Des réformes, comme s'il en pleuvait…
Dimanche 11 mars 2018
Sujets abordés :
- La « bataille du rail » aura-t-elle lieu ?
- Réformes tous azimuts
- L’Italie a voté…
- Et pendant ce temps…
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- La « bataille du rail » aura-t-elle lieu ?
Les dossiers s’empilent, dans la précipitation, selon une méthode bien pensée, celle du Blitzkrieg, qui consiste à étouffer les adversaires sous le nombre de réformes qui s’annoncent… ne leur laissant pas le temps de riposter, pas le temps de s’organiser. Emmanuel Macron est habile : céder sur l’accessoire, tenir sur l’essentiel, c’est-à-dire le détricotage systématique de l’exception française, c’est-à-dire du modèle social réputé coûteux en ces temps de mondialisation heureuse. Il bénéficie en cela du soutien actif des médias que ses amis milliardaires tiennent d’une main ferme et d’un service public d’information qui lui est entièrement dévoué.
Le premier dossier qui vient, c’est bien sûr celui de la SNCF. Rapport Spinetta en poche, Emmanuel Macron a décidé de précipiter les choses en faisant savoir, par la voix du premier ministre, qu’il userait des ordonnances tant il était urgent de réformer. Il a su, bien sûr, lâcher sur l’accessoire, c’est-à-dire sur la proposition de Spinetta de fermeture de 9 000 km de « petites lignes » non rentables qui avaient provoqué une levée de boucliers d’élus locaux. Il sait fort bien, et les élus locaux le savent aussi, qu’il n’est nul besoin de légiférer sur ce sujet puisqu’il suffira de « laisser faire » la loi du marché qui prévaut d’ores et déjà comme en témoigne le lot de lignes déjà fermées dans le cadre actuel de la SNCF. Si les collectivités locales veulent alors prendre à leur charge leur coût, ce sera leur affaire. Mais comme par ailleurs, tout est fait pour les étrangler financièrement et que les capacités contributives de leurs administrés sont très faibles, ces lignes disparaîtront « naturellement »…
Le gros du chantier est évidemment de mettre fin au statut des cheminots via une procédure déjà éprouvée à France Telecom ou La Poste consistant à laisser le statut perdurer pour ceux qui en bénéficient déjà tandis que les nouveaux recrutés le seront dans le cadre de CDI, mais surtout de CDD. On connaît les dégâts tant sociaux qu’en termes d’efficience du service que ceci produit. Si la réforme va à son terme, nul doute que la SNCF connaîtra les mêmes soucis.
En cette veillée d’armes qui prévaut avant le 22 mars, la propagande va bon train. Ainsi a-t-ton vu fleurir de forts opportuns sondages. Certains sont sans grande surprise dès lors qu’il s’agit de mesurer – pour autant qu’un sondage mesure quelque chose – le taux de satisfaction des usagers (que l’on nomme déjà improprement « clients » dans les sphères managériales de la SNCF) : si le TGV satisfait 2/3 des usagers, ils ne sont que 50 % pour les TER et seulement 38 % pour la banlieue parisienne, ce qui fait un taux global de satisfaction de 54 %, en recule de 19 points en dix ans ! (sondage Que-Choisir). Beaucoup d’usagers se plaignent des tarifs, en particulier sur les courtes distances. Gageons qu’avec la privatisation de la SNCF et à l’image de ce qui se passe chez nos voisins d’outre-Manche, ils ne devraient pas être déçus… Autre sondage, celui fait par Harris Interactive réalisé pour Atlantico (dont les préférences libérales ne font pas de doute) et RMC : 69 % des sondés se déclarent favorables à la fin du statut des cheminots ! Et, cerise sur le gâteau, 54 % seraient favorable à l’usage des ordonnances. Voilà qui est bel et bon pour le gouvernement et, comme il fallait s’y attendre, l’ensemble des médias de cour s’est empressé d’en faire une large publicité. Bizarrement, le même sondage assure que 43 % des personnes interrogées affichent leur soutien à d’éventuelles grèves et manifestations à venir, tandis que 38 % y seraient opposées (et 19 % étant indifférentes)… Contradiction évidente mais pas relevée par nos éditocrates de profession…
Il reste que, bien évidemment, nul ne se risque à prévoir ce que le 22 mars donnera. D’aucuns souhaiteraient que, 50 ans après, la rue gronde à nouveau tandis que dans les cercles du pouvoir on se plaît à afficher une sérénité de façade. En réalité, ils croisent les doigts et scrutent tant l’état de l’opinion que la situation syndicale. Sur le premier point, ils savent que dès lors que le débat s’ouvrira vraiment, ils sont loin d’être à l’abri d’un retournement identique à celui du référendum de 2005 sur le TCE : des médias totalement favorables et un résultat que l’on connaît… D’où la nécessité d’aller vite, de faire en sorte que le débat n’ait pas lieu, que les français ne sachent surtout pas que s’il est vrai que la SNCF est en difficulté, cela ne tient en rien au statu des cheminots mais tout à la dette qu’on lui fait porter injustement et aux choix stratégiques qu’a pris l’entreprise. Quant au front syndical, il est une fois encore bien fragile. L’ensemble des organisations représentatives appelle au 22 mars mais il n’a échappé à personne que Jean-Claude Mailly est apparu bien timide lors de son passage sur France inter le 6 mars (voir ici). Celui que l’on avait connu vent debout en d’autres temps, a repris son discours sur la loi travail, une discours de renoncement à la lutte, de toute évidence. On le sait sur le départ, la seule question qui vaille le concernant est : pour quels cieux ? Autrement dit, quelle sinécure lui a-t-on promis ? S’agissant de la CFDT, si l’on sait que Laurent Berger ne trouverait sans doute pas grand-chose à dire de cette réforme, elle a un souci : son « antenne » de poids à la SNCF ne tient que par la grâce du ralliement de la très corporatiste FGAAC, le syndicat des roulants. Pour corporatiste que soit cette organisation, sa position est stratégique en cas de conflit et elle ne peut décemment pas passer le statut pour pertes et profits. Il faut donc s’attendre à ce que le gouvernement accepte de faire preuve d’un peu de souplesse à leur endroit. Par exemple, que les « roulants » conservent leur statut à l’avenir. Cela exigerait sans doute quelques contorsions juridiques mais si c’est là le prix à payer, gageons que certains au gouvernement sauront s’en accommoder… Quant à l’UNSA, l’autre grand syndicat « réformiste » (23,9 %), on passe d’un pied sur l’autre… Un jour on la joue « modéré », et l’autre – sans doute parce que les adhérents ont encore quelques principes – on se rallie au 22 mars. Du côté des opposants dont le pouvoir sait ne rien devoir attendre, CGT (34,3 %) et SUD-Rail (16,8 %), on tente de s’organiser. Ainsi, la CGT vient-elle de produire un document de 45 pages (téléchargeable ici) extrêmement fouillé quant à la stratégie que devrait suivre la SNCF. Sans surprise, ce rapport dénonce le lien fait par le pouvoir entre dette de la SNCF et statut des cheminots, statut dont évidemment il n’est pas question de sortir… Le journal Le Monde a publié ici un résumé des mesures proposées par la CGT :
- Renoncer à la concurrence dans le ferroviaire ;
- Lancer un effort national pour augmenter la part du train dans les transports ;
- Désendetter la SNCF en utilisant une structure de défaisance ;
- Nationaliser les autoroutes pour financer le désendettement ;
- Réserver la TICPE aux infrastructures de transport ;
- Revenir à un groupe public unique et intégré ;
- Pérenniser et même renforcer le statut de cheminot.
Que le lecteur se rassure, Le Monde n’a pas fait la une de son journal avec cet article… Mais, au moins a-t-il consenti à en faire état en bas de page 5 de son supplément Eco&Entreprise. Le service public tant audio que télé n’en parlera pas. On va tout de même pas faire son boulot !
Le 22 mars, donc, devrait donc voir des cheminots dans la rue, mais pas seulement. Les fédérations de fonctionnaires appellent également. En cause, de leur point de vue, les projets dont on a déjà parlé ici. Trois questions se posent à l’aube de cette journée : 1. Les publics appelés à manifester ce jour-là seront-ils massivement présents ? 2. Les organisations syndicales vont-elles, une fois encore, une fois de plus, « jouer du violon » sur le mode du « combat dans la durée », autrement dit de rendez-vous espacés dont la seule efficacité est de permettre de voir les rangs s’effilocher au fil du temps sans que le pouvoir n’ait à reculer. 3. Le mouvement va-t-il s’élargir et aboutir à une vraie confrontation ? Autrement dit, l’ensemble des salariés de ce pays va-t-il consentir à sortir de sa coquille, à ne pas « faire grève par procuration » ?
Tout ceci se construit et, au vu de ce que l’on a connu ces deux dernières décennies, on est en droit de douter. À supposer que les cheminots se lancent dans la grève reconductible, il va leur falloir convaincre toute une population qui a vu le service public ferroviaire aller de Charybde en Scylla, consentir à l’idée que ce n’est pas en fragilisant la situation des salariés de la SNCF, autrement dit en alignant leurs droits sociaux sur la leur que cela améliora leur propre situation et, enfin, qu’il va leur falloir « entrer dans la danse », autrement dit, eux-aussi, consentir à sortir de leur coquille, à cesser de courber l’échine, à participer du blocage économique du pays. S’il est une leçon qu’il faudrait retenir de Mai 68, c’est bien celle-là : Mai 68 a certes permis de « libérer » les mœurs mais, surtout, aura été l’un des derniers moments où ce pays a connu de réelles avancées sociales et, ce, parce que l’ensemble de l’économie était bloqué, parce que dans la grande majorité des entreprises, grandes mais aussi petites, s’étaient mis en place des piquets de grève. Sommes-nous à la veille de tels événements ? Nul ne peut le dire. Tout au plus peut-on l’espérer…
- Réformes tous azimuts
Le pouvoir a compris qu’il fallait « battre le fer tant qu’il est chaud »… C’est donc à une avalanche de projets de réformes que l’on assiste. Certaines ne sont là que pour faire joli dans le paysage, d’autres sont plus sérieuses. Au titre des premières, une éventuelle révision de l’objet social des entreprises. Aimable plaisanterie qui prévoit de ne pas limiter aux seuls profits le raison d’être des entreprises en introduisant une dimension « sociale et environnementale »… Le MEDEF proteste pour la forme tout en sachant que même si le pouvoir introduit via la loi PACTE une réforme du Code civil, tout cela n’ira pas bien loin… Mais, « en même temps », on apprend que le gouvernement a décidé de lâcher à Vinci et autres requins ADP (Aéroport de Paris), FDJ (la Française des Jeux) et Engie (ex GDF-Suez), autrement dit, dans la foulée des gouvernements précédents, de « gauche » comme de droite, de brader les bijoux de famille. Les usagers des autoroutes goûtent tous les jours les bienfaits de leur privatisation. Il serait dommage de ne pas continuer dans cette voie…
Autre réforme : Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, envisage de créer des « tribunaux criminels » dont le seul mérite sera de remettre aux mains de trois juges professionnels ce qui relevait auparavant des prérogatives des jurys populaires dans le cadre des Cours d’assises. Ces dernières ne seraient plus alors réunies que pour des peines susceptibles d’être prononcées supérieures à 20 ans. L’argument est éculé : réunir des jurys prend trop de temps… Si le grand public, à tort, ne porte pas attention à cette réforme, il n’en va pas de même de ceux qui s’y connaissent un peu, à commencer par les avocats. Ils font valoir que ce qui pèse sur la Justice, ce n’est pas tant le temps que se réunissent les Cours d’Assises que celui de l’instruction et que ce temps n’est trop long que parce que les moyens de la Justice sont dans ce pays ridiculement bas. En d’autres termes, plutôt que de réduire à peau de chagrin le rôle des jurys populaires, plutôt que de « professionnaliser » la justice – avec tous les risques de défiance que cela porte en germe – notre pays ferait mieux de rejoindre les standards internationaux en matière de budget (0,2 % du PIB/habitant – 34ème rang sur 40 !)
On passera rapidement sur la réforme de la formation professionnelle que le gouvernement nous présente comme une « révolution », pas moins, et qui, de fait est une bombinette. Qu’en retenir ? Qu’au lieu de bénéficier d’un quota de temps de formation comme le prévoyait le CPF (compte personnel de formation) institué en 2015, le salarié va se voir allouer un montant pouvant aller jusqu’à 5 000 € sur dix ans (voire 8 000 € pour les salariés « sans qualification »). Le naïf n’y trouvera sans doute rien à redire mais si l’on en croit un universitaire spécialiste de cette affaire, cette réforme bénéficiera surtout et essentiellement aux mieux formés qui sont, on le sait, le cœur de l’électorat d’Emmanuel Macron. En effet, au lieu et place des actuelles structures de formation parmi lesquelles figure Pôle Emploi se substituera un CEP (conseil en évolution professionnelle) qui sera pour l’essentiel un catalogue d’offres de formations proposées sur le net. On imagine sans peine, dès lors, que les « sachants » sauront user d’un tel outil avec efficacité quand les moins bien formés se retrouveront perdus devant des offres de formation où l’essentiel sera dans ce qui n’est pas dit, ce qu’il faut lire « entre les lignes ». Qu’en outre, une palanquée de malandrins saura se saisir de cet outil à des fins sonnantes et trébuchantes ne fait pas plus de doute. Bref, en guise de « révolution », on a droit à la « liberté du renard libre dans le poulailler »…
Enfin, toujours en ce qui concerne le « champ des réformes », figure en bonne place la réforme constitutionnelle dont on devine sans trop de peine qu’elle sera un fourre-tout fait de bric et de broc puisque devraient s’y trouver tout à la fois la réduction du nombre d’élus, la limitation du nombre de mandats électifs, la limitation du droit d’amendement des parlementaires, la fin du droit des anciens présidents à siéger au Conseil Constitutionnel et… l’inscription de la Corse dans le cadre de la révision de l’article 72 ou 74 !
Ce qui frappe d’emblée, s’agissant de l’essentiel, c’est l’antiparlementarisme primaire qui préside à cette réforme. On peut parler ici sans crainte de « populisme ». S’il est vrai que nos parlementaires sont loin d’être irréprochables, il est faux de dire que leur nombre serait trop grand. Il suffit pour s’en convaincre de comparer avec des démocraties comparables à la nôtre.
Ce qui frappe dans le tableau ci-dessus, ce sont les cas du Brésil et, surtout, des USA. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que ces deux États sont des fédérations et que dans ce tableau ne sont comptés que les parlementaires « nationaux ». Autrement dit que, dans le décompte fait, on oublie les parlements des États stricto-sensu (comme le Mato-Grosso pour le Brésil ou la Californie pour les USA). Car, dans ces États fédéraux, il y a bien des assemblées élues qui votent des lois valables dans le seul État et dont la seule limite est d’être en accord avec la Constitution du pays. En outre, et c’est sans doute l’essentiel, si l’on peut faire le constat que les parlementaires nationaux des USA ont un vrai pouvoir, y compris de blocage de l’action présidentielle – Barak Obama en a fait les frais durant six des huit années de sa présidence – il n’existe rien de tel dans notre pays. Notre parlement, dans le cadre de la Vème République, est en effet réduit au triste rôle de chambre d’enregistrement. Et le spectacle que nous donne la Macronie depuis son installation est sans doute le pire qu’on ait jamais vu de ce point de vue. Il est dès lors aisé et d’autant plus facile de convaincre la population du bien-fondé de la réduction du nombre d’élus que l’on aura « en même temps » prouvé à l’envi qu’ils étaient inutiles, ce qu’ils prouvent tous les jours… Quand, donc, les députés LREM ont cru bon de se démettre en votant dès leur installation la loi d’habilitation des ordonnances sur la loi travail, ils ont consacré symboliquement leur démission. La logique voudrait d’ailleurs que l’on allât jusqu’au bout de la démarche et que l’on supprimât le Parlement lui-même… Le pouvoir n’ira certes pas jusqu’à cette extrémité – il faut bien préserver quelques apparences - mais quand cette réduction du nombre d’élus se conjugue avec la réduction du droit d’amendement à proportion du nombre d’élus des groupes parlementaires, on comprend dès lors que même les débats sans conséquence qui se déroulent au Parlement en viennent à gêner. La démagogie qui s’exprime à l’occasion de cette réforme est sans borne. Est, par exemple, mise en avant la réduction des dépenses que la réforme occasionnerait… On peut certes penser que nos parlementaires sont bien payés – encore qu’il s’est trouvé des députés de LREM pour se plaindre de ce qu’ils y avaient trop perdu ! – mais il n’est peut-être pas inutile de rappeler que si c’est le cas, c’était aussi avec le souci de faire en sorte que nos élus soient dégagés des soucis financiers quotidiens et, par-là, moins sensibles à la corruption. On sait qu’être bien payé ne suffit certes pas pour se prémunir de ce fléau comme le prouvent les élus Balkany et de nombreux autres mais, comme chacun le sait, une condition nécessaire n’est pas forcément suffisante…
En tout cas, pour le moment, la démagogie, le « populisme » gouvernemental fonctionne à plein. Nombre de citoyens de ce pays, ayant bien compris que ce parlement n’était ni utile ni représentatif, se déclarent favorables à la réduction du nombre de parlementaires.
Bien évidemment, côté politique, ça coince. Car qui dit réduction du nombre d’élus, dit réduction des moyens des partis politiques, redécoupage des circonscriptions et tripatouillages divers… De sorte qu’il y a assez peu de chance que la réforme puisse passer par la voie parlementaire puisque, dans le cadre de la réunion du congrès à Versailles qu’elle suppose (article 89), il n’y aurait pas de majorité qualifiée pour la voter. Le pouvoir envisage donc d’user de l’article 11, autrement dit de demander par référendum aux français de l’approuver. Et, là, comme chacun le sait, c’est toujours plus compliqué que le pouvoir ne le souhaite puisque l’un des vices cachés du référendum c’est que les citoyens ne répondent pas forcément à la question posée ou, pour le dire autrement, que des gens ayant des conceptions totalement différentes peuvent se retrouver à voter non. C’est ce qui s’est passé en 1969 avec la réforme proposée par le Général de Gaule, c’est ce qui s’est passé en 2005 avec le référendum sur le TCE. En d’autres termes, le fait qu’un référendum a, dans ce pays qui en connait si peu, le défaut de ressembler par trop à des plébiscites. Et, dans le climat de défiance actuelle, il ne va pas de soi que, quoique pensent les citoyens de la réforme proposée, ils ne se saisissent de ce vote pour dire tout le bien qu’ils pensent du pouvoir macronien…
- L’Italie a voté…
On en a peu parlé dans les médias, mais nos voisins transalpins viennent ce 4 mars de renouveler leur parlement et le résultat est, une fois encore, le signe que la vague « dégagiste » continue de secouer l’Europe. Le premier résultat est évidemment le camouflet que les italiens viennent de donner à leur Macron local, Matteo Renzi. Celui pour lequel notre presse mainstream avait les yeux de Chimène s’est pris une grande claque. La seconde, en fait, puisque le 4 décembre 2016 les italiens avaient eu l’outrecuidance de répondre non au référendum que Matteo Renzi leur avait proposé… Son parti, le PD (Parti démocrate), peut tout au plus se réjouir de n’avoir pas perdu à Bologne où il présentait un certain Pier Ferdinando Casini dont la marque de fabrique était de n’avoir jamais été de gauche puisqu’au cours de ses 35 années de vie parlementaire, il a toujours siégé avec la DC (démocratie chrétienne) ! Maigre consolation, donc…
Que retenir, en dehors de cette défaite ? Arrivent en tête, d’une part le M5S (Mouvement 5 étoiles) conduit par Luigi Di Maio, suivi de la Ligue (ex du Nord) conduite par Matteo Salvini.
La complexité de la loi électorale qui concerne les deux chambres fait que nul ne sait encore à cette heure, c’est-à-dire presque une semaine après le scrutin, quelle est la composition exacte de chacune d’elles… On se contentera donc des résultats partiels tels que ceux publiés en début de semaine :
Difficile de ne pas voir que, si l’on consent à parler « populisme » pour ces deux partis, l’un, la Ligue, arrive en tête dans le nord du pays tandis que l’autre, le M5S, le fait dans le sud… Et, comme nombre d’observateurs l’ont souligné, la Ligue a clairement tenu un discours xénophobe tandis que le M5S se voulait plus mesuré sur le sujet. Une chose est sure, la vague migratoire qu’a connu l’Italie a eu, peu ou prou, les mêmes conséquences qu’en Europe du Nord, en Allemagne, en Autriche, etc. Dans un contexte d’abandon par l’Europe des pays confrontés à cette vague que sont la Grèce et l’Italie, il semblait assez évident que, quoi qu’en pensent « les belles âmes », les électeurs réagiraient à cet abandon. Matteo Renzi, europhile béat, en a d’autant plus fait les frais qu’il a, parallèlement et en plein accord avec l’Europe, conduit une politique libérale que les italiens jugent sévèrement. S’il ne s’agit donc pas ici de regretter son départ et sa démission de la tête du PD consécutive à sa défaite, on ne peut que constater la capacité de nuisance de tous ces libéraux qui conduisent les peuples à chercher refuge dans ce qui se fait de pire. La gauche italienne, comme l’ensemble des gauches européennes sociale-démocrates, dès lors qu’elle est représentée par des gens qui n’ont de cesse de conduire des politiques antisociales, aboutit au pire qui, s’il n’est pas sûr, n’en est pas moins à craindre. Quant au M5S, il est sans conteste d’une essence toute particulière que nous avons, nous, vu d’ici, bien du mal à cerner. Ayant à sa tête des dirigeants souvent jeunes, il recueille les voix de tous ceux que le système méprise, les plus jeunes en particulier qui doivent faire face à une dramatique absence de perspectives. Le taux de chômage des jeunes en Italie est explosif et l’on sait que nombre de ses jeunes les plus formés ne doit sa survie qu’à l’exil auquel ils ont dû consentir. C’est évidemment un drame pour un pays de voir sa jeunesse la mieux formée le quitter et il est clair que cela ne peut être sans effet politique. Le M5S, de ce point de vue, répond à cette jeunesse, d’une part, mais aussi, pour une autre part, à tous ces parents inquiets de voir leurs enfants dans une telle impasse. Aussi, et malgré les difficultés que le mouvement a rencontré à la tête de Turin et Rome, le M5S a réussi à rajeunir son image en se passant de Pepe Grillo, son leader historique, à « faire le show », attirant à lui tout un électorat en souffrance.
Nul ne sait aujourd’hui quelle coalition peut bien se former à l’issue des résultats pour gouverner. Mais, la nature ayant horreur du vide, le M5S ayant rompu avec le « splendide isolement » qui était sa marque de fabrique, l’Italie pourrait bien, demain, se retrouver avec à sa tête une coalition M5S-Ligue qui, pourtant, et sur nombre de sujets, ont des positions fort divergentes…
- Et pendant ce temps…
Rubrique introduite la fois précédente, le lecteur aura compris que c’est là le lieu d’un fourre-tout de ce dont il faudrait parler sans le faire vraiment…
1. Congrès du FN : pas de surprise
Le FN a réuni ce week-end son congrès « de la refondation ». Sans surprise, Marine Le Pen, seule candidate, a été réélue à sa tête (sans que l’on sache quel aura été le taux de participation à ce vote des adhérents). Sans surprise également, les nouveaux statuts qui viennent d’y être adoptés prévoient la disparition du poste de « Président d’honneur » du parti. On sait qu’il s’agit là de « virer le vieux »... Enfin, le FN change de nom : « Rassemblement national » (RN) est désormais le nom auquel il va falloir s’habituer. Bref, le parti d’extrême-droite a procédé à un ripolinage de façade tandis que, loin des caméras, montent de nouveaux responsables qui ont beaucoup à voir avec ce qui a longtemps été la marque de fabrique de cette mouvance dans notre pays, ce que l’on appelle de nos jours « la droite identitaire ».
Sur le plan programmatique, avec la sortie de Florian Filippot, il est clair que le discours anti-européen avec, en particulier, la sortie de l’euro, a du plomb dans l’aile. L’enjeu est tactique : il s’agit de permettre de « rassembler » toute cette partie de la droite, vieille pour beaucoup, qui reste encore à LR au seul motif qu’elle ne veut en aucun cas sortir de l’euro. La seule question dès lors est de savoir si Laurent Wauquiez, qui fait lui aussi dans le discours de droite musclé façon Buisson, acceptera de faire alliance ou n’a pour seule ambition que de « plumer la volaille FN ». Le prochain scrutin européen permettra de mesurer les rapports de forces entre ces deux formations qui, désormais, chassent vraiment sur les mêmes terres. Une incertitude toutefois : il ne va pas de soi que toute cette partie de la population, pauvre, qui s’était ralliée au FN à la suite de la ligne Filippot, consente à suivre un tel FN, fût-il repeint en RN.
2. Le PS : un cadavre qui bouge encore…
On sait combien le parti radical a pu être, des décennies durant, au centre de la vie politique de notre pays. On sait ce qu’il en est advenu : une aimable cabine téléphonique tout au plus capable de se donner pour dirigeants des personnalités médiatiques tels Bernard Tapie ou Christiane Taubira. Après la défaite des derniers scrutins présidentiel – Benoît Hamon a fait 6 % – et législatif (6,6 % au 1er tour et 30 députés), après le départ de ses figures les plus emblématiques telles Benoît Hamon et Manuel Valls, la question se pose de l’avenir du PS. Si l’on en croit quelques échos d’outre-tombe, le cadavre bouge encore. Il se serait même trouvé à peu près 150 000 personnes pour suivre le débat organisé par RTL et LCI ce mercredi 7 mars qui a réuni Stéphane Le Foll, le chef des socialistes à l'Assemblée nationale, Olivier Faure, l'eurodéputé Emmanuel Maurel et le député Luc Carvounas qui postulent à prendre la tête de l’officine. On a cru comprendre que rien de bien sérieux ne séparait ces quatre-là, qu’ils avaient été aimables les uns envers des autres, bref, que si le cadavre bouge encore, il ne devrait plus guère déranger…
@ suivre…
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