Yémen continue. La France, l’Espagne et tant d’autres, ont livré ou livrent encore des armes à l’Arabie Saoudite sans que nul ne s’en émeuve. Et ces armes n’ont d’autre but que de faire la guerre. Et, dans cette guerre, le nombre de morts civils est, une fois de plus, largement supérieur à celui des combattants armés. Qui s’en soucie ? Autrement dit, nos « alliés », ces grands démocrates de saoudiens, peuvent bien faire ce que bon leur semble. Nous n’en avons nul souci. Par contre, dès lors que l’on est allié de l’Iran et de la Russie, alors là, c’est coupable, forcément coupable…

 

Dans la même série, nos médias ont cru bon d’insister sur l’ampleur des forces engagées par la Russie, avec la participation de la Chine et de la Mongolie, dans des manœuvres militaires qui se sont déroulées à Vostok au début de ce mois. Que Vladimir Poutine ait trouvé là l’occasion de faire une démonstration de force en vue de rappeler aux « occidentaux » qu’avant d’aller gratter l’ours russe, il conviendrait de réfléchir, soit. Mais pourquoi ces mêmes médias ont-ils passé sous silence les manœuvres de l’OTAN aux portes de la Russie, en Pologne et dans les pays Baltes, faites en juin dernier ? Pudeur, sans doute… Tous ces bruits de bottes sont évidemment inquiétants mais, pour qui souhaiterait être objectif, il n’est pas inutile de rappeler les ordres de grandeur des budgets de la défense des principaux pays : USA, 610 M$ ; Chine, 228 M$ ; Arabie Saoudite, 70 M$ ; Russie, 66 M$ ; Inde, 64 M$ ; France, 58 M$ ; Royaume-Uni, 47 M$ (pour plus de détails, voir ici). Dans le même ordre d’idée, si la Russie possède une base militaire en dehors de son territoire, en Syrie, les USA en ont 800 à travers 177 pays ! (voir ici). Ceux qui nous présentent la Russie comme danger principal pour la paix dans le monde, à commencer par la gauche façon Hamon, Jadot et consorts, sont donc d’aimables plaisantins. Il devraient en regard de ce qui précède consulter la carte des bases militaires russes (voir ici). Elle montre clairement que, dans la plus pure tradition russe, elle sont d’abord conçues en vue de défendre le territoire. Quant à l’idée absurde que nous aurions tout à craindre du dictateur russe et rien du fou qui occupe le bureau ovale, on en rigole… Le dernier livre de Bob Woodward, Fear, qui s’est vendu à 750 000 exemplaires le premier jour de sa sortie, devrait les inviter à réfléchir. Quant à mettre en avant en guise d’ersatz une « défense européenne » digne de ce nom, si l’on ne se pose pas la question de savoir qui la commandera, quels objectifs lui sont donnés, contre qui elle devrait être tournée, ce n’est rien moins qu’une imposture destinée à justifier l’augmentation des dépenses militaires des pays européens avec pour seul bénéficiaire le lobby militaro-industriel US.

 

Manœuvres Russes Vostok-2018

 

@ suivre…

 

P.S. : ai écouté ce jour Jean-Claude Michéa sur France Culture à propos de son dernier ouvrage Le Loup dans la Bergerie (Ed. Climats). Voici la présentation qui en est faite par l’auteur (en 4ème de couverture, probablement) : « Au rythme où progresse le brave new world libéral – synthèse programmée de Brazil, de Mad Max et de l’esprit calculateur des Thénardier –, si aucun mouvement populaire autonome, capable d’agir collectivement à l’échelle mondiale, ne se dessine rapidement à l’horizon (j’entends ici par « autonome » un mouvement qui ne serait plus soumis à l’hégémonie idéologique et électorale de ces mouvements « progressistes » qui ne défendent plus que les seuls intérêts culturels des nouvelles classes moyennes des grandes métropoles du globe, autrement dit, ceux d’un peu moins de 15?% de l’humanité), alors le jour n’est malheureusement plus très éloigné où il ne restera presque rien à protéger des griffes du loup dans la vieille  bergerie humaine. Mais n’est-ce pas, au fond, ce que Marx lui-même soulignait déjà dans le célèbre chapitre du Capital consacré à la « journée de travail » ? « Dans sa pulsion aveugle et démesurée, écrivait-il ainsi, dans sa fringale de surtravail digne d’un loup-garou, le Capital ne doit pas seulement transgresser toutes les limites morales, mais également les limites naturelles les plus extrêmes. » Les intellectuels de gauche n’ont désormais plus aucune excuse. ». Intéressant, non, comme souvent avec Michéa…

 

 



18/09/2018
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